Histoire avant 1848
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ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

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AUGUSTIN FERRIÉ

Augustin Ferrié est né le 31 octobre 1910 à Noisy-les-Bains.  Ses parents, Augustin Ferrié (décédé en 1963 à La Ciotat) et Berthe Derisbourg, s'étaient mariés le 22 avril 1908 à Mostaganem. C'était une famille de boulangers  : tout d'abord son père était ouvrier boulanger  à Noisy-les-Bains lors de sa naissance,  et que l'on retrouve boulanger encore en 1928 ; ensuite du côté maternel, son grand-père Henri Derisbourg est décédé à en 1904 Mostaganem où il était boulanger, et son oncle maternel Henri Derisbourg était également ouvrier boulanger en 1907 à Noisy-les-Bains. Augustin Ferrié avait épousé Paulette Quetier.

Engagé dans la Marine nationale, il était second maître radio à bord du Phénix et trouva la mort lors du naufrage de ce sous-marin, en baie de Cam-Ranh, au large des côtes d'Annam (Indochine).

C'est l'histoire de ce naufrage que nous vous proposons ici.

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LE NAUFRAGE DU SOUS-MARIN PHÉNIX
15 juin 1939

Le sous-marin phenix

Le sous-marin Phénix, sous-marin de première classe de grande patrouille type 1500 tonnes, classe Pascal, numéro de coque Q 157, a été mis en service le 21 octobre 1932. Long de 92 m et large de 8, il pouvait atteindre 17 neouds en surface et 10 en plongée, pouvant alors atteindre la profondeur de 80 m.

Le sous-marin phenix

Dans le cadre d'une tournée d'endurance au Philippines et en Australie, il appareille de Toulon avec son sister ship, le sous-marin Espoir, le 4 novembre 1938 ; ils arrivent à Saïgon le 16 décembre 1938.

En raison des évènements d'Extrême-Orient, ce programme est annulé. Ils devaient se rendre à Manille et Hong-Kong après les manoeuvres de juin 1939.

Le 15 juin 1939, en station en Indochine avec le sous-marin l'Espoir, il disparaît corps et biens en baie de Cam-Ranh, au large des côtes d'Annam, par 105 mètres de fond, lors d'un exercice d'attaque du croiseur Lamotte Picquet.

Le sous-marin phenix

Du 15 juin au 5 juillet.1939 (date de l'hommage rendu par le sous-marin Espoir et le Lamotte-Piquet), toutes les tentatives de renflouement du sous-marin ont été vaines. Il y avait sur zone le croiseur Lamotte-Piquet, l'Espoir, ISS Pigeon, l'Octant, la Marne et la gabare Cam-Ranh ainsi qu'un hydravion Loire 130 de l'escadrille n°5 de Cat-Laï.

La cause exacte du naufrage n'a pas été déterminée avec certitude. Les hypothèses pour expliquer ce naufrage dramatique sont :

  • qu'il aurait plongé avec le panneau avant ouvert...
  • qu'en raison du mauvais état de la batterie d'accumulateurs, il y eu accumulation de gaz suite à sa recharge complète, gaz qui auraient explosé après la prise de plongée suite à un arc électrique ;
  • shunt de la lampe témoin d'ouverture d'un panneau de descente. Cela permettait à la mer, à l'insu des officiers, de ventiler les postes, rendus étouffants par la chaleur humide de l'Indochine. L'Arme sous-marine reconnaissait que l'habitabilité des « 1500 » était déplorable sous les climats tropicaux. Seuls les six derniers de la série (les Agosta) ont été dotés de l'air conditionné.

71 victimes furent à déplorer dont :

  • Commandant :  CC  BOUCHACOURT
  • État-major : LV BANÈZE – EV VERON Gabriel – EV LAMBERT André – IM MOUSSEAUX

Liste des morts lors du nauffrage.

Seuls 2 hommes furent épargnés : le QM L'HAMINOT, resté à terre à Saïgon, et GUILLAUME, permissionnaire.

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Le sous-marin phenix

LE CHIEN SAVAIT TOUT...
Un récit de Raoul Picault

En ce temps-là, la magnifique flotte française comptait, entre autres navires, plus quatre-vingts sous-marins. Les plus grands de ceux-ci, dits océaniques, jaugeant 1 500 t. en surface, naviguaient et opéraient toujours par paire, en s'appuyant l'un à l'autre.

Nous sommes le 15 juin 1939, au quai principal de la Marine à Saigon. Alors que les navires de surface qui sont là sont peints d'un beau gris perle, les deux sous-marins de l'escadre dite F.N.E.O.(Forces Navales d'Extrême-Orient), amarrés à couple, tranchent par leur longue coque noire.

Le premier à quai est l'Espoir, et collé à son flanc, son sister ship le Phénix.

Heure prévue de l'appareillage, 9 heures. Toute l'escadre d'Extrême-Orient est appelée en manœuvre en mer de Chine, au large de Cam Ranh. Les bâtiments de surface s'exerceront à la lutte anti sous-marine, les sous-marins à l'attaque des premiers.

L'équipage du Phenix possède une mascotte depuis plusieurs années déjà, un magnifique chien reflétant au mieux dans sa robe le caractère multiracial de l'empire français.

Pour l'instant, l'animal est permissionnaire et batifole sur le quai. Parfaitement dressé par plusieurs de ses maîtres, ce chien est un parfait sous-marinier. Il sait monter et descendre les échelles, reconnaît les diverses sonneries, et bruits du bord, connaît les emplacements qui lui sont assignés pour les repas, le sommeil, l'appareillage, la plongée et le combat. Et enfin, le nez à 40 centimètres du sol, il est plus apte que quiconque à donner l'alerte en cas de modification de l'atmosphère intérieure. Rôle  tenu, sur d'autres submersibles, par des souris blanches en cage.

 Il ne figure pas au rôle d'équipage, mais tous en sont d'accord, il n'est pas le moins utile.

L'appareillage

L'heure de l'appareillage approchant, deux marins descendent à terre et appellent le chien, mais lui, si docile d'habitude, se dérobe.

Au début, cela ressemble à un jeu, puis il apparaît clairement qu'il s'agit d'un refus catégorique de se laisser approcher. Le chien ne veut pas regagner son bâtiment, événement sans exemple.

A bord du Phénix, le pacha, dans sa baignoire, s'énerve. Deux autres matelots se joignent à la chasse au chien, sans succès.

Sur l'Espoir, les marins, à la lisse, goguenardent et donnent des conseils gratuits, plus ou moins saugrenus.

On est en retard de dix minutes, quand le commandant du Phénix capitule et rappelle ses hommes, abandonnant la mascotte à terre. Les diesels ronronnent, on tire la passerelle unissant les deux navires, on largue les amarres, le sous-marin s'éloigne vers le milieu de la rivière, cap vers « la pointe des blagueurs ».

A ce moment, le chien qui, suivait attentivement les opérations, bondit, franchit la passerelle unissant le deuxième sous-marin au quai et arrive sur l'Espoir. Les marins, étonnés de ce comportement, lui font fête. Peut-être la nourriture est-elle meilleure sur ce bateau que sur l'autre. Il connaît d'ailleurs tout le monde, et ce conduit comme chez lui. On l'adopte donc pour le voyage. Il regagnera plus tard son bord.

A son tour, l'Espoir largue ses amarres, et en ligne de file, à petite vitesse, les deux submersibles descendent la rivière vers le cap Saint Jacques. Le pacha de l'Espoir signale en « scott » au Phénix « j'ai récupéré ton déserteur ».

Ils naviguent ainsi de conserve, par mer calme, jusqu'en fin de nuit suivante, et plongent à la hauteur du Cap Padaran, route au nord, à la rencontre des bâtiments de surface. Ceux-ci, un croiseur et quatre avisos, en ordre déployé, descendent vers le sud.

La catastrophe  

Les exercices se déroulent selon le programme convenu quand, brusquement, à un demi-mille de la ligne des navires, l'avant d'un sous-marin surgit, pointé vers le ciel à 45°. Vingt à trente mètres de coque ainsi dressée jaillissent de la mer, puis le sous-marin disparaît, comme aspiré par l'arrière.

Nul ne reverra plus le Phénix  et ses 71 hommes d'équipage.

C'est la fin de l'exercice, l'Espoir fait surface normalement dans les minutes qui suivent. A bord de l'escadre, c'est le branle-bas. Les signaux visuels et radios s'entrecroisent.

L'amiral, sur son croiseur, mène les opérations tambour battant.

Quinze jours d'activité frénétique commencent. La mer est calme. Le point de disparition du Phénix est situé rapidement sans qu'aucun indice ne permette de définir la cause de la catastrophe. Aucune épave ni remontée d'huile, aucun écho.

Le sous-marin repose sur fond de sable, l'avant à 92 mètres, l'arrière à 108, couché à 30° sur bâbord, à trois milles seulement de la cote.

Les moyens de l'époque, bouée téléphonique, jupe d'évacuation, permettent en théorie de sauver un équipage coulé par trente mètres, mais pas plus.

Nous sommes loin du compte. A bord du Phénix, c'est le silence, les sonars n'enregistrent pas le moindre bruit et l'on ne saura jamais ce qui c'est passé.

Les Américains interviennent

L'amiral entre en communication avec Manille, et la marine américaine envoie immédiatement deux navires, dont l'un l'USS Pigeon est spécialement conçu pour le sauvetage des submersibles américains. Ceux-ci comportant un panneau circulaire, accessible de l'extérieur.

Le navire coulé étant supposé d'aplomb, ou presque, le navire sauveteur descend au bout d'une grue une cloche à deux étages d'un diamètre supérieur au panneau d'accès.

L'étage inférieur de la cloche est ouvert par le fond, donc rempli d'eau de mer. L'étage supérieur équipé de hublots et dans lequel ont pris place les sauveteurs, est en communication avec la surface par le téléphone, l'alimentation électrique des projecteurs, et une tuyauterie d'air comprimé, alimentée par les puissants compresseurs du navire.

A l'extérieur de la cloche, des scaphandriers accompagnent celle-ci dans sa descente. Cent mètres constituent la limite d'action sinon de la cloche, du moins des scaphandriers.

Aucontact du bâtiment coulé, la cloche est positionnée sur le panneau circulaire de sauvetage, et fixée de l'extérieur par les scaphandriers. L'eau de l'étage inférieur de l'engin peut être ensuite chassée à l'air comprimé. La cloche se trouve ventousée sur le sous-marin.

Les sauveteurs, munis de casques contre d'éventuels gaz délétères, descendent par un sas à l'étage inférieur, et sont ainsi en mesure d'ouvrir le panneau d'accès au submersible et alors, peut-être, recueillir les survivants, si survivants il y a.

Car bien entendu, la survie des hommes, dans les meilleures conditions, après un tel naufrage, ne saurait excéder quelques jours, une semaine peut-être.

La plongée de la cloche du Pigeon permet de mieux apprécier la position du Phénix, mais rien d'autre ne put être tenté, tant du fait de la gîte du navire que de l'absence d'un dispositif d'accès analogue à celui des bâtiments américains.

On en revient à une méthode ancienne consistant à essayer de glisser sous le navire des chaînes, tirées par deux remorqueurs, afin de pouvoir draguer le bâtiment, et l'amener à la cote, en remontant la pente douce des fonds sableux sur lesquels il est échoué.

Mais on n'arrache pas aussi simplement quelques deux mille tonnes à la mer, et après avoir cassé plusieurs énormes chaînes, il faut renoncer.

Durant toutes ces opérations, sur l'Espoir, l'atmosphère est sinistre. Les deux équipages ne faisaient qu'un et tous se connaissaient parfaitement.

Tant pour tenter de mieux comprendre, dans les conditions du bord, les diverses éventualités, que pour jauger les nerfs de ses marins, l'amiral décide, dès le lendemain du naufrage, d'embarquer sur le submersible orphelin de son frère, et d'effectuer des plongées successives dans différentes hypothèses.

Rien ne ressort de ces tentatives, si ce n'est le raffermissement du moral de l'équipage. Et l'amiral déçu, rejoint son croiseur.

Au moment de quitter le bord cependant, il prend encore le temps, méditatif, d'interroger du regard l'unique survivant de la catastrophe, le chien du Phénix. Mais hélas, le pauvre animal se révèle incapable de communiquer ce que lui, peut être, savait déjà avant l'appareillage.

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(Source : Site de Olivier Berruyer consacré au croiseur Lamotte-Piquet en Extrême-Orient entre 1937 et 1939)

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