Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

ANLB

Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


 

JEAN COUTEILLE,

UN GRAND MAITRE D’ECOLE DE FORNAKA A LA GUERRE

Clémentine Morin avait alors 9 ans et vivait à Fornaka où elle était élève de M. Couteille avec entre autres Aimé Vuillaume, Roland Lorenzo, Nestor Schaeffer, etc.
Cet instituteur fut tué pendant la Grande guerre et voici la lettre qu’il adressait à sa classe le 20 décembre 1914 pour remercier ses élèves des lettres que ceux-ci lui avaient adressé pour Noël. Que de nobles sentiments ! Quel patriotisme ! Quelle leçon !
Les liens entre les familles de Noisy-les-Bains et celle de Fornaka étaient très forts et très nombreux ; la famille de Clémentine étant en fait établie à Noisy où elle-même se maria et vécut cette lettre trouve toute sa place ici.

Chers petits,

Laissez-moi tout d’abord vous remercier de votre délicate attention. Elle prouve simplement que vous avez conservé un bon souvenir de votre maître, et c’est pour moi la meilleure des récompenses.

Le vœu que vous avez formulé se réalisera, la France sortira glorieuse de la pénible situation, dans laquelle elle est obligée de s’engager, bien malgré elle ; tous les petits soldats français feront vaillamment leur devoir, donneront jusqu’à la dernière goutte de leur sang, dans l’unique but de repousser l’envahisseur.

Nous y arriverons soyez-en convaincus et le moment de la victoire définitive n’est peut-être pas bien éloigné.

En attendant, petits garçons, jeunes fillettes, faites aussi acte de patriotisme, vous êtes trop faibles de voler à la frontière et de faire le coup de feu, mais il est une façon bien simple pour vous de montrer que vous n’assistez pas indifférents au formidable conflit européen. Vous avez presque tous un père ou un cousin qui combattent pour l’intégrité du sol national, peut-être y en a t-il parmi vous qui ont été atteints par la perte cruelle d’un parent bien aimé.

En pensant à eux, aux souffrances et parfois aux privations de toutes sortes qu’ils sont obligés d’endurer, vous devez déjà vous imaginer vaguement ce qu’est la guerre, sous l’un de ses aspects, mais ce que vous ne pouvez vous représenter, car il faut y croire, l’avoir vu pour y croire, c’est la ruine, la dévastation, que laissent derrière elles les troupes qui ont combattu, c’est vraiment écœurant de ne voir de tous côtés que des champs ravagés, arbres déchiquetés, villages entièrement démolis comme l’aurait fait un formidable tremblement de terre, la connaissance de ces faits doit porter un peu de modération à la gaieté folle qui est le caractère de vos jeux. La plupart d’entre vous est en âge de comprendre combien est grave la situation actuelle, votre devoir à vous enfants consistera simplement dans une attitude plus réservée, avec application plus soutenue, un effort plus grand à devenir meilleur, plus affectueux envers vos parents, vos maîtres, vos maîtresses. Quand Mme Couteille me dira, les enfants deviennent plus raisonnables, ils me donnent tous les jours un peu plus de satisfaction, chacun fait de son mieux pour m’être agréable, je n’ai à faire que rarement des observations.

Alors je serai heureux d’apprendre que mes petits élèves auront compris comment ils doivent se comporter, ce sera la bonne façon de faire preuve de patriotisme, c’est d’ailleurs ce que vous m’avez envoyé, tous promis solennellement par écrit, et que je conserve précieusement, à la fois comme gage de votre affection et de vos bonnes résolutions.

Je fais ici, en combattant, mon devoir de Français, faites aussi le vôtre, enfants, en faisant tout votre possible pour former votre cœur et votre caractère à l’usage des meilleurs de vos défenseurs.

Vous m’avez donné votre parole chers petits, c’est pour moi une première satisfaction, mais je ne serai vraiment heureux que lorsque Mme Couteille m’aura affirmé que vous êtes bien dignes de l’affection et de l’estime que j’ai pour vous.

En attendant des jours meilleurs, je compte sur vous comme vous pouvez compter sur nous, et je vous embrasse affectueusement.

Votre maître toujours dévoué,

J. Couteille

Sergent Couteille

12e Régiment d’Infanterie

11ème Compagnie

Secteur postal n° 6



 

(Source: Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 22, mars 2004)


 

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