Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


 

FORNAKA

par René-Claude Durand


 

Naissance d’un village

La création du centre de colonisation de Fornaka fut décidée pour désengorger les centres de La Stidia et de Noisy-les-Bains et après décision du gouverneur général d’Algérie. Ce dernier s’appuya sur :

  • L’ordonnance du 4 octobre 1844. Cette ordonnance royale visait à favoriser l’acquisition de terres par les colons européens.
  • Dans son article 2 elle précise que les biens habous2 ne sont plus protégés par la loi musulmane et peuvent être cédés contre le versement d’une rente appelée ana.
  • L’article 3 ajoute que les propriétaires arabes devront signifier leurs titres de propriétés antérieurs à 1830 sous les trois mois au directeur des Finances, sous peine de voir leurs terres passer au domaine.
  • La loi de juin 1871 qui assimile l’Algérie à la France.

Dates importantes

Dans la chronologie des événements quelques dates sont à retenir :

  • 11/12/1887 : 58 hectares 26 ares 50 centiares sont expropriés car nécessaires à l’assiette du village. Il est prévu une cession à l’amiable avec compensation sur les terrains domaniaux.
  • 13/10/1888 : conformément aux dispositions du décret du 8 septembre 1859, les propriétaires intéressés sont admis, pendant un délai de dix jours, à s’inscrire auprès de M. l’administrateur de L’Hillil. Le présent avis est affiché à Oran, L’hillil, La Stidia, Noisy-les-Bains et dans les douars de Kedadra et des Beni-Yahi. Cette note est signée par le préfet d’Oran, Dunaigre.
  • 25/10/1888 : l’administrateur de la commune mixte de L’Hillil signale qu’il a déposé dans ses bureaux, pour y être soumis à une enquête de dix jours, le dossier concernant l’expropriation des terres nécessaires à la constitution du périmètre du centre de population européenne projeté à Fornaka.
  • 26/11/1888 : le préfet d’Oran émet l’avis qu’il y a lieu de prononcer l’expropriation pour cause d’utilité publique avec prise de possession d’urgence des terrains désignés.
  • 08/01/1889 : le gouverneur général d’Algérie publie l’arrêté décidant de la création du centre de Fornaka, centre qui dépendra de la commune mixte de L’Hillil. Il demande au préfet d’Oran de se charger de l’exécution du présent arrêté. Le 4ème bureau du gouvernement général signale au préfet d’Oran qu’il a prononcé l’arrêté d’expropriation des 515 ha. 97 a. 70 c.. Il insiste pour que le règlement des indemnités soit activé. Il ajoute que le périmètre de Fornaka devrait embrasser une superficie de 2 252 ha. 85 a. 58 c..
  • Les douars expropriés seront : Kedadra, Rouahbia, Ayacha, Hamamda, Aïtia-el-Bordj, Amaïda.

Organisation du peuplement de Fornaka

57 concessions sont accordées : 39 gratuitement, 18 vendues aux enchères.

Les conditions d’obtention d’une concession sont strictes (profession, aptitude physique, être âgé de moins de soixante ans, etc.). Il faut attester que l’on construira rapidement une maison et que l’on travaillera sa terre. Ce dernier point est important ; la concession a été retirée à certaines familles qui ne l’ont pas respecté.

Le maire du village, administrateur de la commune mixte de L’Hillil, en ce qui concerne Fornaka, transmet son avis au directeur des Domaines qui est le seul à entériner la décision finale.

De plus, trois mois après leur installation, les propriétaires doivent demander leur titre de propriété définitif.

Au début du XXe siècle un problème surgit. Les indigènes expropriés se rebellent et s’en prennent aux biens des colons. Le 20 avril 1904 ils adressent une pétition au gouverneur général : ils s’insurgent car les 500 ha. destinés à Fornaka leur ont été échangés contre seulement 90 ha., superficie insuffisante pour construire cinq douars. Ils reconnaissent aussi que le gouvernement les a aidés en creusant des puits et en traçant des chemins.

On ne peut tout de même pas dire que l’insécurité régnait, les quelques actes d’incivilité n’étant que le fait d’une minorité.

Quelques précisions :

  • Ces terrains expropriés sont constitués de terres, de pâtures ou de broussailles.
  • Chaque colon reçoit trois lots : un pour la construction de la maison et deux destinés à la culture.
  • Les artisans (forgerons, maçons, boulangers…) n’obtiennent qu’un lot.
  • Certains reçoivent des parcelles à cultiver mais, ne connaissant rien à l’agriculture, ils les abandonneront ou les vendront.

Les premiers habitants arriveront en 1891 : Albaracine, Charpiot, Gillaud, Heinrich, (Moullin-)Traffort, Clément. Ils seront suivis par d’autres les années suivantes. Tous sont nés en Oranie et habitaient auparavant à Noisy, La Stidia, Sirat, Saint-Leu.

Aucun n’arrive directement de la métropole.

Tous ces pionniers se mettront au travail et n’auront qu’un seul but, réussir. Ils courberont l’échine afin de faire de Fornaka un village prospère, surtout grâce à la viticulture et au maraîchage.

Un peu d’histoire

A la différence d’autres villages ou villes, le nom donné au village n’a pas fait débat. Fornaka fut le seul nom avancé. Mais d’où vient ce terme Fornaka ? Bien malin qui peut le dire. Impossible, malgré de nombreuses recherches, de se faire une idée précise. Une certitude : Fornaka est le nom du marais ou petit lac situé près du douar Kedadra. Ce lac est formé par une dépression de terrain dans laquelle s’emmagasinent, faute d’écoulement, les eaux de plusieurs sources dont on ne connaissait pas le débit à l’époque. Le génie a sans doute cherché à évaluer ce débit car on constatait les traces d’un tunnel destiné à rejeter les eaux du côté où se situe Debrousseville. Ce lac étant insalubre et marécageux il fut décidé de construire le centre de colonisation à près de deux kilomètres.

Etymologiquement, il n’existe aucune correspondance du mot Fornaka en arabe. Emettons une hypothèse. Ce mot vient peut-être du latin fornax, acis qui signifie four ou poterie. De très anciennes poteries ont en effet été retrouvées dans la région. Il est fort possible que des villages aient gardé les noms donnés à l’époque par les Romains. Ceux-ci ne colonisèrent pas l’Oranie, ils se contentèrent d’installer des postes militaires.

Tout autour de Fornaka, lorsque les habitants creusaient pour récupérer la terre blanche, ils trouvaient des vestiges romains et, parfois, des ossements.

Impossible d’en savoir plus sur l’histoire ancienne de Fornaka1.

Situation géographique

Fornaka est situé sur le plateau du Mostaganémois dont le sol est sableux.

A l’ouest, nous trouvons le confluent de la Macta, au confluent des oueds Sig et Habra. Cet endroit marécageux a donné lieu à d’immenses travaux d’assainissement et a favorisé aussi la propagation des maladies dont le paludisme fut la plus courante.

A l’est, le plateau calcaire de Mostaganem et l’Atlas Tellien.

Au nord, une succession de trois collines. La première, celle qui domine le village, se nomme Cherraga.

Au sud, après avoir franchi l’oued Tinn, toujours à sec l’été, nous accédons aux Monts des Béni Chougrane.

Fornaka est assis sur la pente de coteaux qui, tout en faisant barrière entre lui et la mer, le mettant à l’abri des émanations du marais de la Macta.

Fornaka, situé à mi-chemin des villes de Mostaganem et de Perrégaux (26 kms de l’une et de l’autre, est un quadrilatère parfait. Cette constitution toute militaire ne peut être dû qu’à l’armée. Effectivement, cette dernière, aidée du génie civil, a conçu les plans du village. Les militaires, avant l’installation des premiers colons, ont défriché la région : arrachage de palmiers, jujubiers et lentisques et plantation d’eucalyptus qui contribuèrent à assainir les marécages. Le reste fut l’œuvre de nos aïeux ; les terrains en friche firent place à d’importantes cultures maraîchères et de magnifiques vignobles. Mais que de sueur et de labeur ils durent y employer ! C’est sans doute cela qui nous fit tant aimer cette région car elle nous parlait, nous confiait les efforts titanesques de nos anciens. Ce village est né de la terre et n’a vécu que par elle.

Fornaka était relié à Noisy-les-Bains par une belle route, presque rectiligne, bordée d’eucalyptus plantés en 1907/1908 par M. Meunier, agent-voyer de circonscription, et M. Doumer, chef cantonnier de Noisy. Cette route que nous connaissons ne fut pas toujours carrossable et elle connut bien des vicissitudes. La commune de La Stidia, dont dépendait Fornaka vers 1895, ne possédait pas le budget nécessaire à sa réfection. Bien des réclamations furent formulées avant que ce chemin prenne la dénomination de chemin vicinal pour devenir, enfin, une voie digne de ce nom.

Implantation de Fornaka

Fornaka est une rue principale bordée de ficus avec, de chaque côté, la vie, c’est-à-dire les commerces. Quatres parallèles et plusieurs rues perpendiculaires à celles-ci. Aux deux extrémités, une place plantée d’eucalyptus. L’intérêt de ce boisement, en dehors de la fraîcheur procurée l’été, résidait dans le bénéfice qu’en tiraient les militaires qui y installaient tentes et matériels ; ils étaient non seulement protégés du soleil et des intempéries et, en même temps ils assuraient leur camouflage. Ces militaires avaient creusé un puits sur un des emplacements et y avaient installé des bassins. Sans doute les premiers habitants y lavaient-ils le linge, et les animaux s’y abreuvaient-ils.

Evolution administrative

La mairie

Fornaka ne fut érigé en commune de plein exercice qu’en 1924. De 1891, date de sa création définitive, jusqu’en 1924 il dépendit :

  • De la commune mixte de L’Hillil. C’est là que se prirent les grandes décisions concernant la création du village.
  • De la commune de La Stidia. Les impôts furent réglés à cette municipalité durant de nombreuses années. Ce n’est que le 23 avril 1895 que Fornaka fut érigé en une section indépendante.

Cependant la commune de Noisy-les-Bains aurait apprécié que Fornaka dépende d’elle car plus rapprochée géographiquement que La Stidia et mieux desservie. De plus une ligne de chemin de fer passant par Noisy et Debrousseville, non loin de Fornaka, était en projet d’édification. Alors qu’une chaîne de collines séparait Fornaka de La Stidia, notre village se situait dans la même plaine que Noisy et, une fois la route aménagée, la communication eût été bien plus facile. Enfin, nombre de colons de Noisy étaient déjà propriétaires sur le territoire du nouveau centre.

Tant que Fornaka dépendit de la commune de La Stidia son conseiller municipal fut M. Biscuit. Ce dernier, lors d’une visite de M. Etienne, député d’Oran, en avril 1910 réclama l’érection de Fornaka en commune de plein exercice. Ce vœu ne fut exaucé que le 1er avril 1924.

Le dimanche 6 avril 1924 un conseil municipal fut élu à la majorité des 75 votants. Il nomma M. Henri Brun maire, assisté de M. Albert Ramond comme adjoint. L’hôtel de ville fut construit sous cette mandature.

L’adjoint, M. Ramond, succéda à M. Brun en 1929. Il fit construire la place et l’église3 ; il emménagea rues et trottoirs ; il créa le cimetière et installa l’électricité. De plus, ses talents de sourcier lui permirent de découvrir une nappe d’eau souterraine qui irriguera toute la région. Il est vrai qu’à partir de cette époque-là l’eau ne manqua pas à Fornaka, d’où l’importance du maraîchage.

La poste

A la naissance de Fornaka le bureau de poste de La Stidia assurait la distribution du courrier. En décembre 1892, c’est-à-dire peu de temps après la création, un bureau annexe fut édifié à Fornaka. Le courrier transita alors, deux fois par jour, par Noisy.

Le premier receveur fut sans doute M. Houssard, suivi par M. Garrach. Ces deux personnes assuraient aussi la distribution du courrier.

m. Repelin acheminait le courrier entre Noisy et Fornaka avec sa diligence en même temps qu’il convoyait les passagers jusqu’à Mostaganem. Puis le courrier arriva par le train Perrégaux-Oran qui faisait un arrêt près de la ferme Sirjean, sur la route de Debrousseville, non loin du carrefour de la Macta. Mme Marie Georges le recueillait deux fois par jour tout en conduisant les passagers les passagers du train. Son moyen de locomotion ? : un break tiré par un cheval.

La communale

Dès le départ, Fornaka eut son école. Ses locaux jouxtaient la mairie. D’un côté la maternelle mixte, de l’autre la primaire de garçon. La primaire des filles se situait dans un autre lieu.

Le premier instituteur fut M. Couteille. Il tomba au champ d’honneur lors de la Grande guerre4. Une plaque commémorative était scellée au mur de l’école maternelle.

Fornaka évolua, s’agrandit, prospéra, mais il resta toujours un petit village agréable à vivre.

René-Claude Durand

1-NDLR : Pour en savoir plus sur cette période vous trouverez un complément d’information ici.

2-Les biens habous appartenaient au pouvoir religieux et étaient considérés comme intransmissibles et inaliénables.

3-NDLR : Fornaka était rattaché à la paroisse de Noisy-les-Bains dont les curés successifs ont desservi l’église de Fornaka.

4-NDLR : Vous trouverez la lettre qu’il écrivit à ses élèves ici.



 

(Sources : Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 37, décembre 2007.)



 

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