Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

LE MONUMENT AUX MORTS DE NOISY-LES-BAINS

Provoqué par l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, héritier de la monarchie austro-hongroise, à Sarajevo le 28 juin 1914, le premier conflit mondial ne devait prendre fin réellement qu’avec le traité de Versailles signé symboliquement le 28 juin 1919.

Entrée en guerre le 3 août 1914, la France restera toute entière mobilisée jusqu’à la signature de l’armistice, le 11 novembre 1918, et parmi tant d’autres combats, la bataille de Verdun (février à décembre 1916) résume à elle seule le caractère destructeur de cette Grande Guerre, qui fit près de 10 millions de morts et plus de 21 millions de blessés de par le monde.

La France est victorieuse mais meurtrie avec près de 1 400 000 soldats français et coloniaux décomptés morts, soit 15 % des soldats mobilisés, soit 27 % des 18-27 ans, sans oublier environ 150 000 poilus décédés des suites de leurs blessures. Parmi ces morts, on dénombre, selon les sources, entre 70 000 et 98 000 soldats coloniaux représentant entre 5 et 7 % du total des pertes militaires françaises, ce qui est considérable si l’on compare la population hexagonale à celle de l’Algérie. Il faudra attendre 1950 pour que le niveau de la population de la métropole revienne à celui de 1914.

Durant cette guerre d’un genre nouveau, tant par sa durée que par les destructions causées par l’armement employé, le rapatriement des corps était difficile. Les dépouilles des soldats furent donc rassemblées dans des cimetières militaires ou sur les champs de bataille, mais, dans de nombreux cas, le corps avait totalement disparu sous les tirs d’obus. Il fallut donc trouver un moyen de rendre hommage aux victimes et c’est de la volonté de la population, qui va donner une dimension encore jamais atteinte à ce désir d'honorer les morts pour la patrie, qu’à partir de 1920 et jusqu’au milieu de la décennie, il se construira un peu plus de 36 000 monuments, en moyenne 16 monuments aux morts par jour, dans les départements et les colonies.

Eriger « un monument en souvenir des soldats du pays morts pour la France » sera une nouvelle mobilisation, cette fois autour du culte aux  « morts glorieux », aux « enfants du village Morts pour la Patrie », mobilisation des vivants pour les morts, disons plutôt des survivants, de ceux qui ont pratiquement tous perdu un fils, un père, un fiancé, un mari, un parent, un ami quand ce n’est pas un bras, une jambe, la santé… Les vides creusés par la mort sont emplis d’une gloire qui rejaillit sur toute la commune, douloureuse mais fière du sacrifice inoubliable de ses enfants.

C’est cette mobilisation pour faire vivre les morts, pour organiser le deuil collectif, vrai deuil national vécu au village, que nous allons suivre de 1918 à 1926, à travers le conseil municipal, la paroisse, la population. Cette mobilisation n’est en rien le produit d’une décision venue de haut, de l’Etat : elle est spontanée et provient d’une volonté générale, de l’élan des villes et des campagnes.

DESCRIPTION DU MONUMENT

Le Monument aux morts de Noisy-les-Bains en 1955.
Malgré sa couleur bronze, la statue était en pierre et fut peinte à une date inconnue.

Comme nous le montre cette vue prise en 1955, la disposition du monument aux morts de Noisy-les-Bains est solennelle et majestueuse. Nous remarquons tout d’abord qu’il faut gravir quelques marches arrondies en pierre au premier plan, pour y accéder.

Ce monument se compose d’un piédestal élevé sur lequel repose une statue qui domine le lieu.

L’ensemble est isolé au centre d’une terrasse (dallée de carreaux de ciment gris que l’on distingue à peine ici), fermée par des grilles ouvragées mais ne portant aucun symbole particulier. La grille du fond, semi-circulaire, de près de deux mètres de hauteur porte des piques dans sa partie supérieure ; elle est disposée devant une rangée de ficus épousant la même courbe et constituant le fond du décor. La grille de façade, haute d’un mètre à peine, rectiligne entre deux piles en maçonnerie, à base carrée et ceinturées de deux gouttières, de même hauteur situées à égale distance du portillon centrale, se termine à chacune de ses extrémités par un pan coupé dans l’alignement des murets voisins et rejoignant les extrémités de la grille semi-circulaire. Contrairement à la grille arrière, la grille avant n’est pas surmontée de piques, et un portillon s’ouvre en son centre. Deux torchères métalliques de style art-déco s’inspirant des torchères antiques, de taille moyenne et aux pieds finement décorés de petits cercles, sont surmontée d’une assiette (en verre ?) ; ces torchères disposées sur les piles symbolisent la flamme du souvenir et complètent le décor.

Lors des commémorations, des drapeaux étaient accrochées aux grilles et aux deux torchères, d’où l’absence de mât dans cet espace.

Le piédestal en maçonnerie, d’un blanc immaculé, sur lequel repose la statue mesure près de trois mètres de hauteur. Sa base est constituée de deux assises carrées formant emmarchement, celle de dessous en pierre, l’autre en maçonnerie. Au-dessus, de la même hauteur que chacune de ces assises, une troisième assise supporte un boc pyramidal tronqué sur lequel est posé le dé supportant la corniche imposante. Les proportions de l’ensemble sont harmonieuses.

Les parties latérales et la façade de la troisième assise sont ornées chacune d’une couronne végétale en bronze ouverte vers le haut, composée d’une branche de laurier (symbole d’éternité) et d’une branche de chêne (symbole de force) encadrées de deux palmes (offrande aux vainqueurs).

Sur la façade du dé est placée, gravée dans du marbre de Carrare, la dédicace du village à ses morts :

A LA
MEMOIRE GLORIEUSE
DES ENFANTS DE
NOISY-LES-BAINS
MORTS POUR LA
FRANCE
1914 – 1918

Les faces latérales du dé portent, également gravés dans le même marbre, les noms de ces morts pour la France. A gauche, sous l’intitulé « Indigènes » sont gravées dix-sept lignes ; à droite (non visible ici), sous l’intitulé « Européens » sont gravées dix lignes, puis une ligne indiquant 1939-1915 au-dessus de sept autres lignes.

Malheureusement, cette vue ne permet pas de savoir si la façade arrière du piédestal comporte d’autres inscriptions complétant celles des côtés et si les seuls Européens évoqués ci-dessus représentent tous les morts du village dans le second conflit mondial. La question reste posée, nous y reviendrons.

Sur la façade de la corniche est apposée une croix de guerre, en bronze comme les couronnes du bas, qui est une décoration instituée par le Parlement le 5 avril 1915 pour honorer les soldats ayant fait acte de courage et obtenu une citation. Sa représentation sur d’innombrables monuments aux morts témoigne de l’importance que lui accorde alors la population qui y voit la « médaille du champ de bataille ».

On remarquera que la mention « pro patria » (pour la patrie), que l’on peut lire sur quantité de monuments aux morts, est absente ici mais que les « enfants de Noisy-les-Bains » sont « morts pour la France ». Ici c’est « la mémoire glorieuse » qui prime car, bien plus qu’une mort glorieuse mais somme toute éphémère, c’est cette mémoire du sacrifice que l’on veut conserver éternellement.

Enfin, mis en valeur par son imposant piédestal, le « Poilu mourant défendant son Drapeau », une statue en bronze mesurant 2,10 mètres et dont la pointe de la hampe du drapeau culmine à environ cinq mètres du sol, domine le lieu de sa masse sombre.

Ce poilu est réaliste par la précision des détails. Il est coiffé du casque Adrian dont le port s’est généralisé à partir de mai 1915. Tandis que son visage est tourné vers les cieux, de son bras gauche replié, le combattant enlace un drapeau qu’il serre de la main tout contre sa poitrine du côté du cœur. Son buste est basculé vers l’arrière car il vient d’être mortellement touché. Alors que sa jambe gauche lui sert d’appui, sa jambe droite, celle qui était en avant, commence à être entraînée par le basculement de son corps vers l’arrière. Son bras droit est tendu vers le sol pour amortir sa chute. Sa capote porte des rouleaux d’épaule (qui évitaient notamment à la bretelle du fusil de glisser pendant les déplacements) et les plis de ce manteau, largement remontés sur les côtés afin de faciliter sa progression, laissent bien voir ses bandes molletières. Sa ceinture soutient à l’avant deux cartouchières, une troisième étant fixée au bas de son dos entre une musette à gauche et une gourde à droite, mais il n’est pas armé car, sans doute sous le choc, a-t-il déjà laissé tomber son fusil. Derrière la jambe droite du combattant se dresse un amas informe qui correspond à une souche d’arbre.

Réaliste, ce poilu est aussi idéalisé par son attitude et son expression. Il figure le soldat prêt à tout pour sauver son pays et va jusqu’au sacrifice suprême car il meurt en défendant son drapeau

A l’instant de sa mort, ce poilu, l’un « des enfants de Noisy-les-Bains », ne porte pas d’arme mais enlace le drapeau de la France, sa mère patrie, qui paraît soulager sa douleur. Le soldat le serre contre son cœur et y appuie son visage, un visage juvénile, imberbe, pour bien mettre en évidence le sacrifice fait par la communauté villageoise qui a vu périr une partie de sa jeunesse. Ce symbole renforce ainsi l’épitaphe à « la mémoire glorieuse » qui tend vers l’éternité du souvenir de ce sacrifice que l’on donne à voir, pour l’exemple et l’édification de tous, en le plaçant entre ciel et terre dans un espace sanctuarisé.

Ainsi, tout dans ce monument aux morts est-il signifiant : monument public, il participe à l'environnement dont on ne peut l'abstraire ; monument commémoratif d'une mort collective, il est l'émanation conjointe du peuple et du pouvoir ; monument funéraire, il exprime le chagrin de tous et de chacun ; monument sculpté, enfin, dans la pierre ou le bronze, son caractère sacré s'affirme, non seulement par le sacrifice qu'il commémore, mais par le défi au temps qu'il représente, car il se veut, comme toute statue, immortel, et comme tout souvenir, éternel.

SON HISTOIRE

Les archives des finances et des travaux publics (cotes O et R) contenant les dossiers d’érection des monuments aux morts se trouvant aux archives départementales d’Oran, complémentaires des archives communales, n’ayant pas été transférées en France en 1962, nous devons nous appuyer sur la documentation existant en France, incomplète mais heureusement suffisamment fournie, pour nous permettre d’établir avec certitude l’histoire de ce monument aux morts, la mémoire commune des vivants nous aidant à combler quelques lacunes.

1)-La décision d’ériger un monument aux morts pour organiser le deuil

Emanant de la volonté collective, l'érection du monument aux morts devait tenir compte, à Noisy-les-Bains comme ailleurs, des désirs et opinions de tous mais aussi des lois, car un tel geste entrait dans le cadre de « l’hommage public ». Cette volonté s’est rapidement traduite par une décision du conseil municipal présidé par Henri Langlois, alors faisant fonction de maire depuis 1917, année de la mort en fonction de Félix Brun. Faute d’avoir accès aux archives restées en Algérie, nous ne connaissons pas la date exacte de cette décision que nous situerons cependant en mai-juin 1919, car le 28 juin nous pouvons lire dans la presse que « désireux de célébrer également la signature de la paix [ndlr : le traité de Versailles venait d’être signé], les jeunes gens [de Noisy-les-Bains] organisent pour le dimanche 29 juin, une brillante fête populaire… Le produit du plateau servira entièrement à l’érection d’un monument aux morts pour la Patrie. »

Le changement de municipalité en décembre 1919, le 26 novembre avait été annoncé que « l'adjoint délégué Langlois Henri, ne sera pas candidat », ne modifia en rien ce projet qui fut poursuivi de 1920 à 1925 par Hubert Hernandez et mené à son terme en 1926 par Jean Garrigues.

Aussitôt la décision prise, comme dans toutes les communes, le maire constitua une « Commission du Monument » chargée de mener le projet à son terme en relation avec la préfecture et l’incontournable « Commission d’examen des projets d'érection de Monuments Commémoratifs aux Morts de la Guerre ».

2)-Le choix du monument et son esthétique

Traditionnellement, le culte des morts appartenait à l'Eglise catholique qui, après la guerre, a fait apposer une plaque dans de nombreux édifices religieux.

A Noisy-les-Bains, cette plaque de marbre d’un mètre de haut comportait dans son tiers supérieur deux branches en bronze (olivier, chêne, laurier ?) formant couronne ouverte en haut et sous laquelle n’étaient gravés que les noms des seuls Européens morts pour la France en 1914-1918. Nous ignorons si les inscriptions étaient identiques à celle du monument aux morts. En 1962, elle se trouvait dans la chapelle à droite du chœur de l’église en vis-à-vis de la plaque qui est depuis quelques années maintenant au sanctuaire de Santa-Cruz à Nîmes. L’abbé Vincent, dernier curé de la paroisse de l’Immaculée Conception a rapporté ces deux plaques en France. D’après un courrier qu’il m’adressait dans les années 70, la plaque des morts de l’église de Noisy-les-Bains lui servait de table d’autel dans la communauté catholique traditionnaliste de Montauban où il vivait. Qu’est-elle devenue depuis ?

Cependant, la loi du 9 décembre 1905, dans son article 28, « interdit d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics... à l'exception... des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires... ». En 1919, le ministre de l'Intérieur règle ce problème en établissant une distinction entre les monuments commémoratifs « suivant qu'ils sont placés dans un cimetière ou sur une voie publique. En ce qui concerne les premiers, liberté entière doit être laissée aux municipalités pour l'ornementation ou les attributs dont elles voudront les revêtir ; quant aux seconds, ils ne doivent comporter aucun emblème religieux ».

Mais vingt ans après la séparation des Eglises et de l’Etat, les municipalités voulaient en général rendre un culte laïc à leurs morts. Or, contrairement à la métropole, à Noisy-les-Bains comme dans toute l’Algérie ce problème ne se posa pas en raison des nombreux soldats musulmans morts pour la France, et aucun signe religieux ne sera apposé sur le monument ni dans son environnement même si, comme nous le verrons plus loin, l’Eglise accompagnera toujours les cérémonies au monument aux morts auxquelles toutes les autorités, européennes aussi bien qu’indigènes, participaient.

Les communes seront aidées dans le choix de leur monument par des entreprises qui leur feront des propositions sur catalogue et c’est à l’une des plus connues que Noisy-les-Bains s’adressera : les « Marbreries générales » situées 33, rue Poussin à Paris, dirigées par M. Urbain Gourdon.

La maison Gourdon offrait un choix de modèles fabriqués en série, ce qui réduisait les coûts, dont, entre autres modèles, le fameux soldat au drapeau et sa variante du « poilu mourant défendant son drapeau » (n° 2222 du catalogue) que choisit Noisy-les-Bains pour honorer ses morts. Plusieurs matériaux étaient proposés pour la composition de l’effigie : marbre, pierre naturelle ou pierre artificielle, bronze ou galvano-bronze (agglomérat recouvert d’une plaque de cuivre). La statue du Poilu du monument de Noisy-les-Bains était en bronze.

Ce Poilu qui personnifie tous les soldats, est un emblème patriotique et victorieux largement représenté. Comme nous l’avons vu dans sa description, s’il est réaliste par la précision des détails, il est en même temps idéalisé.

D’autre part, le piédestal s’orne d’un symbole militaire, la croix de guerre, motif fédérateur de la laïcité et de l'église pour les Européens, et de symboles intemporels, laurier (pour l’éternité), chêne (pour la force), palmes (pour la victoire). Ces symboles sont également en bronze. A noter que l’olivier symbolisant la paix est absent.

La population, redisons-le, se sentait concernée par ce projet. Aussi, si l’entreprise pouvait sous-traiter la fourniture des parties métalliques, sans que les noms des fondeurs apparaissent, si la statuaire pouvait autant être d’origine française qu'étrangère, italienne notamment pour le marbre, une mise en garde des préfets aux maires de leurs départements s’avéra nécessaire en octobre 1922 afin d’éviter que des maladresses ne fissent désordre dans le paysage d’après-guerre : « Il a été signalé à M. le ministre de l'Intérieur que plusieurs monuments érigés en l'honneur des morts de la guerre étaient de fabrication allemande. Afin que pareils faits ne puissent se reproduire, M. le Ministre engage les municipalités ou groupements intéressés à spécifier dans leurs contrats avec les entrepreneurs, par une clause spéciale, que les monuments commandés ne doivent, en aucun cas, être de fabrication allemande. »

Devant le déferlement de monuments nés du désir profond de la population française d’honorer ses morts, les autorités devront préciser quelques points, en particulier sur le plan esthétique. Ainsi, le ministre de l'Intérieur, le 10 mai 1920, dans une lettre de rappel aux préfets, insiste sur l'exigence de qualité artistique des monuments : « pas de séries à but commercial », mais « des œuvres de sculpteurs renommés ». De ce souci, naît la « Commission d'examen des projets d'érection de Monuments Commémoratifs aux Morts de la Guerre ». Tous les projets lui sont soumis et elle les renvoie aux communes avec un avis critique.

Cette Commission semble avoir bien joué son rôle, car souvent ces projets reviennent avec un avis circonstancié et des conseils techniques précis pour améliorer la qualité artistique de l'œuvre : « Comme il est désirable que ces monuments soient des œuvres de goût que la plus grande simplicité même, imposée par l'économie, ne devrait pas dispenser d'être des œuvres d'art, ne serait-ce que par une juste proportion, ce résultat ne sera jamais obtenu si les communes ne s'adressent pas à des compétences.

Il ne suffit pas en effet de s'adresser à un maître de carrière, à un marchand de pierre ou à un entrepreneur quelconque qui copie dans les albums commerciaux des modèles déformés et mal compris... C'est trop méconnaître ce principe que pour faire une œuvre d'art il faut un artiste, architecte, sculpteur ou ornemaniste.

On croit faire une économie en évitant leur intervention, c'est le contraire qui arrive. On est livré sans défense au mercantilisme... Une heureuse proportion ne grève pas plus le budget que des compositions informes et sans goût, insipides par leur répétition...

On ne saurait donc invoquer légitimement l'excuse de l'insuffisance des ressources. Un véritable artiste n'est pas désarmé par la simplicité. Il trouve une solution dans la pureté des lignes et dans la juste proportion. »

Les reproches majeurs adressés aux projets concernaient le mépris fréquent des règles de l'art, la banalité : beaucoup trop de monuments semblables, peu d'inspiration et d'originalité.

Pour les raisons d’inaccessibilité aux archives en Algérie évoquées plus haut, nous ignorons tout des échanges entre la Commission d’examen et la commune de Noisy-les-Bains. Si l’on en juge par le résultat, on est en droit de considérer qu’ils ont été très positifs.

4) L'emplacement

A l'origine, environ 50% des monuments aux morts se dressent sur une place publique, un quart sur la place de l'église, environ 15% dans les cimetières. Le reste est plutôt excentré. Cependant, comme la plupart des villages sont de dimensions modestes, le monument est parfaitement intégré au centre car la mairie, l'église, l'école, la place, ne sont pas en général, très éloignées les unes des autres.

A Noisy-les-Bains, plusieurs choix s’offraient. La place publique, spacieuse et alors très arborée, se trouvait au centre du village. L’église était en ce temps située au bout d’une double allée d’arbres, mais elle était vétuste et on projetait la construction d’un nouvel édifice qui vit le jour en 1930 devant l’ancien. Devant le cimetière se trouvait une petite esplanade mais le lieu était carrément excentré et au bout d’un chemin ne conduisant qu’à la CHegga, massif montagneux dominant le village. La localisation des écoles construites en 1912 de part et d’autre de la route Mostaganem à Perrégaux n’était pas appropriée, sauf à construire le monument dans le jardin des instituteurs. L’espace où se trouvait l’abreuvoir aux chevaux, au pied de la tour de l’horloge datant de 1872, situé entre la place publique et la grand-rue (route d’Aïn Sidi-Chérif à La Stidia) et emplacement du jardin public qui fleurira-là quarante ans plus tard. Enfin, le jardin entourant la mairie construite en 1881, appelé alors jardin public, faisant face de toute sa longueur à la place publique et tout aussi magnifiquement ombragé. Il y avait aussi l’une des quatre entrées du village, mais contrairement à la France, en effectuant cette recherche, je n’ai pas vu en Algérie de monuments aux morts érigés aux abords des villages.

L’église et le cimetière étant exclus car le monument était dédié aussi bien aux chrétiens qu’aux musulmans, dès lors l’emplacement du futur monument semblait tout indiqué et ce fut la partie du jardin de la mairie, avec l’école l’un des pôles républicains de la Troisième république, tout à fait au centre du pays nommé « les quatre coins », qui fut choisie. Par ailleurs, en utilisant un terrain communal la municipalité réduisait les coûts d’autant. Mais certainement eut-on recours à un architecte que nous ne connaissons pas pour aménager les lieux aussi harmonieusement qu’ils le furent.

5) Le financement

C'était, évidemment, la question majeure car même si l’amélioration des techniques de fonderie et de la pierre reconstituée offrait la possibilité de reproduire le même modèle en nombre et de réduire ainsi le coût de ces œuvres d’art de série, comment trouver l'argent nécessaire ?

Il est intéressant de noter, cependant, pour confirmer l'idée que ce mouvement est avant tout dû à un élan public, que de nombreuses communes n'ont pas attendu les subventions de l'Etat pour ériger leur monument, et qu’il semble que beaucoup d’entre eux auraient coûté moins de 15 000 francs. [Pour convertir les francs de l'époque en euro d’aujourd’hui : il faut multiplier par environ 0,8 pour avoir le coût actuel en euro, source INSEE, soit environ 12 000 euros.]

L'Etat octroiera des aides par une loi du 25 octobre 1919 signée du Président de la République, Raymond Poincaré et contresignée par Georges Clémenceau, ministre de la Guerre, précisant que « des subventions seront accordées par l'Etat aux communes, en proportion de l'effort et des sacrifices qu'elles feront en vue de glorifier les héros morts pour la Patrie ».

Ces instructions seront complétées par une circulaire du ministre de l'Intérieur du 10 mai 1920 : « En résumé, le dossier d'un projet de monument commémoratif doit contenir les pièces suivantes :

  • 1) La délibération du conseil municipal [ndlr : pour Noisy-les-Bains on ne la connaît pas mais on peut supposer qu’elle a eu lieu en mai-juin 1919] ;
  • 2) Le croquis du monument et son emplacement ;
  • 3) L'avis de la commission chargée de l'examen du monument au point de vue artistique ;
  • 4) Le devis estimatif de la dépense ;
  • 5) L'indication des voies et moyens (crédit inscrit au budget municipal, souscription publique, subvention de l'Etat) [ndlr : les pièces 2 à 5 constituent une partie du dossier se trouvant aux archives départementales d’Oran et dans les archives de la commune].

Un barème un peu compliqué sera établi pour décider de la somme accordée par l'Etat à chaque commune en fonction de critères précis parmi lesquels entraient le pourcentage de morts par rapport à la population de l’agglomération lors du recensement de 1911, mais aussi le coût du monument par rapport au budget communal.

Ces subventions, malgré tout, représentaient peu de choses au regard du coût du monument. Selon des exemples, pour une dépense totale de 7 800 F, la subvention de l'Etat était de 285 F dans un cas, et de 780 F pour une dépense de 13 500 F dans un autre cas. Souvent, d’ailleurs, lorsque cette subvention arrivait, le monument était déjà érigé et payé. Il ne restait plus à la commune qu'à demander la désaffection de cette somme afin de l'utiliser autrement. Les communes ont dû, par conséquent, trouver de l'argent ailleurs et faire preuve de beaucoup d'imagination pour se procurer les sommes nécessaires.

La procédure était la suivante : vote d'une subvention communale ou somme prélevée sur le budget additionnel, dont nous ne connaissons le montant exact en l’absence d’archives mais que nous tenterons d’évaluer plus loin. Parfois, on avait recours à une imposition exceptionnelle si la Préfecture l'acceptait, à des emprunts mais au regard de ce que nous avons trouvé, il ne semble pas que le village se soit endetté pour ce projet. Dans la plupart des communes une souscription publique a été ouverte et elle entra pour beaucoup dans le financement du monument, comme cela fut le cas à Noisy-les-Bains où la mobilisation de la population fut forte comme nous le confirme cette annonce du 11 mai 1924 : « La dernière souscription qui a été faite parmi la population a produit la somme de 7 010 francs ». Le livret de cette souscription indiquant les noms et prénoms des donataires ainsi que les montants des dons est conservé dans les archives de la commune.

Autres sources de financement : on organise diverses manifestations comme des bals, concerts, quêtes des dames et demoiselles de la commune. Les comités des Anciens combattants ont aussi largement participé au financement des monuments. Et à Noisy-les-Bains, on s’activa beaucoup pour réunir des fonds, comme en témoigne la presse de l’époque.

28 juin 1919 : « Désireux de célébrer également la signature de la paix, les jeunes gens organisent pour le dimanche 29 juin, une brillante fête populaire… Le produit du plateau servira entièrement à l’érection d’un monument aux morts pour la Patrie. »

17 novembre 1919 : « A l’occasion de l’anniversaire de l’armistice, notre jeunesse a organisé un grand bal pour mardi 11 courant, dans la grande salle de la mairie, avec un excellent orchestre ; il y aura un plateau à l’entrée où le produit sera réservé pour le moment à nos héros morts pour la France. »

27 mai 1920 : « Le bal qui a été donné sur la place a été très réussi… Le plateau qui a été tenu à l’entrée par deux demoiselles toujours très dévouées, a produit la somme de 167 francs qui est réservée pour le monument de nos chers disparus. »

17 juin 1920 : « Dimanche 20 juin, grand bal sur la place publique, donné par la jeunesse de la classe 1918 : il y aura un plateau à l'entrée : le produit sera réservé au Monument de nos chers disparus. »

25 juin 1920 : « Le bal donné sur la place par les jeunes gens de la classe 1918 a pleinement réussi ; merci à nos organisateurs et aux demoiselles dévouées qui ont bien voulu se charger de tenir le plateau à l’entrée ; il a produit la somme de 139 francs qui est réservé pour le monument de nos chers disparus. »

17 juin 1922 : « Un grand concert sera donné ces jours-ci par les jeunes filles de Noisy au profit du monument des morts de la guerre. Nous espérons que tous voudront participer à cette belle œuvre et qu’il y aura foule le 24 juin courant pour entendre les jolies actrices qui, pendant quelques heures, s’évertueront à intéresser et à distraire les spectateurs. De magnifiques programmes seront vendus au début de la soirée. »

30 juin 1922 : « Le concert donné par les jeunes filles de Noisy-les-Bains, au profit du monument des morts de la guerre, aura lieu le samedi 1er juillet à 21 heures précises et en matinée le dimanche 2 juillet à 14 heures. »

3 juillet 1922 : « M. le curé de notre paroisse a remis au maire, pour le monument des morts, la somme de 102,25 francs, produit d’une quête faite le jour des obsèques de MM Paralieu et Repelin, morts pour la France. Merci aux généreux donateurs. »

14 novembre 1922 : « M. le curé de notre paroisse a remis à la mairie, pour le monument aux morts, la somme de 60 francs, produit d’une quête faite le jour de la messe célébrée le 11 novembre dernier.

Mme Piétri, directrice de l’école de filles, nous a remis la somme de 1 218,30 francs, produit d’un concert organisé le 1er juillet dernier, et qui est également réservée pour le monument aux morts.

Merci aux généreux donateurs. »

17 avril 1923 : « Le bal offert par notre charmante jeunesse de notre commune, le 15 courant, a pleinement réussi. Le plateau a produit la somme de 75,50 francs, réservée pour le monument des morts. »

11 mai 1924 : « A l’occasion du bal qui a eu lieu le 5 mai dernier, M. Harmelle, chef d’orchestre a versé pour le monument aux morts la somme de 50 francs. Merci aux généreux donateurs. »

Cependant, les frais ne se limitaient pas au seul achat d'une statue. Il fallait compter aussi avec les travaux de maçonnerie : socle, soubassement ; la gravure des noms et de la dédicace ; l'entourage (ornements, grille, plantation...) ; enfin le transport. Entrait aussi en compte la cérémonie de l'inauguration.

A l’aide du tableau ci-dessous nous avons essayé d’évaluer le coût du monument.

RECETTES

Subvention de la mairie de Noisy-les-Bains (peut-être)

22 751,30

Subvention de l’Etat (par comparaison avec des villages semblables) (peut-être)

1 500,00

Souscription de la population en mai 1924

7 010,00

Produits de quêtes et autres dons de 1919 à 1924

1 218,30

Total (approximativement)

32 480,00

DEPENSES

MARBRERIES GENERALES GOURDON
Tarifs décembre 1921

Pièces séparées

Dimensions

Matériaux

Prix en francs

2222

Poilu mourant défendant son drapeau

2,10 m

Bronze

14 400

2227

Croix de guerre

0,32 m

Bronze

160

2227D

Palme avec couronne chêne et laurier x 3

1,25 m

Bronze

(680x3)  2 040

2282

Panneau d’inscription en 2 cm d’épaisseur ; le marbre seul sans gravure x 3

0,80 m

X 0,45 m

Marbre

(340x3)  1 020

AUTRES FOURNISSEURS

« la  pose, les fondations, la gravure des plaques, etc., étant réservées généralement aux entrepreneurs locaux »

Transport (par comparaison) (approximativement)

4 000

Piédestal en pierre et maçonnerie (par comparaison) (approximativement

2 000

Frais de gravure : « les inscriptions à raison de 60 centimes la lettre gravée et dorée sur les panneaux de marbre » 40 lettres pour un mort x30+dédicace

760

Aménagement du sol (arrachage des arbres, fondations, maçonnerie, dallage) (par comparaison) (approximativement)

3 000

Plantation de ficus (sans doute provenant de la pépinière du village ; en 1919 ont été plantés les deux rangées de ficus de la grand-rue) (approximativement)

100

Eclairage (rares sont les monuments bénéficiant d’un éclairage particulier comme ici) (approximativement)

2 000

Grilles : pour exemple, « un entourage de monument commémoratif type fer demi rond creux de 20 m/m, de 4 mètres de longueur sur 4 mètres de largeur, prix convenu net : 1.000 francs. ». Vraisemblablement faites par un forgeron du village.

1 000

Architecte (par comparaison) (approximativement)

 2 000

Total (approximativement)

32 480

Rappelons que ce coût n’est qu’estimatif, mais posons-nous la question : pourquoi une telle dépense ? L’émulation d’un village à l’autre sans doute mais surtout la ferme volonté d’honorer dignement les « morts glorieux » d’un village qui a perdu 30 hommes (10 Européens et 20 indigènes) sur une population totale de 3 129 habitants (568 Européens et 2 561 indigènes) au recensement de 1911. Les morts européens représentent 1,76 % de cette population et les morts indigènes 0,78 % de celle-ci. Les survivants veulent donc honorer dignement les « morts au champ d’honneur » alors c’est un grand, beau et coûteux monument qui est érigé.

Par ailleurs, après la guerre, Noisy-les-Bains s’est embelli sous la magistrature de Henri Langlois : 1919, plantation des ficus de la grand-rue ; et surtout de Hubert Hernandez : 1920, réparation et amélioration des conduites d’eau (20 700 F), grosses réparations aux bâtiments communaux (6 000 F) ; 1922-1923, travaux de construction de la salle des fêtes (18 929 F) ; 1923, construction de 16 bancs en ciment armé sur la place publique (3 600 F), construction d’un trottoir avec revers pavé (6 500 F) ; 1924, dallage de la place publique (10 000 F), grosses réparations aux bâtiments scolaires (17 000 F), etc. Par ailleurs, pendant le mandat de Hubert Hernandez (1920-1925), la commune a vendu onze lots à bâtir sur les boulevards dans le cadre de l’agrandissement du village, ce qui lui a fait de la trésorerie. Dans ce contexte, le monument aux morts participe aussi de l’embellissement général.

6) L'inauguration

Le Monument aux morts de Noisy-les-Bains peu après son inauguration.
On remarquera la blancheur d'origine de la statue.
Par la suite elle fut recouverte d'une peinture lui donnant l'aspect du bronze.

Quand enfin toutes les démarches sont accomplies, que les problèmes sont résolus et les travaux terminés, l'inauguration a lieu. Partout elle est organisée avec le lustre des grands événements et elle est vécue dans la ferveur des grandes émotions. Services funèbres, défilés, discours, dépôts de gerbes, appel des noms, sonnerie, musiques, parfois feux d'artifice sont au programme.

Les festivités sont précisées dans des invitations adressées à la population ou publiées dans les journaux.

Hélas une fois encore, de cette inauguration que la presse a dû relater en détails nous n’avons retrouvé aucun écho officiel, ce qui est très étonnant. Nous apprenons seulement par un entrefilet du 18 juin 1926 qu’à Noisy-les-Bains « L’inauguration du monument aux morts aura lieu dimanche 20 courant à 16 heures ».

Mais heureusement un témoin de l’époque, ma tante Clarisse Langlois que j’ai autrefois beaucoup questionnée sur l’histoire de Noisy-les-Bains, m’a décrit cette inauguration dont j’ai noté que « c’était un dimanche et Noisy était tout pavoisé depuis tôt le matin, la gendarmerie, la mairie, l’église, la place et même aux fenêtres des maisons surtout dans le centre mais pas que là car toutes les maisons de ceux qui avaient fait la guerre avaient des drapeaux, et bien sûr le monument avec son soldat sur son piédestal. Tous les cafés étaient fermés. Pour la messe avant la cérémonie au monument, l’église était pleine à craquer et fleurie comme pour un mariage, avec les drapeaux en plus. A l’époque ce n’était pas la belle église, mais la vieille église de colonisation plus petite si bien que beaucoup de gens restaient dehors faute de pouvoir entrer ; les familles qui avaient perdu un soldat à la guerre étaient aux premiers rangs avec ceux qui en étaient revenus, des anciens combattants de Mostaganem et des autres villages étaient là aussi. C’est le curé Puech, venu de Misserghin, en remplacement du curé Galan, malade, qui a dit la messe et a fait un beau sermon en citant tous les noms des morts pour la France. Il y avait même des musulmans dans l’église, pas seulement les conseillers municipaux indigènes mais aussi des familles. Il y a eu de très beaux chants par des demoiselles du village et à la fin tout le monde a chanté la Marseillaise dans l’église. Ensuite, on est tous allé au monument en cortège, par la grand-rue où mon père avait fait planter les ficus pour fêter la fin de la guerre, derrière M. Garrigues le maire de l’époque, suivi par les conseillers municipaux, les familles des soldats morts à la guerre et tout le village. Après le discours du curé à l’église ça a été celui du maire au monument et comme il savait parler tout le monde avait les larmes aux yeux. Il a lu les noms des trente morts, dix Français et vingt Arabes ; après chaque nom, un enfant des écoles parmi les meilleurs répondait « mort pour la France ». Les anciens combattants étaient placés de chaque côté du monument avec les gendarmes. Après le discours la chorale a encore chanté plusieurs airs et tout le village a entonné la Marseillaise. C’était une belle cérémonie, le monument était garni de fleurs, il y en avait partout parce que toutes les familles avaient déposé des bouquets ; dans mon jardin il n’y avait plus une fleur, on les avait toutes coupées pour le monument et l’église. Tous les drapeaux faisaient penser au 14 juillet mais il n’y a pas eu de bal. Que d’émotion partout ce jour-là, c’était une fête mais une fête grave, tous ces jeunes qui étaient morts où qui avaient disparu, qu’on avait longtemps après la guerre espéré revoir, comme mon frère Henri ou le fils de M. Ribera, on pensait à eux et on était triste.

Ensuite le maire a offert un vin d’honneur dans la salle des fêtes toute neuve, à côté du monument. »

Comme on le voit, cette inauguration n’a pas été un moment ordinaire dans la vie du village, cela ressemble à un jour de fête avec ces drapeaux partout, ces fleurs, ces chants, mais ce n’est pas un jour de fête car les café sont fermés et on sent la gravité et la tristesse peser de tout leur poids. On remarquera un détail, elle ne dit jamais « le monument aux morts », mais seulement « le monument » car, comme dans de nombreux village il n’y a qu’un monument à Noisy-les-Bains, celui des morts de la guerre, il est donc inutile de préciser, c’est LE monument.

7) Les noms sur le monument

Dès 1915, on vote en France une loi instituant la notion de « mort pour la France », qui stipule : « Il semble juste que l’état civil enregistre, à l’honneur du nom de celui qui a donné sa vie pour le Pays, un titre clair et impérissable à la gratitude et au respect de tous les Français ». Et comme nous l’avons vu, le jour de l'inauguration, les noms des soldats morts pour la Patrie résonnaient dans l'air et, sans doute au son du clairon, passaient à la postérité.

Aujourd’hui, sauf à disposer de photos du monument permettant de lire tous les noms européens et indigènes, ou tout texte les attestant, la liste complète est probablement impossible à établir. Si de tels documents existent, il serait particulièrement intéressant d’en avoir connaissance.

Nous appuyant avec les informations dont nous disposons, nous apprenons par un article du 31 octobre 1919 que : « Sous les auspices de la municipalité et des membres de l’enseignement, une fête commémorative en l’honneur de nos morts pour la Patrie, aura lieu le dimanche 2 novembre dans la grande salle de la mairie. Au cours de cette cérémonie, des diplômes souvenirs seront remis à toutes les familles ayant eu un mort pour la France. La population est invitée à assister à la cérémonie pour rendre aussi imposante que possible cette manifestation de nos sentiments à l’égard de nos héros. »

Puis, le 8 novembre 1919 nous lisons : « Les 29 morts glorieux de notre centre ont été dignement fêtés le dimanche 2 novembre, dans la grande salle de la mairie où se pressaient le conseil municipal, les membres de l’enseignement et les enfants des écoles, les autorités diverses et une grande partie de la population. Des places d’honneur avaient été réservées aux familles en deuil, aux blessés et mutilés de la grande épopée.

L’hymne aux morts, le discours prononcé, la remise des diplômes commémoratifs furent particulièrement émouvants ainsi que l’exécution de la Marseillaise par les petites filles, mais les orphelins de la guerre, pupilles de la nation ne furent pas oubliés. Les trois charmantes et dévouées petites filles qui avaient bien voulu se charger de la vente des insignes recueillirent la somme de 401 francs, immédiatement transmise au trésorier général de l’œuvre des pupilles à Oran. Une nouvelle somme de 10 francs, remise le lendemain à l’instituteur, sera versée à la même œuvre.

Que la généreuse population de notre centre veuille bien recevoir ici les remerciements émus de tous les orphelins dont l’infortune pourra être soulagée. »

Enfin, le 26 mai 1927, dans la comptabilisation des morts de l’arrondissement de Mostaganem apparaît une nouvelle information : « Noisy-les-Bains : 10 Européens et 20 indigènes = 30 ». Soit un mort de plus que dans les 29 comptés en 1919. A cela trois raisons possibles : soit une erreur en 1919, soit un mort supplémentaire à la suite de ses blessures après la guerre, soit un mort ou disparu qui n’avait pas été pris en compte en 1919.

Ces 10 Européens et 20 indigènes m’ont été confirmés très souvent et de longue date par plusieurs anciens de Noisy-les-Bains qui me disaient qu’ils étaient inscrits sur le monument aux morts.

Or, grâce à la carte postale de 1955, nous savons que pour 1914-1918 sont gravés sur le côté gauche du monument dix-sept noms indigènes, et grâce à la photo d’une cérémonie de 1958 nous savons que pour 1914-1918 sont gravés sur le côté droit dix noms européens et juste à la suite  pour 1939-1945 sept autres noms européens.

Ainsi, vingt noms indigènes et seulement dix-sept lignes, où les trois noms manquants sont-ils inscrits ? Par ailleurs, si par la photo de 1958 nous avons connaissance des soldats européens morts pendant la Seconde guerre mondiale, nous ne voyons aucun nom indigène. Cela veut-il dire qu’aucun soldat indigène de Noisy-les-Bains ne serait mort pendant la dernière guerre ? Peut-être la lecture de cet article apportera-t-elle des réponses. Précisons que la distinction entre « Européens » et « Indigènes » que j’utilise et reprise du monument ainsi que du dossier du Livre d’or de Noisy-les-Bains aux Archives nationales.

A-t-il été facile à Noisy-les-Bains d’arrêter la liste de ceux qui figureront sur le monument ? Pour cela, les critères officiels étaient les suivants : être né à Noisy-les-Bains ou y être domicilié (depuis quinze ans ?) au moment de la mobilisation et bien sûr être « mort pour la France » pendant la guerre.

Aux yeux de tous, ce sont ces noms qui donnent toute sa valeur au monument, bien plus que la statue. Et d’abord les trois plaques de marbre où le marbrier de Mostaganem a gravé (en lettres d’or ? lettres soulignées de noir ou de rouge ?) les noms des héros de Noisy-les-Bains. Ce sont ces plaques qui personnalisent le monument, l’enracinent dans le village, lui donnent toute sa valeur sentimentale. Chacun y retrouve les noms d’un père, d’un fils, d’un époux, d’un cousin, d’un oncle, d’un ami, gravés dans l’ordre chronologique des décès, selon le choix de la municipalité quand d’autres communes choisissaient l’ordre alphabétique. L’inscription pour chaque mort comporte sur une ligne le nom et le prénom suivis de la date et du lieu du décès. Le plus jeune,  Makfi Djilali ould Habib, est mort à dix-neuf ans et six mois ; le plus âgé, Adda kadour, est mort  à trente-sept ans ; le premier tué, Henri Langlois, l’a été le 22 août 1914 à Charleroi ; le dernier tué pendant les combats, Mordjana Belguendouz ould Cheïkh, est mort le 30 août 1918 à Noyon ; le dernier mort des suites de la guerre, Toumi Habib ould Laroui, est décédé le 30 mars 1919 à l’hôpital sanitaire de Misserghin.

Nous reviendrons plus en détail sur cette liste des « morts pour la France » en abordant la question du Livre d’or.

8) Le monument depuis et aujourd'hui

Depuis 1926, les noms de 1939-1945, sont venus s'ajouter à ceux de 1914-1918. Le monument aux morts a complètement exercé sa fonction sociale et a participé à toutes les commémorations ou manifestations communales et nationales jusqu’en 1962.

Tous les 11 novembre, le 11 novembre 1961 ayant été le dernier, seront l’occasion pour les Noiséens de se souvenir ensemble et de commémorer leurs morts autour du monument qui deviendra même pour certaines familles, comme la famille Huntz, le lieu où se  se réunir une fois l’an en l’absence de sépulture au cimetière car la dépouille de Michel Huntz est restée sur le lieu des combats, ou n’a jamais été retrouvée. Comme disait une mère : « Il y a la même distance entre la Marne et le paradis qu’entre Noisy et le paradis ».

Voici quelques-unes de ces commémorations et cérémonies parmi les plus marquantes dont la presse nous donne un écho.

1926. Première commémoration après l’inauguration du monument de Noisy-les-Bains, notons que des détails de ce qui suit recoupe ce que me confiait ma tante Clarisse Langlois : « Le 11 novembre, fête de l’armistice, les drapeaux et les fleurs ornaient la mairie. Un service solennel a été célébré par M. l’abbé Puech, curé de Misserghin. La chorale des jeunes filles a chanté la messe et deux hymnes à deux voies. Toutes les autorités étaient présentes. Un défilé imposant s’est organisé de la porte de l’église jusqu’à la statue du monument aux morts, magnifiquement paré par les soins de M. Record qui a fait un jardin superbe.

M. Garrigues, maire, a prononcé un discours très émouvant à la gloire des justes et des héros de Noisy-les-Bains, morts pour la France. A 10 heures à la grande salle des fêtes, M. l’abbé Puech a prononcé une belle oraison funèbre en l’honneur des soldats morts pour la Patrie. La salle était comble, et a chaleureusement applaudi l’orateur. »

1927. « A l’occasion de l’anniversaire de l’armistice, Noisy a pavoisé les demeures, la mairie et son beau jardin.  Au service funèbre, les jeunes filles ont chanté la messe de Requiem et un hymne qui a rempli d’émotion les nombreux assistants et les autorités civiles et militaires. Le catafalque et l’autel avaient été ornés avec goût, de drapeaux et de fleurs par les dévoués enfants de Marie. Aussitôt après, le maire et les conseillers municipaux ont conduit le cortège au monument aux morts, magnifiquement paré de drapeaux, de verdure et de bouquets ; on a écouté avec émotion la belle allocution patriotique du maire, et avec beaucoup de cœur et d’élégance, un chœur imposant de jeunes filles a clôturé cette splendide manifestation, en chantant lentement l’hymne admirable que Nouguès composa pour les fils de Castelnau. »

 1928. « Noisy a fêté brillamment le 11 novembre ; beaucoup de monde et les autorités françaises et musulmanes à la grand-messe. Les jeunes filles se sont distinguées par leurs chants. M. le curé a fait une allocution ; défilé au monument où une multitude de gerbes de chrysanthèmes ont été déposées. Les enfants des écoles, conduits par M. Veinières, ont porté chacun un bouquet. Le maire a prononcé un discours éloquent dont tout le monde a loué l’ardent patriotisme, les réflexions sensées et les résolutions précises pour l’union des cœurs.

Les jeunes filles ont chanté admirablement l’hymne de Victor hugo. C’est peut-être la plus  grandiose manifestation qu’ait vu notre élégant village. »

1931. « L’anniversaire de l’armistice et de la victoire a été célébré avec ferveur dans notre centre. Les monuments publics étaient superbement pavoisés.

M. l’abbé Montsarrat, notre desservant, a prononcé une allocution de circonstance bien sentie. L’église était décorée avec goût.

Toute la population s’est ensuite dirigée vers le monument aux morts où de magnifiques gerbes de chrysanthèmes ont été déposées par la municipalité et les enfants des écoles.

Notre sympathique maire, M. Desgarniers, a prononcé un discours patriotique qui a touché les cœurs.

Un groupe de charmantes jeunes filles a chanté des airs patriotique, entre autres l’hymne de Victor Hugo.

Le soir, dans la salle des fêtes, on a dansé avec entrain jusqu’à une heure avancée de la nuit. »

1935. « Comme tous les ans, le 11 novembre a été fêté à Noisy avec enthousiasme. Après la cérémonie religieuse, un cortège s’est formé avec la municipalité suivie d’une foule considérable.

Une superbe gerbe de fleurs et plusieurs bouquets ont été déposés au monument aux morts.

Sous une pluie battante, la musique a joué La Marseillaise.

Après un moment de recueillement, M. Moullin Maurice, adjoint, remplaçant le maire empêché, a prononcé un discours patriotique des plus impressionnants.

La Marseillaise retentit à nouveau et la foule se dispersa rapidement, toujours sous la pluie.

La journée s’est terminée par un grand bal dans la salle des fêtes artistement décorée par un groupe de jeunes filles. »

1938. « La fête de l’armistice a revêtu cette année un éclat tout particulier.

Notre coquette église n’était pas assez grande pour contenir tous ses fidèles venus pour apporter aux chers disparus le fervent hommage du souvenir.

A l’issue de cette cérémonie religieuse, un cortège constitué par des membres de la municipalité, des fonctionnaires, des élèves de l’école de la population s’est dirigé vers le monument aux morts. Là, une superbe gerbe de fleurs est déposée par MM Hernandez Hubert et Reynaud Henri.

Après une minute de recueillement, notre sympathique maire a prononcé une allocution de circonstance. Les enfants des écoles se font entendre dans un chœur choisi par M. le curé de notre paroisse, sous la conduite de M. Durand Albert, notre dévoué chef de musique. La musique joue La Marseillaise qui est applaudie vigoureusement.

Puis, la municipalité a invité la population à un apéritif d’honneur. Le soir, un grand bal a fait tourbillonner jeunes et vieux jusqu’à 3 heures du matin.

Qu’il nous soit permis de féliciter les organisateurs de cette manifestation patriotique qui n’ont rien négligé en la circonstance. »

1942 ?. Charles De Gaulle se serait arrêté devant le monument aux morts comme en attestait ce témoignage encore visible en 1962 : « au pied du socle, légèrement en contrebas de la grille, presque cachée, une plaque de marbre où étaient gravés à peu près ces quelques mots « C’est ici que le (date oubliée, peut-être 1942) de passage à Noisy-les-Bains, s’est recueilli le premier résistant de France, le Général De Gaulle ». Peut-être cette plaque a-t-elle été mise-là par la délégation spéciale présidée par André Pasquet, nommé de 1943 à 1945.

1947. « Fête du 11 novembre. A 11 heures, dépôt d’une gerbe de fleurs au monument aux morts. A 11 heures 30, apéritif en musique. A 17 heures, bal d’enfants. A 21 heures, grand bal. »

1949. « Le 11 novembre sera célébré cette année par une cérémonie au monument aux morts, à 11 heures 15, suivie d’un apéritif en musique et d’une fantasia. A 16 heures, bal d’enfants et le soir grand bal. »

1953. « Fête nationale du 14 Juillet. La cérémonie habituelle se déroulera au monument aux morts à partir de 11 heures. Dépôt d’une gerbe avec le concours de La Lyre Noiséenne. A 11 heures 30, apéritif en musique. Le maire invite cordialement toute la population à assister à cette réunion. »

1954. « La population de Noisy-les-Bains est toujours fière de rendre un solennel hommage à ses valeureux soldats de la guerre 1914-1918. En ce jour du 11 novembre, à l’issue d’une messe célébrée avec ferveur par notre bon vieux curé, l’abbé Giroir, l’assistance aussi dense que recueillie se pressait devant le monument aux morts.

Une magnifique gerbe drapée d’un ruban tricolore, offerte par la municipalité, était déposée au pied du monument. Mme Desgarniers, correspondante de la Croix Rouge, déposait à son tour un superbe coussin de chrysanthèmes blancs, piqué d’une croix de géraniums rouges. Une courte allocution prononcée par M. Pierre Ségalas, adjoint au maire, était suivie d’une vibrante Marseillaise et d’une marche choisie pour la circonstance. Nous tenons à remercier particulièrement M. Couroy, chef d’orchestre, et ses musiciens, pour leur concours bénévole qu’ils prêtent toujours en ces belles cérémonies. »

1957. « Noisy-les-Bains a dignement commémoré l’armistice glorieux de 1918. Ce fut l’occasion d’une nouvelle et éclatante manifestation de l’union franco-musulmane. Descendus en foule des douars environnants, les Musulmans ont clamé spontanément leur attachement et leur fidélité à la France.

Quelques instants après les manifestations de Rivoli, une belle prise d’armes avait lieu devant le monument aux morts de Noisy-les-Bains. A 11 heures 45, M. Feyt, maire, entouré de tous les membres de son conseil municipal, reçoit le colonel Guitton, représentant le général Dudognon, commandant la 5e D.B., le chef d’escadrons Mounier, commandant le G.T. 385 et les officiers de leur suite.

Une foule évaluée à 2 000 personnes est massée sur la place et les trottoirs des rues centrales.

Après avoir passé en revue le front des troupes qui rendent les honneurs, le colonel Guitton procède à la remise des décorations. Il épingle la médaille militaire sur la poitrine des vétérans des deux guerres : François Herréro et Joseph Dauly, puis décore de la médaille militaire avec croix de guerre T.O.E. deux braves combattants, Ahmed Belkhodja et Miloud Demdem.

Des gerbes cravatées du ruban tricolore sont tour à tour déposées au pied de la stèle du souvenir par M. Feyt, le colonel Guitton, Mme Dryjard-Desgarniers et le capitaine Thurin. La sonnerie Aux Morts est suivie de la minute de recueillement.

C’est ensuite l’imposant défilé sous les acclamations de l’assistance. Précédés de l’excellent G.T. 357 de Rivoli viennent, dans un ordre parfait, deux pelotons du G.T. 385, une section de l’unité territoriale locale commandée par le lieutenant Mathis, plus de 200 enfants des écoles porteurs de petits drapeaux et la masse des anciens combattants.

Un apéritif, offert par la municipalité, réunit toutes les autorités civiles et militaires, les nouveaux décorés, les musiciens et les anciens combattants.

(ndlr : cet article est illustrée par une photo portant comme légende : « A Noisy-les-Bains, le colonel GUITTON épingle, sur la poitrine de BELKHODJA Hamed, la médaille militaire et la Croix de guerre des T.O.E. avec palme ».  Sur la même photo, à droite de Belkhodja, figure également l’autre décoré DEMDEM Miloud, et sur la gauche de la photo on aperçoit un autre ancien combattant musulman.) »

1958. « Anniversaire de l’appel du 18 juin.

Notre petit centre a, lui aussi, eu un grand élan de patriotisme à l’occasion de l’anniversaire de l’appel historique du général De Gaulle. Dès les premières heures de la matinée, une foule nombreuse occupait les abords du monument aux morts et la place publique abondamment pavoisés aux couleurs nationales.

Les différentes associations patriotiques et les délégations des nouvelles communes étaient représentées. Parmi les personnalités présentes on notait : MM Henri Feyt, Albert Amoros, Maurice Feldis, Djelloul Azil, présidents des délégations spéciales des communes de Noisy-les-Bains, Ouled-Hamdane, Dradeb et Beni-Yahi ; le commandant Mounier, du 385e G.T. ; Robert Thurin, commandant de l’U.T. ; le lieutenant Conegero, commandant la S.A.S. ; Gaston Zimmermann, président du comité des A.C. ; Hubert Hernandez, président du G.S.P. ; Mme Piller, présidente du comité d’action sociale féminine ; M. Rodriguez et Mme Cure, directeur et directrice d’écoles.

A 11 heures 30, retentit la sonnerie Garde à vous. Le commandant Mounier passe sur le front de la section 385 G.T. qui lui rend les honneurs, puis salue les autorités représentant les différentes délégations et associations.

Quatre superbes gerbes de fleurs sont déposées au pied de la stèle du monument aux morts par MM le commandant Mounier, Feyt, Zimmermann, Maurice Feldis et Mme Piller.

C’est ensuite le lever des couleurs, suivi de la sonnerie Aux Morts. Une minute de silence est observée par la foule pieusement recueillie. M. Zimmermann lit l’appel historique du général De Gaulle, puis M. Feyt et le commandant Mounier rappellent en quelques mots les heures douloureuses du passé et la volonté de la France de refaire son unité et de retrouver sa grandeur. Ces allocutions ont été saluées par de chaleureux applaudissements de la foule.

Cette magnifique cérémonie d’union franco-musulmane se termina par La Marseillaise entonnée par la foule. »

1958. « L’anniversaire de l’armistice a été commémoré avec ferveur et a revêtu un éclat particulier de patriotisme.

Les cérémonies ont commencé à 9 heures par une grand-messe à la mémoire de nos morts glorieux, célébrée par l’abbé Vincent, dans notre église trop petite pour la circonstance. Une foule nombreuse et recueillie assistait à cet office.

Aux premiers rangs se remarquaient : MM Henri Feyt, président de la D.S. et les membres de cette délégation ; le lieutenant Mannoni, du G.T. 385 de Rivoli, avec une délégation d’officiers, sous-officiers et hommes de troupe ; M. Gaston Zimmermann, président des A.C., avec les membres du comité et de nombreux combattants dont quelques musulmans ; Brisse, chef de la brigade de gendarmerie ; Delpino, receveur des PTT, etc.

A la sortie de la messe, une importante prise d’armes s’est déroulée au monument aux morts où une foule nombreuse et enthousiaste s’était massée.

Elle était rehaussée par la présence de deux pelotons du G.C.T. 385 de Rivoli, d’une section de goumiers et d’une section d’U.T., le tout sous les ordres du lieutenant Mannoni.

Toutes les délégations et associations patriotiques étaient largement représentées.

A 10 heures 15, la sonnerie Garde à vous retentit, c’est l’arrivée du commandant Jacquot, commandant le G.C.T. 385 de Rivoli. Il passe en revue le front des troupes qui lui rendent les honneurs et salue à son passage les étendards, puis il est présenté aux diverses autorités.

Trois superbes gerbes de fleurs sont alors déposées devant la stèle du monument, par M. Feyt et Mme Gaston Zimmermann.

La sonnerie Aux Morts, suivie de la minute de recueillement, est religieusement observée.

Puis, c’est la remise de décorations par le commandant Jacquot, qui, avec le cérémonial d’usage, épingle les médailles commémoratives de la Meuse et de la Somme à un valeureux combattant, M. François Herréro.

Le défilé est ensuite ouvert par la clique La Rivolienne, suivie par deux pelotons du C.G.T. 385, un détachement de S.A.S., une section de l’U.T., et un groupe d’A.C. longuement applaudi par la foule.

Pour clôturer ces belles manifestations, un apéritif était offert par l’amicale des A.C. aux autorités et à toute la population. (M. Antiq). »

1959. « L’anniversaire de l’armistice a été commémoré avec ferveur et a revêtu un éclat particulier de patriotisme. Les cérémonies ont commencé à 9 heures par une grand-messe officielle célébrée par l’abbé Vincent, dans notre église largement pavoisée aux trois couleurs.

Un catafalque était dressé au pied de l’autel, recouvert d’un drap tricolore. Une foule nombreuse et recueillie assistait à l’office au cours duquel l’abbé Vincent a prononcé un sermon d’une haute élévation de pensée patriotique, retraçant l’historique de nos glorieux morts.

Aux premiers rangs de la nombreuse assistance, on remarquait la présence de : M. Feyt Henri, maire, entouré de son conseil municipal ; l’amiral O’Neill ; M. Zimmermann Gaston, président des A.C., avec les membres du comité et de nombreux anciens combattants ; M. Guibert Henri, directeur de l’Aérium de Noisy-les-Bains, etc.

Après la cérémonie religieuse, toutes les autorités et personnalités ci-dessus se sont rendues au monument aux morts où s’était déjà massée une foule nombreuse et enthousiaste. Une importante prise d’armes s’est déroulée, rehaussée par la présence de deux pelotons du G.C.T. 385 de Rivoli et d’une section de harkis, sous les ordres du capitaine Manonni.

A 10 heures précises, un « Garde à vous » retentit ; c’est l’arrivée des commandants Jacquot et Mazeno commandant le G.C.T. de Rivoli. Ils passent en revue le front des troupes qui leur rendent les honneurs et saluent les étendards à leur passage, puis ils sont présentés aux diverses autorités.

Deux superbes gerbes sont ensuite déposées devant la stèle du monument, l’une par le commandant Jacquot et M. Feyt, maire, et la seconde par M. Zimmermann.

La sonnerie Aux Morts, suivie de la minute de recueillement est religieusement observée. C’est ensuite un magnifique défilé longuement applaudi par la foule.

A la fin de ces cérémonies, toutes les autorités civiles et militaires, les personnalités et les anciens combattants ont été conviés à un apéritif offert par la municipalité et qui leur a été servi dans une ambiance toute d’amitié. (M. Antiq). »

1960. « Le 27 janvier 1960, à 18 heures, la population tout entière, Français et Musulmans, s’est rendue au monument aux morts, précédée du conseil municipal, au complet, pour déposer une gerbe en hommage aux victimes de la fusillade du 24 et pour manifester sa solidarité à tous ceux qui luttent pour que l’Algérie demeure à jamais française.

Le maire et le conseil municipal de la nouvelle commune de Béni-Yahi assistaient également à cette manifestation qui s’est déroulée dans le calme et la dignité. »

1961. « L’anniversaire de l’armistice a été commémoré avec ferveur et a revêtu un éclat particulier de patriotisme. Dès les premières heures de la matinée, une multitude de drapeaux claquaient aux portes et fenêtres de presque toutes les habitations, ainsi que sur les édifices publics.

Les cérémonies ont commencé à 10 heures par une grand-messe à la mémoire de nos morts, célébrée par l’abbé Vincent et à laquelle assistaient les autorités civiles et militaires.

A la sortie de la messe, une importante prise d’armes avait lieu au monument aux morts où une foule nombreuse s’était massée. Elle était rehaussée par la présence de trois pelotons de harkis et de moghaznis commandés par le lieutenant Abbo.

A 11 heures précises, un « Garde à vous » retentit : c’est l’arrivée du lieutenant Conejero, commandant la S.A.S. de Noisy-les-Bains et le sous-quartier de Blad-Touaria ; il passe en revue le front des troupes qui lui rendent les honneurs, puis il est présenté aux diverses autorités.

Cinq superbes gerbes de fleurs sont ensuite déposées devant la stèle du monument par les maires et représentants des communes de Noisy-les-Bains, Dradeb, Béni-Yahi et Ouled-Hamdane et par deux anciens combattants. La sonnerie Aux Morts suivie de la minute de silence est religieusement observée. C’est ensuite un magnifique défilé applaudi par la foule.

Pour clôturer ces cérémonies, toutes les autorités civiles et militaires et les anciens combattants étaient conviés à un apéritif offert par la S.A.S. de Noisy-les-Bains et qui a été servi dans une ambiance toute d’amitié. (M. Antiq). »

Puis, en juillet 1962, le dernier chapitre de l’histoire de Noisy-les-Bains se terminait, une page se tournait définitivement. Le monument de tous les morts pour la France de Noisy-les-Bains allait bientôt disparaître du paysage. Le glorieux poilu franco-musulman, devenu gênant, fut un temps dissimulé sous une bâche avant d’être descendu de son piédestal.

Qu’est-il devenu ? Quels que soient mes interlocuteurs, ici ou là-bas, nul n’a su ou voulu répondre à cette question.

Et que sont devenues les plaques de marbre gravées « A la mémoire glorieuse des enfants de Noisy-les-Bains pour la France » Européens et indigènes ? Je me suis souvent posé la question de ces profanations perpétrées par un nouveau régime sur les morts de l’ancien. Les noms des indigènes étaient pourtant la preuve de la dette d’un pays qui ne serait bientôt plus rien pour leurs petits-enfants.

Aujourd’hui

Un demi-siècle plus tard, malgré la disparition du jeune Poilu de 14-18, le monument aux morts de Noisy-les-Bains couvre de son ombre celui d’Aïn-Nouissy car le lieu a conservé la même disposition. Il n’y a plus de statue, certes, mais le piédestal sur lequel elle se trouvait a été conservé et rehaussé pour devenir lui-même le nouveau monument. Les grilles n’ont été que remplacées, les ficus bientôt centenaires forment toujours le fond du décor, les marches qui permettaient d’accéder à la terrasse ont disparu et maintenant on accède à la terrasse par le jardin de la mairie.

Pour mémoire, le même « Poilu mourant défendant son drapeau » ornait également le monument aux morts de Belle-Côte.

Et sans que cette liste soit exhaustive, en France on le retrouve dans plusieurs villages : Alzonne (Aude), Belloy-en-Santerre (Somme), Callac (Côtes-d'Armor), Champsac (Haute-Vienne), Changy (Loire), Chorey (Côte-d'Or), Coulommes-la-Montagne (Marne), Le Crotoy (Somme), Cry (Yonne), Devrouze (Saône-et-Loire), Gannat (Allier), Garges-lès-Gonesse (Val-d'Oise), Groslay (Val-d'Oise), Honnecourt-sur-Escaut (Nord), Juziers (Yvelines), La Courtine (Creuse), La Crouzille (Puy-de-Dôme), Lacanau (Gironde), Le Porge (Gironde), Le Theil (Orne), Ligny-en-Brionnais (Saône et Loire), Luçay-le-Mâle (Indre), Maynal (Jura), Mérillac (Côtes-d'Armor), Montsûrs (Mayenne), Orsans (Aude), Préaux-du-Perche (Orne), Saint-Georges-d'Oléron (Charente-Maritime), Saint-Hilliers (Seine-et-Me), Saint-Jean-le-Centenier (Ardèche), Saint-Jean-sur-Mayenne (Mayenne), Saint-Jouan-des-Guérets (Ille-et-Vilaine), Saint-Julien-sur-Reyssouze (Ain), Saint-Martin-de-Valamas (Ardèche), Saint-Merd-la-Breuille (Creuse), Saint-Pair-sur-Mer (Manche), Sanvignes (Saône-et-Loire), Sauveterre-de-Guyenne (Gironde), Serley (Saône-et-Loire), Sormery (Yonne), St-Jean-sur-Mayenne (Mayenne), Tournon-d'Agenais (Lot-et-Garonne), Trégennec (Finistère), Villexanton (Loir-et-Cher)… Si vous passez par l’un de ces villages, faites un détour par le monument aux morts en ayant une pensée pour notre « Poilu » disparu de Noisy-les-Bains.

Gérard LANGLOIS

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(Sources : La Gazette de Noisy-les-Bains, pour les extraits de presse ; Mlle Clarisse Langlois + ; articles suivants consultés « Les vivants et les morts à Champlay : 1918-1922 », « Monument commémoratif « Aux enfants de Coulomme morts pour la France », « Monument aux morts du Crotois », « Le Monument aux morts de Hourtin », article « Le monument aux mort de Sanvignes » ; nota : cet article a été publié en 2014 et 2015 dans les numéros 64, 65, 66, 67 du Lien, le bulletin de liaison des enfants de La Stidia et Noisy-les-Bains.)

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