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ANLB

Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

LA VIERGE VISITEUSE

par Norbert Ségalas

Il était une tradition bien connue de chez nous, c’était la « Vierge visiteuse ». Cette coutume nous venait d’Espagne et s’était étable dans toute l’Algérie, surtout en Oranie. On la retrouve aussi en Amérique latine et dans le sud de la France, surtout au Pays-Basque et en Roussillon.

Je me souviens, j’avais 6-8 ans, ça fait donc plus de 60 ans, ma tante Emilienne nous avait amenés, Roly et moi, au fond de la chambre où, sur la commode, trônait la « Vierge visiteuse » dans son coffret. Elle était dans la pénombre et n’était éclairée que par la faible lueur d’une veilleuse composée d’une petite mèche à travers une pastille flottant sur une couche d’huile dans un verre d’eau. Et là, elle nous avait fait faire la prière… un « Notre père » et un « Je vous salue Marie » que je ne savais pas encore par cœur (Roly, lui, savait).

L’ensemble était composé d’une boîte en bois ciré, parallélépipédique d’environ 30 cm de large, 40 cm de hauteur sur 15 cm de profondeur avec une poignée en laiton en haut pour le transport. La boîte s’ouvrait de part et d’autre en deux vantaux qui libéraient un troisième panneau qu’on relevait, grâce à deux charnières, sur le dessus. C’est à ce moment-là qu’on pouvait admirer la Vierge dans toute sa splendeur, trônant derrière une vitre de protection. La statuette d’environ 25 cm de hauteur, était la copie de la Vierge de la « Médaille miraculeuse ». Elle était ornée de chaque côté par des fleurs artificielles, roses, muguet, etc., et les trois côtés de bois étaient tapissés d’un tissu de soie argenté. A la base il y avait une petite pente pour y glisser quelques pièces. Tout le panneau arrière était formé d’une grande porte encastrée, fermée à clef pour accéder au tronc et à l’ensemble pour l’entretien. Seul le curé ou un responsable détenait la fameuse clef.

Cette « visiteuse » restait un ou plusieurs jours, selon les disponibilités dans les foyers qui étaient abonnés. Ainsi, par exemple, (là je cite les souvenirs de mon cousin Pierrot Ségalas) : Mancette (Hermance Martinez) la portait à Emilienne Ségalas qui la faisait suivre à « Fifine » Mandron qui la passait à Gilberte Repelin, et ainsi de suite, de maison en maison, la Vierge faisait le tour du village. Beaucoup d’entre vous l’ont connue.

En 1964, année qui a anéanti tous les espoirs du dernier bastion français à cause de la nationalisation, avant de partir, ma tante s’est inquiétée de la « Vierge Miraculeuse » et a réussi à ramener cette Vierge qui serait celle de Mazagran car elle n’a pu retrouver celle de Noisy.

Quelque temps avant de nous quitter, elle l’a offerte à ma voisine (nous partageons la même cour), Hélène Colliaux, née Castillo, fille de l’ancien forgeron de Mazagran.

Juste retour des choses.

Norbert Ségalas

(Source : Le Lien, bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy-les-Bains, n° 56, septembre 2012)

 

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