Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

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L’AERO-CLUB DE MOSTAGANEM ET

L’AERODROME DE NOISY-LES-BAINS

DE 1930 A 1939

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La tradition aéronautique est ancienne à Mostaganem ; dès 1911, les vols de Julien Serviès, qui se pose malencontreusement dans le port, et de Jules Védrines, qui termine son vol dans la tranchée de la voie ferrée à Mazagran, déclenchent l’enthousiasme dans la région. Henri Yvars réunit, prématurément, une collecte de 3 700 F (or) pour acheter un avion. Pendant la guerre, à partir de 1915, Mostaganem abrite une base d’hydravions dont l’activité dépasse largement la surface de la Grande Bleue et les vignobles accueillent souvent les hydravions FBA et Gourdou-Lesseure.

En 1916, Alexandre Prietto, Antoine Algudo, et Augustin Laurent construisent de toute pièce un avion qui, essayé par Antoine Algudo sur la colline de Mazagran, fait quelques bonds. En 1925, cette équipe, à laquelle s’ajoute Hubert Bourdiol, construit un nouvel avion dans le garage Prietto à Rivoli. Malheureusement, cet appareil est détruit par un incendie à la veille du premier essai.

1930

Il faut attendre 1930 pour voir arriver le premier avion basé à Noisy-les-Bains, qui est également le premier avion de tourisme d’Afrique du Nord : le célèbre Caudron 161 F-AIPV acheté par Henri Bories et baptisé Alger-Gao à la suite de l’exploit réalisé avec cet avion par le pilote Gauron et le mécanicien Lebas du 8 janvier au 12 février 1930. La propagande que fait Henri Bories avec cet avion entre dans le domaine de la légende. Véritable apôtre de l’aviation de tourisme, Henri Bories sillonne l’Afrique du Nord avec son Caudron en distribuant, avec succès, la bonne parole à tous les aéro-clubs en formation.

En décembre, une coopérative de pilotage est montée à Noisy-les-Bains sous la direction de Robert Petit qui vient d’Alger avec le Hanriot HD 14 F-ALIH pour satisfaire les besoins des nombreux élèves qui commencent à s’entraîner. Robert Petit est un pilote chevronné, il totalise alors 3 000 heures de vol et a formé des dizaines d’élèves à l’école du Crotoy et à l’école de pilotage du Centre d’aviation civile et privée de Maison-Blanche qu’il avait lancé, avec peu de succès, à Alger en 1927.

1931

Le 28 février, la Coopérative devient l’Aéro-club de Mostaganem qui se trouve, dès sa naissance, doté des deux avions précités, auxquels s’ajoutent le Caudron Luciole F-ALDX appartenant à Henri Giroud (avocat), un vénérable Caudron C 59 acheté à l’Aéro-club de l’Oranie par Antoine Assorin (viticulteur et ancien pilote militaire) et un autre Hanriot HD 14 (F-ALXA), rouge et noir, le Bossoutrot-et-Rossi, qui rejoint le terrain le 8 avril.

Le jour même de la création du club, le Blériot 110 de Lucien Bossoutrot et Maurice Rossi survole régulièrement le terrain de Noisy au cours de son vol de record du monde de distance et de durée. La déclaration du nouvel aéro-club sera faite au Journal Officiel le 22 avril.

Le premier conseil d’administration du club est composé du président Henri Bories – vice-président : Henri Giroud (avocat) – trésorier : Jean Paravisini (architecte) – secrétaire : Léon Bories (agriculteur) – membres : Roger Colonieu (avoué, ancien observateur militaire de guerre), Yvan Tandonnet (avoué), Michel Maillols (ingénieur TP), Bendayan (ingénieur), Roger Cruche (directeur du comptoir d’escompte), Salomon et Jacques Serrat (agent Citroën). Le comité technique est composé de plusieurs officiers de l’Aviation militaire de La Sénia et de Maison-Blanche et de plusieurs Mostaganémois ayant servi dans l’aviation pendant la guerre : Carrier, Lemaître, André Assorin et Joseph Pucheu.

Malgré l’éloignement de l’aérodrome et malgré bien des difficultés matérielles, l’Aéro-club se développe d’une façon remarquable. Il est visité, le 12 avril, par le député Roux-Fressineng, membre de la commission parlementaire de l’aviation, qui vient d’Oran en avion piloté par Albert Monville. Le 19 avril, les recordmen de durée Lucien Bossoutrot et Maurice Rossi sont reçus triomphalement à Blad-Touaria qui servait de point tournant durant l’épreuve.

Le 24 mai, alors que l’Aéro-club compte déjà plus de 500 membres, un meeting est organisé avec la participation du pilote Pierre Lemoigne en Gourdou-Leseurre, du trapéziste et parachutiste Francisco Perez Mur, des membres du Club aéronautique oranais, du planeur Eole des Aiglons du Cheliff et, bien sûr, des pilotes mostaganémois. Près de 8 000 personnes, venues de toute la région en voitures ou en autocars, assistent à ce meeting qui se déroule par un temps splendide avec une organisation remarquable et qui laisse tous les spectateurs émerveillés.

L’élan aéronautique est donné à la région. L’aérodrome de Noisy-les-Bains, une plate-forme de 34 hectares avec une bande d’envol de 1 500 mètres, est ouvert à la circulation aérienne depuis le 23 janvier ; la construction d’un hangar de 300 mètres carrés est entreprise, suivie rapidement par celle d’un second portant à trente-quatre le nombre d’avions pouvant être abrités. L’aérodrome est installé sur un terrain du domaine Bel-Hadri offert par Henri Bories dont la grand-mère est Mme Thireau, épouse de maître Louis Thireau (notaire, conseiller général et ancien maire de Noisy). Agée de plus de 70 ans, Mme Thireau sera une fervente adepte de l’Aéro-club, n’hésitant pas à suivre les avions du club dans leurs déplacements les plus lointains et à « boucler la boucle » avec André Costa.

Peu après le meeting du 24 mai, l’école de pilotage est séparée de l’Aéro-club sous le nom d’Air-école ; il s’agit d’une affaire commerciale qui récupère le Hanriot 14 Bossoutrot-et-Rossi sous la direction de Robert Petit. Henri Bories est rapidement lâché alors que Mlle H. Junique (de Rivoli), première élève-pilote féminine d’Afrique du Nord, commence à voler. Jean Paravisini passe le brevet en septembre et, le même mois , Pierre de Romanet ouvre le terrain privé de sa ferme de Picard.

Le 11 octobre, six avions du Club oranais de tourisme aérien se posent sur le terrain de Tijditt. C’est une des dernières manifestations sur ce terrain du faubourg nord qui avait été le premier aérodrome en service à Mostaganem (installé sur le champs de manœuvre du 2e régiment de tirailleurs, ce terrain ne sera réutilisé, plus tard, que pour le vol à voile).

Le 4 novembre, Yvan Tandonnet arrive à Noisy avec son Potez 36 F-ALCK qu’il a convoyé depuis Meaulte avec le docteur André Lamur (d’Oran). Cet avion servira largement la cause de l’Aéro-club aux mains de son propriétaire et de Jacques Serrat qui passe le brevet le 28 novembre (numéro 546). Henri Bories et Henri Giroud sont brevetés le 2 décembre.

1932

En janvier, Henri Bories convoie depuis la métropole le Caudron Luciole F-AMCS et Henri Pelloquin (viticulteur) offre à sa fille Germaine le Caudron C 117 F-AJIB qu’il rachète à Georges Averseng (le colonel Vuillemin avait accompagné le célèbre F-AIPV en vol de groupe, avec cet avion, au cours du voyage vers Gao).

Le 6 mars, l’assemblée générale réunit les membres à l’Albert-hôtel. Le conseil d’administration s’étoffe d’Elie Benguigui, d’André Aynié et de plusieurs membres des villes et villages environnants : Reboul (Inkermann), Pascal Monreal (Relizane), Lagabe (Rivoli), Fernand Mary (Sirat), Bertrand (Bellecôte) et Dumont (Noisy-les-Bains). La commission technique pour le vol à moteur se compose de Robert Petit, Pierre de Romanet, Joseph Pucheu et J. Garrigues. Gatuing, délégué financier, et Boutié assistent à la réunion.

Le 8 juin, Jacques Serrat et Pierre Jobert se posent à Noisy avec leur Caudron Luciole F-ALXQ qu’ils ramènent de métropole. Les avions n’arrivent pas tous en vol depuis la métropole, quelques Oranais ont l’idée de profiter du retour à vide des bateaux moutonniers. C’est ainsi qu’en octobre, arrive L’Ardèche chargé de cinq avions embarqués à Marseille et dont les ailes avaient été repliées à Marignane ; ils redécolleront de Tijditt.

Parmi les pilotes brevetés dans le courant de l’année, se trouvent : Fernand Mary, Albert Nastorg (négociant en vins), andré Aynié (architecte), Armand Belot (viticulteur), Pierre Jobert (des cigarettes Jobert), Léon Bories (observateur militaire dans la campagne du Riff), Elie Benguigui, Germaine Pelloquin (17 ans) et son frère Edouard, Mme Clauzel, Yvon Junique, Fernand Durandeux et Georges Bonfils. C’est grâce au jeune moniteur Daniel Robert-Bancharelle (de Mascara), remplaçant de Robert Petit, que ces brevets ont pu être passés.

Le bilan à la fin de l’année est flatteur : plus de 2 000 heures de vol ont été réalisés, 1 235 baptêmes de l’air ont été distribués et dix-huit pilotes ont été formés. Le club compte vingt-sept pilotes dont cinq anciens pilotes de guerre. Cinq terrains de secours ont été établis sur les parcelles communales des villages d’Aboukir, L’Hillil, Aïn-tédelès, Lapasset et Cassaigne. L’aménagement de l’aérodrome de Noisy s’est poursuivi (électrification, téléphone…). La propagande a été intensive : manifestations, conférences et plusieurs réceptions, dont celle du maréchal Franchet d’Esperey, né à Mostaganem en 1856, animateur du groupement Roland Garros.

1933

Une des forces de l’Aéro-club de Mostaganem est son conseil d’administration entièrement formé de pilotes qui se dépensent sans compter, suivant l’exemple du président Henri Bories. L’ancien comité est modifié au début de l’année – vice-président : Albert Nastorg – trésorier : André Assorin – assesseurs : Michel Maillols, Louis et René Lamende, Pierre Jobert, Léon Bories, André Aynié, Fernand Mary, Antoine Algudo et le docteur Charles Belot. Le club bénéficie toujours de l’appui du maire, Adrien Lemoine.

Daniel Robert-Bancharelle part en février à Oran comme chef-pilote du COTA, il est remplacé par André Costa, qui commence une grande carrière de moniteur et d’animateur en Algérie. André Costa prend la direction d’Air-école, avec les Hanriot 14 et les deux Luciole de l’Aéro-club.

Au printemps, est créé l’aéro-club affilié Les ailes perrégauloises sous la présidence de Fernand Pierson, avec Jean-Jacques Bonfils comme vice-président et un conseil d’administration composé de Valverde, Rose, de Bauge, Boischard, (secrétaire), Tordjmann (maire de Perrégaux et président d’honneur), Rostagno, Gasquet, Longchamp, Marcel Grellet et Eugène Iresch.

Les ailes perrégauloises commencent brillamment leur activité, à l’occasion des fêtes patronales, par un meeting et une séance de baptêmes sur l’aérodrome situé à 8 kilomètres de la ville (terrain d’une superficie de 35 hectares avec un hangar de 300 mètres carrés, sur la route de Sahouria).

Un autre aéro-club affilié : Les ailes d’Inkermann, est en voie de formation sur le terrain d’Inkermann inauguré en avril 1932, alors que la section créée à Relizane devient rapidement un aéro-club indépendant.

Roger Cuche et Léon Bories (cousins du président) reçoivent leur Caudron Phalène F-AMIE en mai, neuvième avion basé à Noisy. L’activité bat son plein durant l’été : Henri Bories reçoit le Phalène F-AMKM (convoyé par André Costa le 5 septembre), il vole assiduement avec sa grand-mère, Mme Louis Thireau, sur ce nouvel avion baptisé Margoton en hommage à sa sœur Marguerite. Albert Nastorg et Fernand Mary prennent en main leur Farmann 400 F-AMHV (convoyé en août depuis Paris par André Costa et Fernand Mary en 11 heures de vol). André Aynié et Pierre Jobert volent sur leur Luciole, ainsi que Charles Julien sur son Potez 43.

Du 20 au 30 juillet, Jacques Serrat participe en 53 heures de vol, avec son Potez 43 F-AMNX, au tour de France et de Belgique et à la coupe du Journal (il a vendu son Luciole F-ALXQ à maître Giroud et achètera en juin 1935 le Potez 58 F-AMYQ.

En octobre, Edouard Pelloquin, qui a vendu son Luciole F-AMFQ à Air-école, va chercher son Caudron Phalène à Guyancourt, accompagné de sa sœur Germaine et le ramène par l’Espagne, tandis que les frères Lamende, Victor Leindecker et Antoine Algudo achètent le Luciole F-AMFO à Alger.

Plusieurs pilotes participent aux manœuvres d’Arzew en automne, le terrain de Noisy ayant été choisi comme base aérienne par le commandant Prat du 2e Groupe d’aviation d’Afrique de La Sénia.

Air-école fonctionne bien. En plus de l’école, le matériel est utilisé pour des travaux publicitaires, des fêtes ou de la photographie aérienne. Michel Laillols (âgé de 58 ans) et son fils Sylvain, Julien Dermy, Roger Cuche, Louis Lamende (représentant), Charles Julien, Antoine Algudo, Roger Prietto et Victor Leindecker (agriculteur), ont passé le brevet dans le courant de l’année, formés par André Costa ou Antoine Assorin qui entraînent d’autres élèves : Benoît Leindecker, Georges Dermy, Fernand Mary, Yvon Junique (agriculteur), Jean Maury, Mossang et Lecygne.

A la fin de l’année, l’Aéro-club de Mostaganem, qui compte plus de 500 membres, peut être fier des résultats obtenus depuis sa création : près de 5 000 heures de vol ont été réalisées sans accident (André Costa a effectué plus de 400 heures de vol dans l’année), il regroupe 14 avions (8 appartenant à des sections du club et 6 à des particuliers) et 42 pilotes, dont 35 formés par le club. Le deuxième hangar de 600 mètres carrés est terminé, ainsi qu’un magasin et un atelier où opèrent l’excellent mécanicien André Dambach et ses aides. L’Aéro-club a été représenté dans toutes les manifestations aéronautiques d’Afrique du Nord et il s’est constamment fait apprécier par l’aide apportée aux aéro-clubs voisins qui n’ont jamais fait appel en vain à son concours.

Roger Prietto et son HM 8

En 1933, André Costa et Antoine Algudo essayent l’avionnette Henri Mignet HM 8 construite avec grand soin par Roger Prietto, garagiste à Rivoli.

Roger Prietto a construit son avion en 18 mois en travaillant les dimanches, les jours fériés et la nuit. Il ne trouve qu’un moteur de moto Chase 500 centimètres cube dont il tire difficilement 5 chevaux (pour un poids de 43 kilos), c’est largement insuffisant pour un avion de 130 kilos en ordre de marche. André Costa arrive cependant à faire décoller le petit avion le 20 octobre 1933. Plusieurs vols sont effectués par André Costa, Antoine Algudo et Roger Prietto ; la moindre perte de régime se traduisant par un atterrissage forcé, il est peu prudent de sortir des limites de l’aérodrome.

Antoine Algudo en fait la triste expérience le jour où, après avoir réussi à franchir la route bordée d’eucalyptus longeant le terrain, il est contraint de se poser. Un drain malencontreux le fait passer sur le dos au cours du roulage. Le pilote arrive à sortir seul du tas de bois et de ferraille avant l’arrivée de Roger Prietto, essoufflé, qui rassemble l’épave avec un léger soulagement en voyant l’aventure se terminer au moindre mal.

1934

L’assemblée générale du 24 février reconduit le conseil d’administration, toujours présidé par Henri Bories. Des pourparlers, qui n’aboutiront pas, sont engagés en vue de la création d’un aérodrome à proximité de la ville, à La Salamandre. A cet effet, Henri Bories se rend en avion à Alger, accompagné du sous-préfet Masselot, de Lucien Lemoigne, président de la Chambre de commerce, et de Magnot.

Une grande fête se déroule les 24 et 25 mars. Le temps maussade n’empêche pas une trentaine d’avions venus de Blida, Sidi-Bel-Abbès, Lamoricière, Mascara, Oran et Port-Lyautey de rallier le terrain de Noisy, ainsi que trois équipages militaires de La Sénia. Un concours se déroule le samedi après-midi : épreuve de lancer de précision de messages lestés et épreuve de précision d’atterrissage moteur réduit. Après l’apéritif au café Maury, le bal du samedi soir, organisé par Albert Amar dans les salons du Grand-hôtel, réunit tous les participants et leurs invités en une brillante soirée. A minuit, la splendide coupe, surmontée du coq gaulois, est remise à Georges Alberge, du Club aéronautique de Bel-Abbès, vainqueur du concours. En hommage à Guilbot et Amundsen, récemment disparus en recherchant l’équipage du dirigeable Italia, la salle a reçu un décor « arctique » qui comble d’aise les fameux Pingouins du CABA. Le lendemain, par un temps plus clément, la fête continue sur l’aérodrome où André Costa et Daniel Robert-Bancharelle se livrent à des acrobaties impressionnantes, alors que les avions du club baptisent sans interruption. Une matinée dansante termine les festivités.

Au mois d’avril, l’Aéro-club participe activement aux fêtes d’Affreville et, au mois de mai, il gagne la coupe de participation au meeting d’Oran avec dix avions. En mai, Lecygne et Marcel Grellet achètent le Hanriot 14 F-ALFD et le Potez 36 F-ALKA. En juin, maître Giroud achète un Potez 58.

Le 3 juin, l’Aéro-club réunit sur le terrain de Noisy les participants du match d’acrobatie Doret-Detroyat qui avait lieu à Oran. Tous les membres, de nombreux sympathisants et le colonel Cazaban entourent les deux as. Michel Detroyat donne le baptême d’acrobatie à Jacques Serrat et à Jacqueline Serrat qui « boucle la boucle » et vol sur le dos, assise sur les genoux de son père ! Dans une ambiance pleine de cordialité et de camaraderie, Henri Bories fait une allocution remarquée : « … Et aujourd’hui ce m’est une grande joie de fêter avec vous votre succès de dimanche dernier qui vous a permis de ramener à Mostaganem la belle coupe de participation offerte par nos amis d’Oran. Aussi, est-ce avec au cœur une grande fierté que je vous félicite de votre allant, de votre discipline, de votre ardeur, de toutes les qualités que vous avez montrées et qui font de vous de bons pilotes et de bons camarades… Je sais d’autre part la sollicitude de Monsieur Adrien Lemoine, maire et délégué financier, pour notre jeune organisme qu’il a toujours aidé dans les limites extrêmes de son budget communal et dont l’heureuse initiative va nous permettre bientôt de fêter l’arrivée de l’avion « Ville de Mostaganem », seizième de notre escadrille… Nous pouvons donc, messieurs et chers camarades, envisager l’avenir de notre œuvre avec sérénité… Je fais confiance à l’Aviation de notre ville, à votre ardente foi dans ses destinées, à votre activité, à votre zèle, à votre enthousiasme pour la belle cause que nous défendons avec toute l’ardeur de la jeunesse et la chaleur de notre sang algérien ».

Lucien Lemoigne répond à Henri Bories : « Nous avons suivi, Messieurs, avec admiration les progrès de l’œuvre que vous avez entreprise, nous connaissons les difficultés que vous avez rencontrées, les inconvénients de l’éloignement de votre terrain, l’intérêt vital qui s’attache à la création rapide du nouvel aérodrome de Mostaganem… »

Le 17 juin, Henri Bories part avec le Margoton pour un grand périple au Maroc, en Espagne et en métropole, accompagné de sa grand-mère et du docteur Sorin (de La Rochelle). Le 7 juillet, André Costa et Paul Saurin vont à Paris prendre livraison du Caudron Phalène F-AMVN Ville de Mostaganem, acheté avec l’aide du conseil municipal. Le baptême de ce nouvel avion, tout bleu, donne lieu, le 19 juillet, à une grande fête comme sait en organiser l’Aéro-club ; le parrain, Adrien Lemoine, et la marraine, Mme Thireau, qui a maintenant 80 heures de vol, sont entourés de toutes les personnalités, dont Henri Yvars (courtier en vin) qui voit se concrétiser son rêve vieux de 22 ans. Emile Sabrié prend livraison d’un Farman en octobre et André Costa va, en décembre, chercher le Caudron Phalène F-ANBH d’Etienne Faure.

René Lamende, Fernand Pierson, Marcel Grellet, Etienne Faure (viticulteur), Robert Baylé (âgé de 17 ans et demi), René Israël et Eugène Merle ont passé le brevet dans l’année, ainsi que Paul Saurin, premier député-pilote d’Afrique du Nord, qui n’hésite pas à prendre l’avion pour ses tournées électorales. De nouveaux élèves se sont inscrits à Air-école : Maral, Roustan, Baumet, André Untereiner, Javel, Zamitth et Perez. L’Aéro-club continue d’avoir un grand rayonnement dans toute la région, des journées de baptême ont été organisées avec succès dans les villages voisins : Cassaigne, Bouguirat, Picard… En octobre, André Costa a donné plus de soixante-dix baptêmes de l’air sur le terrain de Perrégaux à l’occasion du pèlerinage musulman de Sidi-Abed.

1935

Le 12 janvier, déplacement de quatre avions pour les fêtes de Fez : Jean Paravisini et son épouse sur Potez 58, Henri Bories et Michel Maillols sur Phalène, Yvon Junique et Guido Bassi (distillateur) sur Phalène et Antoine Algudo et Leindecker sur Luciole.

Au mois d’avril, Henri Bories, toujours président du club, est élu président de la Fédération aéronautique nord-africaine ; il se rend à Bidon V, accompagné de Michel Maillols, pour l’inauguration du phare Vuillemin. Pendant ce temps, Antoine Algudo et Lamende vont à Colomb-Béchar. En mai, André Costa, accompagné de son épouse Juliette, va chercher à Paris le Salmson Phrygane F-ANMI du docteur Charles Belot qui, tout juste lâché, est élu vice-président lors de l’assemblée générale du club. Le 5 juin, les délégués des aéro-clubs d’Oranie se réunissent au domaine Sainte-Marguerite, chez Henri Bories, pour discuter de la répartition de la subvention de 200 000 F du conseil général. Le 29 juillet, grande sortie du club vers Barcelone, mais, à l’escale de Melilla (Maroc Espagnol), les équipages se retrouvent consignés à l’hôtel avant de rebrousser chemin ; la guerre civile espagnole est commencée, les premiers combats se déroulent à proximité du port entre dockers et militaires.

L’enthousiasme pour l’aviation est tel que, pour baliser la ligne Alger-Oran, le docteur Charles Belot inscrit sur sa cave, à Ouillis, le nom du village. Larquiet et Louis Garcia font de même à Aboukir et Saint-Leu. Des prospections sont faites pour trouver des terrains à Picard et à Nemours. Devant l’engouement pour la construction amateur qui s’empare de l’Afrique du Nord, Emile Sabrié, d’Aïn-Tédelès, ingénieur à Sup’aéro (promotion 1932), se met à la disposition (sans grand succès) des constructeurs pour les conseiller dans la fabrication des Pou du ciel.

Air-école obtient de bons résultats : Charles Belot, Roland Morin, Jean-Jacques Bonfils, Eugène Iresch, Fernand Greffier, Augustin Laurent, Georges Blum, Guido Bassi, Léon Vallard, Antoine Garcia, Hamelin, Jules Subiela, Simon Dye, Alcover, Thirion, Hugues Corbucci et Marcel Cardole sont brevetés dans l’année. Albert et Fernand Ramon, Gatuing, Etienne Faure, Marcel Larédo, Hugues Corbucci et Léon Valor sont élèves-pilotes. Vieillard, ancien pilote de guerre, recommence à voler.

De 1936 à 1939

En 1936, sous l’impulsion du mouvement d’Aviation populaire, une grande campagne de propagande est entreprise dans les écoles avec l’appui de Maurel, inspecteur de l’enseignement primaire. Des conférences sont faites par Henri Bories et Michel Maillols et de nombreux baptêmes gratuits sont donnés dans la région au profit des écoliers, des enseignants, des boy-scouts et à toute la population, au départ de Noisy, et aussi de terrains de fortune dans la région.

A la fin de l’année 1936, Roland Morin, Georges Blum, André Untereiner et Edouard Pelloquin rejoignent la base de Blida pour y faire leur service militaire et passer le brevet de pilote militaire. Antoine Algudo achète le Phalène F-AMIS.

Durant les six derniers mois de l’année 1937, l’Aéro-club de Mostaganem effectue 353 heures de vol, dont 105 au cours des manœuvres militaires de Bedeau, par les pilotes-estafettes Jean Paravisini, Benoît Leindecker et Louis Lamende et par Antoine Assorin, lieutenant de réserve. L’Aéro-club compte quinze avions et cinquante-deux pilotes, dont René Darcagne, breveté à 16 ans et demi.

En 1937, est créée, présidée par Marcel Grellet, la section d’Aviation populaire de Perrégaux qui reçoit 5 000 F du ministère de l’Air et commande deux planeurs. Ce club organise, le 24 avril 1938, un concours de modèles réduits et une fête sous la présidence de Sadi Lecointe et du maire, Michel Anglade.

André Costa y fait une exhibition en planeur ; il y a également présentation de l’avion Léopoldoff Colibri (construit au Maroc), concours de lancers de message et lâchers de Montgolfières. A l’occasion de cette fête, le terrain de 30 hectares de Ferme-Blanche, acheté par la municipalité, est baptisé aérodrome Sadi-Lecointe. André Noël, chef-pilote de l’Aéro-club de Relizane, assure avec son Caudron 109 F-AQCI, à partir d’avril 1938, la formation de Jules Cassola, Serge Pekle, Max Lignon et Etienne Courbin qui passent le 1er degré en octobre 1938. Genies, Gaston Siboni, Antoine Crespo et son frère sont élèves-pilotes. Fin 1938, l’Aéro-club de Perrégaux possède un Potez 36 et un Caudron Phalène. Le 20 janvier 1939, lors de son assemblée générale, l’Aéro-club de Perrégaux, dont le moniteur est alors Magneville, décide la construction d’un planeur et organise, le 30 avril 1939, un grand concours de modèles réduits.

En janvier 1938, est créé l’Aéro-club du Dahra à Cassaigne, que la Fédération envisage de doter de trois planeurs. L’Aéro-club du Dahra, section de l’Aéro-club de Mostaganem, a été lancé sous l’impulsion d’Auguste Raes, maire de Bosquet et président, et Florenchi et Briat, secrétaire général et trésorier. Chaque village a ses délégués – Bosquet : Maurice Macary et Edmée de Janson – Ouillis : Durieu (vice-président), Richeremo et le docteur Charles Belot – Cassaigne : Laurelli (vice-président), Boos, Bernasconi et Barouda – Lapasset : Di Antoni, Evrard et Paul Fouilleron – Picard : Dorgans (vice-président), Dupeux et Mesnard.

En 1939, à la fin de la guerre civile espagnole, des avions républicains surchargés de réfugiés viennent se poser à Noisy et un peu partout dans la nature. Tout ce qui peut prendre l’air dans le sud de l’Espagne tentera de rejoindre la terre algérienne la plus proche, dans des conditions souvent dramatiques.

Mostaganem et ses environs ont eu la chance de profiter d’un groupe d’animateurs parfaitement complémentaires qui ont su mettre en commun leurs capacités et leurs compétences pour doter une vaste région d’un aéro-club et de plusieurs aérodromes périphériques actifs. Les noms d’Henri Bories, André Costa, Antoine Algudo, Michel Maillols, Jacques Serrat et Antoine Assorin resteront liés à l’histoire du développement de l’aviation de tourisme en Algérie avant la guerre. Le flambeau sera repris, plus tard, par d’autres fanatiques qui maintiendront l’Aéro-club de Mostaganem, en vol à moteur comme en vol à voile, au plus haut niveau d’activité.

VOL A VOILE

Joseph Thoret et Eric Nessler

Au cours d’un voyage d’étude en avril 1924, Joseph Thoret avait remarqué la région de Mostaganem. Il avait réussi, avec un Hanriot HD 14, de beaux vols sur les pentes du djebel Diss, arrivant à rester, moteur coupé, près d’une heure en l’air. Cette montagne de 400 mètres d’altitude, exposée aux vents dominants, possède une pente moyenne de 45 degrés environ sur sa face ouest. A sa base, le Chéliff a déposé une plage de sable fin de 12 kilomètres de long sur 800 mètres dans sa plus grande largeur. C’est un endroit idéal pour le vol à voile dynamique, avec une sécurité absolue et un rendement économique.

En 1931, l’Aéro-club de Mostaganem crée une section de vol à voile riche de trois planeurs, de 32 membres et de beaucoup d’illusions, qui achète cher un matériel médiocre. Une relance, en novembre 1932, permet à Elie Benguigui, Carrier, Evrard, Augustin Laurent, Victor Leindecker, André Aynié, Charles Belot et René et Louis Lamende de faire quelques vols en planeur à Noisy-les-Bains.

Il faut attendre décembre 1935 pour voir Eric Nessler reconnaître une deuxième fois le site du djebel Diss et y tenir facilement l’air pendant 1 heure 30 avec son avion 40P.

Ce vol décide la Fédération aéronautique nord-africaine de créer l’Ecole centrale du Debel-Diss. Grâce à Henri Bories, président de la Fédération, et à René Prévost, son secrétaire général, le projet est étudié sous toutes ses formes. L’aide est demandée au ministère de l’Air et au Gouvernement général. André Costa, envoyé en métropole avec mission de se documenter sur la constitution d’une école et sur son fonctionnement technique, passe le brevet C et le brevet de moniteur à La Banne-d’Ordanche. Un mois après, tout est pratiquement prêt en attendant les subventions nécessaires.

André Costa bat le record de durée

Eric Nessler avait laissé à Alger, à la disposition de la Fédération, son planeur de performance et la remorque. André Costa, après deux essais de remorquage par le Luciole F-AMFO piloté par Antoine Algudo, son pilote remorqueur habituel de 1934 à 1939, gagne, pour sa première épreuve, le concours d’atterrissage au meeting de Mascara le 8 novembre 1936.

Durant l’hiver, il faut attendre près de deux mois le vent d’ouest sans pluie, chose rare en cette saison, pour exploiter la pente du djebel Diss. La première prise de contact se fait le 29 janvier 1937 par un vol d’essai de 4 heures 05. Le deuxième essai a lieu le 9 février André Costa décolle à 10 heures 15 pour ne se poser qu’à 18 heures 18. Une erreur de chronométrage réduit la durée officielle du vol à 7 heures 57 au lieu de 8 heures 03 (les chronométreurs sont le commissaire de police Chazeau et l’ingénieur des Pontes et chaussées Colin). André Costa a ainsi réalisé le plus long vol sans moteur en Afrique du Nord, battant le record de Georges Barbot à Biskra en 1923. Ce vol n’a pas été tenté dans l’idée de battre un record. Il s’agissait surtout de prouver le choix judicieux de l’emplacement projeté pour l’Ecole de vol à voile nord-africaine.

Le vol avait commencé par un décollage de Noisy, remorqué par le fidèle ami Antoine Algudo en Luciole. Largué à 400 mètres, le planeur atteint bientôt le plafond de 1 050 mètres où il tient jusqu’à 14 heures. Puis, le vent mollissant doucement, le planeur revient raser le sommet de la montagne et perd progressivement de la hauteur jusqu’à 17 heures 30. Le vent tourne ensuite au nord, ce qui oblige le pilote à chercher le petit versant nord assez peu favorable. Le vent reprend enfin, très faible de l’ouest, peu avant le coucher du soleil. André Costa termine le vol en se posant à 9 kilomètres du djebel Diss, sur le terrain de Tijditt. Cette performance éveille un intérêt considérable chez les pilotes algériens qui espèrent depuis longtemps la possibilité de faire du vol à voile.

Les débuts difficiles du vol à voile

André Costa se débat au milieu de difficultés matérielles considérables pour lancer la nouvelle activité. Dans un premier temps, le planeur est hissé à chaque vol, démonté dans sa remorque, au sommet du djebel Diss pour être lancé au sandow. Le vol terminé, il se pose sur la plage du Chéliff. André Costa est heureusement entouré de la sympathie agissante de quelques fanatiques : Paul Muller, agriculteur de la région, construit une route vers le sommet du djebel Diss ; Antoine Algudo, entrepreneur de travaux publics, aménage une piste le long de la plage afin de pouvoir décoller en remorqué, ou, solution plus économique, lancé par treuil.

André Costa obtient, de l’autorité militaire, l’autorisation d’utiliser le terrain de Tijditt pour son école de vol à voile au sein de l’Aéro-club populaire de Mostaganem créé en 1938 sous la présidence de Paul Muller avec Durand, le docteur Madani Benkritly et Yvan Bezombes. Situé aux portes de la ville, ce terrain n’est pas idéal, étant soit occupé par les militaires en manœuvre, soit envahi par la foule de curieux venus voir les planeurs et leur remorqueur. Des vols sont cependant réussis par Jean Paravisini, Etienne Faure, Louis Lamende, René Parisien, René Darcagne, René Mausseng, Rger Prietto, Antoine Algudo, Toulouse et Llorens.

L’Aéro-club populaire de Mostaganem s’occupe également d’aéromodélisme . Le 26 décembre 1937, par un temps splendide, un grand concours de modèles réduits rassemble une foule considérable à Tijditt en présence du sous-préfet Charavin. Pendant que l’orchestre de l’Harmonie des Chemins de fer exécute ses morceaux favoris, les équipes de toutes les villes du nord de l’Oranie présentent leurs modèles alors qu’André Costa effectue des présentations en avion ou en planeur.

Les installations permanentes du Centre du Djebel-Diss seront mises en service pendant la guerre.

Pierre Jarrige


 

(Source : L’aviation légère en Algérie (1909-1939), Pierre Jarrige, 1992. Avec l'aimable autorisation de l'auteur, ce texte avait été mis en ligne sur le site Noisy-les-Bains, village français d'Algérie.)
 

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