Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

HENRI REYNAERT

1891 - 1930


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Né en 1891 dans une famille du Nord, ses grands-parents paternels venaient des Flandres belges. Le jeune homme, après avoir travaillé dans la métallurgie est appelé à faire son service militaire en Tunisie au 4ème zouaves

En 14, à la déclaration de guerre il a vingt-trois ans et son régiment est acheminé sur le front belge. Ces jeunes soldats, comme tous les hommes de leur âge, s’imaginaient que cette guerre ne durerait pas.

Dans les tranchées Henri se fit quelques amis, son préféré, Louis Fraisse avait un drôle d’accent puisqu’il venait d’Algérie et, à des milliers de kilomètres du soleil de son village de Noisy-les-Bains, au nom pourtant typiquement région parisienne, il venait se faire casser la gueule dans la boue de France.

La tradition pour ces « poilus » était d’avoir une marraine de guerre, en général une jeune fille de l’arrière qui, au travers d’une correspondance assidue, leur donnait l’illusion de ne pas être oubliés par la nation et leur donnait une raison de plus de survivre. Henri eut donc comme marraine une jeune-fille de Noisy, Paulette Langlois, qui était la sœur de l’amie de cœur de son copain Louis Fraisse.

Voici donc nos personnages : dans les tranchées de Belgique Henri Reynaert, jeune Lillois, qui correspond avec Paulette, et son copain Louis Fraisse. La maman de Louis, petite propriétaire terrienne et veuve n’a que ce fils, sa seule richesse.

Mais hélas, le drame est inévitable et, aux millions de victimes de cette sale guerre viennent s’ajouter nos deux amis : Louis est tué, et Henri très grièvement blessé.

Henri Reynaert, caporal au 4ème régiment de zouaves, 4ème bataillon, 13ème compagnie, est blessé par balle le 24 avril 1915 au combat de Steenstraet dans la région d’Ypres. Il est cité à l’ordre de la brigade pour sa « bravoure extraordinaire pendant la contre-attaque dans la nuit du 24 au 25 ». Son livret militaire indique une « Fracture du crâne par balle. Grande perte de substance osseuse et cérébrale ». En fait, les rapports médicaux de l’époque décrivent un manque d’os de 8 cm sur 3 cm. Il est transporté à l’hôpital d’Eu, en Normandie, et, semble-t-il, bien soigné. Il vivra ainsi quinze ans. Quinze années de douleurs lancinantes, de céphalées parkinsoniennes, de vertiges, de pertes de connaissance, de crises d’épilepsie. Les médecins le bourraient de gardénal qui était le seul remède de l’époque pour combattre la douleur. Il se laissa pousser les cheveux qu’il sépara par une raie médiane pour cacher cette blessure toujours battante au-dessus de sa tempe gauche. Il passa sa convalescence à l’hôpital militaire de Vanves, et c’est là qu’il apprit sa citation à l’ordre de la nation et qu’il se vit attribuer la médaille militaire et la croix de guerre. La remise de décoration eut lieu dans la cour d’honneur de l’hôtel des Invalides en mai 1916.

Pendant ce temps, il continuait de correspondre avec Paulette et Mme Fraisse qui pleurait son fils unique. Ne supportant plus le dur climat de France et ne pouvant pas rejoindre sa famille dans une région au cœur de la guerre, c’est tout naturellement qu’il accepta l’invitation de la mère de son ami Louis. Il prit donc la route de l’Algérie et arriva à Noisy-les-Bains.

Il ne découvrait pas vraiment cette région car il l’avait traversée lors de son service militaire en 1912 et 1913 ; son régiment fit une rapide traversée du Maghreb de Tunisie au Maroc et retour. C’était rapide, mais suffisant pour découvrir ce pays au magnifique ciel bleu et au beau temps permanent.

Madame Fraisse avait une employée de maison, Clémence César, originaire de Kléber, dont le père était venu de Moselle, fuyant la conscription allemande, et la mère d’Alsace.

Ce qui devait arriver, arriva, et les deux jeunes gens tombèrent amoureux. Ils se marièrent en 1917 à Blad-Touaria où Henri trouva un emploi temporaire d’ouvrier agricole.

Mais le mal du pays était le plus fort. Aussi la grande guerre terminée, Henri souhaita retourner vivre avec sa jeune épouse dans son Nord natal. Ils firent donc le long voyage vers les brumes septentrionales. Les retrouvailles avec la grande famille Reynaert furent chaleureuses, mais fallait vivre. Ils habitèrent dans la banlieue lilloise, à La Madeleine, et vécurent de petits boulots. Clémence, enceinte, ne pouvant pas aider, leur vie fut extrêmement difficile, d’autant plus que le climat du Nord ne s’était pas amélioré et que les hivers étaient toujours aussi durs pour notre pauvre blessé. Raymonde naquit à La Madeleine-les-Lille en 1920.

Ainsi, pauvres, Henri malade, dans un climat sévère et avec un bébé, ils n’eurent comme solution que de revenir en Algérie. Ils prirent donc la route du sud avec un nouveau petit passager, Eugène, dans le ventre de Clémence.

Ils s’installèrent de Nouveau à Noisy-les-Bains où Clémence reprit son emploi auprès de madame Fraisse, et Henri, pensionné à 95 %, fut engagé comme garde-champêtre au village. Petite vie difficile ponctuée par les crises de plus en plus fréquentes d’Henri. En 1927 naquit un troisième enfant, André, qui ne vécut que quatre mois. Enfin Madeleine vint au monde en 1929.

Après de nombreuses années de douleurs, Henri Reynaert fut emporté par une de ses crises, le 4 mai 1930. La commune de Noisy-les-Bains lui fit de superbes funérailles relatées par le journal local.

C’était mon grand-père.

Henri Paralieu

(Source : Le Lien, bulletin des Enfants de La Stidia et Noisy-les-Bains, n° 65, mars 2015)



 

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