Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

ANLB

Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


 

COLMAR, OUED-AMIZOUR

par Edgar Scotti

NOTA : Les familles DURBEC, AKERMANN, JEUNEHOMME, RECORD, CARALP, BLANC, JOUBERT, DUMONT, MANDRON, MORIN citées dans cet article venaient de Noisy-les-Bains, de même que la famille DRIGEARD DESGARNIERS non citée dans cette étude.

Au début de notre ère, la région a vécu sous la « Pax Romana ». Elle était située à mi-distance entre, au nord, au bord de la mer, la « Colonia Julia Augusta Salditana », c'est-à-dire Saldae (Bougie) et un autre municipe, colonie militaire « Tubusuptu » (Tiklat), édifiée au sud-ouest, au bord de l'oued Amassine.

Saldae (Bougie) et Tiklat, voisine d'EI-Kseur, étaient situées comme Oued-Amizour, en Maurétanie, non loin de la frontière de la province romaine d'Afrique proconsulaire. Créées par l'empereur Auguste au début de notre ère, ces deux colonies militaires étaient destinées à assurer le contrôle du royaume encore indépendant de Maurétanie, royaume qui sera annexé par les Romains en 40 après J.-C.

Dans cette région montagneuse et accidentée que l'on appellera plus tard la « Kabylie des Babor » pour la distinguer de la « Kabylie du Djurdjura », l'influence romaine aura plus de mal à se développer que dans les vallées et les plaines voisines. Cependant les cartes signalent en de nombreux points des ruines romaines et la prospection archéologique a permis de retrouver d'intéressants vestiges prouvant en particulier la diffusion du christianisme dans toute la région.

Des voies romaines traversaient le pays : on a ainsi découvert des bornes milliaires qui les jalonnaient tous les 1 480 mètres, notamment celles de la voie qui reliait Sitifis (Sétif) à Saldae (Bougie) sur le littoral.

Des vestiges d'aqueduc à Toudja et des exploitations agricoles, des pressoirs à huile ont été mis au jour. Hammam Guergour, (Ad Sava) était le siège d'un évêché. On y a trouvé des vestiges d'importantes installations thermales et de nombreuses inscriptions funéraires.

Un autre évêché se trouvait à Ad Olivam, probablement Oumdadja, où subsistaient les vestiges d'une église. Preuves parmi bien d'autres de la présence romaine dans la région.

Oued-Amizour était également le siège d'un praesidium romain, mais son nom et son importance demeurent inconnus. On y a trouvé des ruines éparses, des thermes et le tombeau dit de Memnis Flavia.

La tourmente de 1871

En 1871, la « Kabylie des Babor » est violemment secouée par l'insurrection. Elle frappe surtout les familles kabyles accusées de tiédeur vis-à-vis des tribus en rébellion contre la France. Le caïd Mahmoud Ourabah a eu son bordj incendié, mis à sac ; des membres de sa famille, dont son oncle, ont été assassinés.

Ces meurtres ne seront, hélas, pas les derniers. Ils seront suivis de bien d'autres, destinés à faire payer à cette famille Ourabah l'amitié qu'elle témoigne aux colons installés au pied de cette verte colline et plus tard leur attachement aux valeurs apportées par la France.

Au cours de cette période d'autres " karouba " (famille au sens large du terme) seront éprouvées, notamment celles d’El Haoussine, de Rabah et Ahmed Katir.

D'autres familles kabyles participèrent à la création et à l'essor d'Oued-Amizour, parmi les notables il y avait les « karouba » : Ourabah, Kernou, Benabid Bourouïna, Krim, Yessaad, Amalou.

A cette époque, la région est marécageuse et insalubre.

Colmar : en souvenir du pays perdu

A la fin de cette insurrection, la décision est prise de créer un village. Quatorze familles kabyles non insurgées acceptent dans un premier temps de céder leurs parcelles. Cependant après remise en cause de cette cession, c'est par voie d`échange que les terrains les plus fertiles, trop tôt mis à la disposition du service des domaines, sont acquis pour créer dans cette vallée un « carré de bâtiments » où toutes les rues se coupent à angle droit. En effet, durant ces tractations de modestes maisons de colonisation ont été construites et il n`est plus dès lors question de modifier l`emplacement du futur village qui prend le nom de Colmar.

Construite en pierres grossièrement scellées avec la terre des fondations cette habitation était recouverte de tuiles creuses. Elle se composait de deux pièces attenant à une étable et à un petit potager pour l`approvisionnement familial en légumes.

Les premiers colons

Après le traité de Francfort du 10 mai 1871, de nombreux Alsaciens et Lorrains doivent quitter leurs villages avec de pauvres bagages. Certains s'embarquent à Dunkerque pour les États-Unis et notamment pour le Texas où l'on retrouve encore aujourd`hui à Humble près de Houston sur la N. 59, des descendants de la famille Akermann.

 

En 1872, le gouverneur général de l'Algérie décide de créer le village de Colmar pour y installer 23 familles originaires des trois départements, Moselle, Bas-Rhin, Haut-Rhin, rattachés au Reich allemand. Dans son ouvrage « Histoire d`une petite commune d'Algérie » M. Jean René Morin, dernier maire français d'Oued-Amizour évoque l'œuvre de ces colons.

« Le peuplement primitif se fit avec 23 immigrants dont les familles Scherné, Wideman, Ottenvaelter, Martz, Weis, Diss, Fehr, Durbec, Praz, Akermann, Drech, Steib, Witse, Hartmann, Brucker ; arrivèrent ensuite 56 Algériens ». Ces colons étaient en fait des Français de métropole installés depuis quelques années en Algérie, parmi lesquels nous trouvons les familles Jeunehomme, Record, Caralp, Martin.

A leur arrivée les Alsaciens sont surpris d'y revoir des cigognes. Plus tard lorsque les grands oiseaux blancs à ailes noires glottoreront, ils seront plus d'un à lever la tête vers les nids en pensant à leur village du Bas-Rhin où il y avait aussi des cigognes sur le clocher de l'église. C'est en songeant au « village perdu » qu'ils suivront la croissance des cigogneaux jusqu'à leurs premiers ébats hors du nid de branchages.

Piètre compensation cependant devant la tâche qui les attend.

Alsaciens et Lorrains annexés

Lorsque l'on suit le cheminement douloureux de ces familles il apparaît que bien peu, à leur débarquement à Philippeville ou à Bougie, déclarent accepter de s'installer dans le village en projet. Il n'y en aura que deux :

–Jean Diss né le 17 décembre 1840 à Wolscheim dans le Bas-Rhin et sa femme Eugénie Blanc, avec leurs enfants Eugène deux ans et Marie-Françoise un an, ont débarqué à Philippeville et opté le 31 mai 1872 pour Oued-Amizour.

–Charles, Louis, Victor Steib, né le 4 janvier 1846 à Reinhardsmunster et son épouse Anne-Marie Spreul arrivent en Algérie par Bougie et optent le 29 septembre 1872 pour Oued-Amizour.

En effet, entre le moment où ces Alsaciens-Lorrains arrivent dans un port du Constantinois et celui où ils entrent en possession de leur concession de nombreuses années s'écoulent. Nombreux sont ces colons qui arrivent avec une grande famille et des enfants en bas âge.

–Dillesinger ne restera pas à Oued-Amizour qu'il quitte pour Alger, tout comme Fehr-Morand qui souhaitait tout d'abord s'installer à Khenchela, et Jean-Joseph Henry.

Parmi ceux qui arrivent à Oued-Amizour :

–Jules, François Dresch et son épouse Catherine Chavanne, arrivent avec trois enfants. Ils sont accompagnés de trois membres de leur famille, Généreuse Chavanne et Marie et Pierre Goulard leurs neveux.

–François Durbec, lui ne survivra pas aux difficultés qui les accablent. Après son décès, son épouse née Marie-Louise Clémentine Akermann née à Saint-Quirin, canton de Lorquin, arrondissement de Sarrebourg, aidée de ses enfants Antoine, Joséphine et Célestine poursuit courageusement la mise en valeur du lot rural n° 134 situé en bordure de l'oued Mzai-Harrach.

Finalement, compte tenu des difficultés rencontrées pour cultiver une concession trop éloignée du village Mme Durbec se rend seule à pied à Bougie par la piste longeant la rive droite de la Soummam. Elle y rencontre le commandant de la place et lui demande l'échange de sa concession contre une autre plus proche du village. (Histoire d'une petite commune d'Algérie, par M. J.-R. Morin).

–Denis Guntz, arrive à Colmar avec son épouse Marie Fallot et leurs deux filles.

Les difficultes et aussi les échecs

Imaginons un instant le désespoir des familles contraintes de rechercher ailleurs un hâvre de paix et de tranquillité pour s'installer et travailler.

–Pierre Kreiter et son épouse Philomène Peter à la tête d'une nombreuse famille ne pourront pas se maintenir. lls seront contraints de vendre leur concession par acte passé le 5 août 1878 devant Me Crance, notaire à Bougie. Pierre Kreiter et sa femme avaient sept enfants.

–Michel Martz est né à Davendorff dans le Bas-Rhin français. Avec son épouse née Catherine Lamech et leurs quatre enfants. Ils doivent vivre sur un lot " urbain " de 6 ares 80, un lot de jardin et un lot de culture de 25 hectares qu'il faut encore défricher.

–Alsacien annexé arrivé en Algérie en novembre 1871, Jean Ottenvaelter est né le 16 Janvier 1851 à Ribeauvillé dans le Haut-Rhin. De nationalité française par suite de l'option de son père en 1873, il est marié avec Marguerite Péto, ils ont sept enfants.

–François-Joseph Scherné et son épouse Madeleine Fehr, arrivés au village en 1871 ne se verront attribuer 35 ha 99 ares et 60 centiares que le 23 juillet 1879. lls ont trois enfants. Le colon François-Joseph Scherné exploite sa concession avec son père Rémy Scherné âgé de soixante et onze ans. Victime du climat, atteint par les fièvres, François Scherné assumera cependant de 1879 à 1884 la charge de premier maire de la commune nouvellement créée. Le village prend le nom de l'oued qui coule au milieu de ce « carré de bâtiments ».

–Paul François Hamel, né le 12 décembre 1849 à Metz et sa femme Marie-Céline-Louise Férail débarquent à Bougie. Ils s'installent à Oued-Amizour avec deux jeunes enfants. lls cultivent 70 hectares dont la concession ne leur sera attribuée que le 26 août 1880.

–Jean Tholens et son épouse Carmen Gourdemann ainsi que leurs enfants Michel vingt-quatre ans et Anne seize ans, disposent de trois lots dont la superficie est voisine de 34 hectares.

–Emile Tolingher et Marie-Jeanne Bungsthaler son épouse doivent malgré les fièvres mettre en valeur une ferme isolée de Merj ou Hamma, (le marais de la fièvre) de 68 hectares, avec leurs enfants.

–Antoine Widemann est né le 1er mai 1853 à Ottmarscheim dans le Haut-Rhin avec son épouse née Madeleine Waser et leurs quatre enfants il défriche une concession de 32 hectares dont le titre définitif ne leur sera délivré que le 1er septembre 1884. Cette concession sera plus tard reprise par M. Cotte banquier à Bougie.

–Pierre Widemann et sa femme Annah Troesch ont eux aussi quatre enfants. La concession ne leur sera attribuée à titre définitif que le 4 octobre 1879. Manifestant beaucoup de courage et d'opiniâtreté dans l'adversité ces deux familles se maintiendront à Oued-Amizour et en Algérie. Leurs descendants et les habitants de ce village se souviennent encore de leurs courageux parents.

–Jacob Witse était titulaire à Oued-Amizour d'une concession de 46 hectares attribués le 3 septembre 1879.

–Bernard Léon Zésen avait pour épouse Marie Elina Fridefon. lls avaient trois enfants, Jean vingt-sept ans, Maxime dix-neuf ans et Marguerite douze ans. Leur concession de 101 hectares leur a été attribuée par acte de propriété du 22 mai 1883. Après le décès de Bernard Léon Zésen, sa veuve s'est remariée avec Bernard Lescat deuxième maire d'Oued-Amizour 1884-1888.

–Fehr Morand est né à Bettendorf (Haut-Rhin) le 29 janvier 1837, menuisier-ébéniste il doit fuir en 1870 et se réfugie à la Chapelle sous Hougement, avec son épouse et ses trois enfants. Dans la précipitation du départ ils n'emportent que quelques affaires et ... un sabre baïonnette.

A son arrivée à Philippeville, Fehr Morand souhaitait s'installer à Khenchella auprès de son frère, Blaise Dominique Fehr. N'ayant pu obtenir satisfaction, la famille Fehr-Morand arrive en 1873 à Oued-Amizour, où elle s'établit sur 32 ha 60 ca répartis comme suit :

- un lot urbain n° 5 de 00 ha 12 a 40 ca.

- un lot de jardin n° 4 de 00 ha 20 a 40 ca.

- un lot rural n° 153 de 19 ha 1 a 20 ca.

- un lot rural n° 172 de 13 ha 6 a 60 ca.

A la suite de la construction d'une maison et après la naissance à Oued-Amizour de deux autres enfants, le concessionnaire se rend compte qu'il va vers un échec Il demande un lot industriel à Seddouk pour y exercer son métier de menuisier. Cette famille n'a pu se maintenir à Oued-Amizour en dépit de l'acte de propriété délivré le 20 mai 1878.

–Joseph Weick est adjudicataire d'un lot urbain n° 58, d'un lardin représentant le lot n° 14 et d'un champ de 31 hectares. La superficle qui lui est concédée ne lui permet pas de se maintenir. Il sera déchu de ses droits. Sa concession mise aux enchères publiques au prix de 2 000 francs sera adjugée avant extinction des trois bougies à M. Honoré Bausson, régisseur comptable aux Ponts et Chaussées.

S'il parait difficile de prétendre relater toutes les difficultés rencontrées par quelques-unes des familles venues en Algérie pour reprendre leur nationalité française après la défaite de Sedan en 1871. Il ne semble par contre pas inutile de laisser des pistes permettant de retrouver les marques de leur passage à Oued-Amizour.

Leur histoire mérite en effet d'être connue. De plus, aujourd'hui éparpillés leurs lointains descendants éprouveront un jour ou l'autre le désir de connaître les conditions de leur arrivée et de leur survie à Oued-Amizour.

Ces colons, exilés d'Alsace et de Lorraine, ceux qui arrivent de métropole et d'Algérie, vont mener durant 90 ans un âpre et long combat pacifique contre la misère, la maladie, l'isolement. Ce combat acharné ils vont le mener avec comme seule arme le respect de leurs voisins kabyles, de leur foi islamique, de toutes leurs croyances et coutumes, de leurs biens, pour apporter ici à Oued-Amizour tout ce qui leur manque. En premier lieu ils apportent la lutte contre les maladies, de nouvelles cultures et de nouvelles méthodes ; I'eau ne viendra que beaucoup plus tard, le savoir par l'école et l'apprentissage d'un métier et enfin celui de l'administration publique en faisant entrer dans leurs conseils municipaux un nombre toujours plus grand de Kabyles.

Colons algériens et immigrants

C'est ainsi que l'administration civile classe tous ceux qui, anciens militaires sont restés en Algérie après leur libération, ou directement arrivés de France. On en compte un peu plus d'une cinquantaine. Nés en métropole dans leur grande majorité, certains sont en Algérie depuis plusieurs années. Ne les oublions pas, aucune plaque, dans aucune mairie ne pourra rappeler leurs efforts et leurs sacrifices.

–Arnaud Joseph né le 25 août 1829 à Piegro dans la Drôme et son épouse née Marie Couchouron et leurs cinq enfants.

–Ascensio Louis-Claude né le 28 juin 1849 à Constantine, avec sa femme et sa mère met en valeur un lot isolé sur la rive droite de l'oued Soummam.

–Auriol François et son fils de douze ans exploitent un lot de culture de 17 hectares en bordure de l'Oued Keitoun.

Blanc Antoine né en 1808 à Marseille, boulanger.

–Bachelot Joseph, son épouse, née Marie Boulard.

–Bonchalmas Pierre, son épouse Joséphine Jean et leurs enfants.

–Blancard Pierre né le 25 novembre 1834 à Condes en Italie de nationalité française. En Algérie depuis 1855. Est à Oued-Amizour depuis 1875.

–Bouchet Pierre né le 10 août 1833 à Narluy, dans la Nièvre, charpentier, avec son épouse née Louise Martin et leur fils Frédéric.

–Mme Vve Jacques Bolloré née Suppato Delphine, met en culture une ferme isolée.

–Boureau Hippolyte François, son épouse Madeleine Blanchot et leurs deux enfants. Leur concession est située au bord de l'oued Amizour et de l'oued Berdoun.

–Bourrel Paul, son épouse Rose Paloqui.

–Carrère Jean, son épouse Clémence Gauthier et leurs deux enfants.

–Clérait François, immigrant de la Sarthe, son épouse Eugénie Chevalier, leurs enfants.

–Cauzon Charles Alfred, son épouse Marie-Julie Blaincourt et leurs enfants. Ils ont mis en valeur une ferme isolée à Merdj ou Hamma.

Caralp François, avec ses quatre enfants.

–Mme Vve Conti née Lloyd Marie, met en valeur une ferme isolée située en bordure de l'oued Soummam et du chemin de Sidi-Aich à Bougie par Tabouda. Le contrat précise en outre que Mme Vve Conti assurera en personne la gestion de son lot et demeurera sur place.

–Décarte Marie, immigrant algérien.

–Duplissy Pierre, décédé à Oued-Amizour en 1889, son épouse Marie-Angelique Roux, leurs cinq enfants.

–Dupin Casimir Paul, né à Miramas le 3 mars 1838, participe avec sa femme et ses deux petites filles à la mise en valeur d'Oued-Amizour.

–Dieulot Emile Julien, son épouse Julie-Louise Blutel et leurs quatre enfants.

–Melle Fontanelle Angélique met en valeur dans le village, un lot urbaln et un lot de jardin.

–Glatignat Jean son épouse Julie Ducros et leurs deux enfants.

–Estignard Henri-Joseph, son épouse Marie-Augustine Rudelle, sa fille Rubando Louise-Antoinette dix-huit ans. Victime de calamltés agricoles successives Henri-Joseph Estignard, crée le premier vignoble de Oued-Amizour.

–Faraud François décédé à Sidi-Aïch le 14 novembre 1881 et ses deux enfants.

–Faraud Paul né le 12 janvier 1854 à Toudon (Alpes Maritimes) arrive en Algérie en 1869. I1 est mis en possession de son lot urbain le 15 juin 1880. Titre définitif délivré le 24 mai 1887.

–Favet-Biron, son épouse Marie-Julienne Biron. lls mettent tous deux en culture une ferme isolée située à Merdj ou Hamma.

–Gleizes Maurice né à Narbonne le 24 juin 1834 son épouse Marie-Antoinette Salles, leurs cinq enfants.

Jeunehomme, son épouse Pauline Louise Corbobesse, leurs quatre enfants.

Joubert Hippolyte, son épouse Joséphine Dumont, sa fille Joubert Féllcie.

–Lahoreau Désirée, veuve de M. Porchet et sa fille Porchet Camille âgée de dix-huit ans.

–Lefort Antoine, son épouse, Thomas Félicie et leurs enfants : Stella vingt-quatre ans, Marie vingt ans. Après le décès à Oued-Amizour de M. Lefort Antoine, sa veuve et ses enfants poursuivirent la mise en valeur de leur concession.

–Maingot Raymond, son épouse Juan Françoise et leurs cinq enfants.

–Maire-Amiot François-Clément, son épouse Sollinger Marie-Catherine, Cécile.

–Marguerrier Pierre-Antoine, son épouse Duplessy Joséphine Marguerite Noélie et leur fille.

–Martin Jean-François, Méja Françoise son épouse, leurs trois enfants.

–Mme Vve Massip née Mourgue Alexandrine, ses trois enfants.

–Mathieu Antoine, son épouse Nerre Marie-Marguerite et leur fille Marie-Justine dix ans.

–Masson Victor, Mme Girardin Madeleine Vve Labé sa tante.

–Mélin Jean-Claude, son épouse Frotey Julienne et leurs quatre enfants. Le relevé cadastral du lot n° 127 attribué à la famille Mélin, comporte de façon très distincte la présence du tombeau de Memnis Flavia, des citernes romaines, un ancien praesidium romain et diverses ruines.

–Migne Jean et ses quatre enfants.

–Momus Nicolas, son épouse Félicie Deyrac et leurs deux enfants.

–Monié Michel, ses deux enfants.

–Mme Vve Pescetti née Anais Murat et ses deux enfants.

–Pautard Jules, son épouse Marie Bergerasse et leurs trois enfants.

–Pautard Numa né le 16 mai 1824 ancien soldat du 5e Hussard, naufragé sur les côtes d'Afrique en 1838 son épouse Joséphine Martel et leurs trois enfants.

–Péladan EsaG, son épouse Nancy Mourgue et leurs trois enfants.

–Petit Jacques, son épouse Clothilde Roumieu.

–Pichon Auguste, son épouse Sartorio Angèle et leurs trois enfants.

–Praz Jean né à Creys et Lusignieu (Isère), son épouse Benoite Giroux et leurs quatre enfants.

–Puigségur Joseph est né le 18 décembre 1866 à Prunet dans les PyrénéesOrientales. C'est un ancien sous-officier au 75e de ligne. ll a été mis en possession le 28 novembre d'un lot à bâtir n° 14 de 11 ares et d'un lot de jardin n° 10 de 20 ares 80. Sur le lot à bâtir le concessionnaire a édifié une maison d'habitation à un étage en bonne maçonnerie avec toit de tuiles plates. Sa maison se compose de deux pièces « planchéiées » d'une cave et d'une écurie en excellente maçonnerie. Un grand hangar en assez bonne maçonnerie servant de forge, attenant à la maison d'habitation. Un puits dont la margelle est en solide maçonnerie a été creusé à côté de la maison d'habitation. Le reste du lot a été converti en jardin potager avec quelques arbres fruitiers. Le lot de jardln défriché et défoncé à la charrue française porte de la vigne. Pour tous les travaux qui précèdent les dépenses faites par le concessionnaire peuvent être évaluées à environ 3 300 francs.

Record Jean-Baptiste, son épouse Marie Mandron et leurs deux enfants.

–Sellet Georges, son épouse Victorine Jockert et leurs trois enfants.

–Terrasse Jules Emile, son épouse Juliette, Elodie Franck. En raison du décès de son époux l'acte de cession définitif d'une ferme isolée à Tabouda a été libellé en faveur de Mme Juliette Elodie Franck, veuve de Jules Emile Terrasse.

–Tremblay André, son épouse Marie-Henriette et leurs deux enfants.

–Vulmont François Désiré, titulaire d'un lot urbain et d'un lot de ja;din auxquels viendront par la suite s'ajouter, après acquisition les lots de M. Auriol.

Les colons originaires de la Confédération helvétique

Ces « Algériens » seront eux-mêmes suivis vers 1880 par d'autres familles venant de la Confédération helvétique et notamment du Valais, canton de la Suisse romande. Séduites par la beauté de cette vallée de la Soummam, dominée à l'ouest par les premiers contreforts du Djurdjura et par le majestueux djebel ToudJa dominant de sa masse la rive gauche, les familles Bornand, Buticaz, Phrunder, Tavel, Tobler ainsi que les frères Francis et Auguste Vasserot s'installent dans cette région.

Les Phrunder construisent leur maison sur une colline qu'ils nommèrent « Le Righi ».

Les frères Alfred et Auguste Tavel érigent au milieu des bâtiments de ferme une cave surmontée d'une confortable maison. Le domaine prit le nom de « Clos Faida ».

L'un de ces colons, Félix Bornand a même déjà tenté, mais sans succès de se fixer au Brésil. Ce dernier ainsi que les frères Vasserot s'installent à El-Kseur.

Cependant en raison des déboires et des difficultés rencontrées par les premiers concessionnaires, Alsaciens-Lorrains et « Algériens » une autre génération de colons apparaît et reprend à Oued-Amizour les propriétés de ces malheureux qui n'auront même pas la possibilité de retourner dans leur pays.

Une nouvelle génération de colons

Ces nouveaux colons ne sont pas sans mérites, bien au contraire. Sans disposer de moyens financiers très importants, ils sont dotés d'une excellente formation générale et technique et surtout ils ont un grand dessein, celui de mettre leur énergie, leur intelligence et leurs capitaux au service du pays.

En 1882 et à l'issue de ses études à l'lnstitut Agronomique de Paris, Andre Chouillou quitte sa Normandie natale, pour Marseille où il embarque sur un navire en partance pour Alger. Après la visite de domaines de la Mitidja dont il remarque la monotonie, il embarque sur un caboteur à destination des ports de la côte Est. A son passage à Bougie, il est à son tour séduit par la vallée de la Soummam. A Oued-Amizour, il acquiert auprès des époux Jean et Eugénie Diss le lot urbain n° 47 de 16 ares, un lot de jardin n° 34 de 20 ares et un lot rural n° 138 de 27 hectares. En association avec son camarade Carton, André Chouillou achète un petit cheptel et du matériel pour équiper cette propriété sur laquelle les époux Diss ont construit une petite maison et une écurie.

Le 15 août 1883, une charrue attelée de 16 bœufs ouvrait le premier sillon dans une parcelle du « Clos du caroubier ».

Bien qu'en arrivant en Algérie, cet ingénieur normand ne connaissait rien de la vigne, il en couvre son meilleur coteau. Quelques années plus tard la première vendange entrait dans la petite cave du « Clos du caroubier ».

D'autres colons arrivent à Oued-Amizour et rachètent leurs lots à des concessionnaires éprouvés par la maladie, ruinés par les trop faibles rendements des céréales, pour en faire de grands domaines.

En septembre 1886, plusieurs de ces malheureux proposent à M. Gilbrin, négociant parisien, la vente de leurs terres situées sur la rive droite de l'Oued Soummam. C'est ainsi que se constitue le grand domaine de « Saint-Vincent » dont la direction est confiée à André Chouillou.

Malgré la prédisposition de la vallée de la Soummam à la culture de la vigne, la région va très rapidement prévenir les risques de la monoculture en produisant des légumes, carottes, pastèques, fèves, artichauts, et en s'orientant vers l'agrumiculture. Les sols alluvionnaires profonds et frais s'y prêtant tout particulièrement. La pratique de ces cultures était en fait le plus sûr moyen d'éviter les effets de la crise viticole du début du siècle. La mévente des vins provoqua le dépôt de bilan de plusieurs grands domaines et faillit entraîner la banqueroute de nombreux établissements financiers. Compte tenu de l'ampleur de cette crise, en 1901 M. Gilbrin vend toutes ses propriétés d'Algérie et notamment le domaine de « Saint-Vincent » repris par André Chouillou. Malgré la proximité de l'oued Soummam, l'eau potable était rare à Oued-Amizour. Le dornaine de « Saint-Vincent » avait un puits. En 1887, quatre palmiers furent plantés autour de ce puissant symbole de la vie et de la famille. A Oued-Amizour, plus que dans d'autres villages d'Algérie, le brassage de ces hommes et de ces femmes chassés de leurs villages par la guerre la misère ou réunis par un généreux projet va donner à ce village son élan et sa sérénité.

Le contexte politique, économique et social

Les colons installés à Oued-Amizour sont généralement à la tête de familles ayant de nombreux enfants. Ces familles nombreuses sont l'objet des attentions du conseil général d'Alger qui, dans sa séance du 5 octobre 1898, recommande au gouverneur général « de venir en aide » à ces foyers afin de les inciter par des aides à avoir un septième enfant.

Dans le même temps, le gouvernement général décide de renoncer définitivement aux travaux d'agrandissement du centre d'Oued-Amizour en raison de l'influence politique néfaste qu'un tel projet aurait sur les populations autochtones.

Les incidences de ce projet seraient dommageables aux propriétés possédées par les familles de Si Mahmoud Ourabah, El Haoussine Ourabah et Ahmed Katir situées pour les premiers sur la rive gauche de l'Oued Amizour et pour l'autre sur la rive opposée. Ces propriétés étaient enclavées dans le périmètre de colonisation, en conséquence il n'était pas possible de les exproprier pour les répartir aux colons qui d'ailleurs ne le souhaitaient absolument pas.

Par contre la commune envisageait son extension sur le territoire de la confédération des Ouled Abd el Djebar et sur celui des Ouled Tamzalt qui lui est contigu et dont les habitants sont en constantes relations d'affaires avec les colons d'Oued-Amizour.

Oued-Amizour manque d'eau

Le 2 novembre 1895, le conseil municipal composé de M. Emile Cotte maire depuis 1888, entouré de M. Bernard Lescat adjoint et de MM. Charpentier Bouchet, Durbec, Wideman, Renaud, André Chouillou, Dugardin, Ali Ourabah examine les termes d'une nouvelle délibération à présenter au sous-préfet de Bougie pour obtenir le financement des travaux de captage des eaux de l'Affroun.

Dès 1882, depuis treize ans déjà, la municipalité inquiète de la diminution considérable du débit disponible au village faisait opérer des recherches à environ 120 mètres en amont du château d'eau, sans aucun résultat.

Les habitants se plaignaient que :

–Les lavages du linge exigeaient une dépense de savon considérable.

–L'on ne pouvait pas cuire les légumes secs.

–Les analyses révélèrent que ces eaux étaient impropres à la consommation.

–La canalisation de 0,04 m de diamètre installée en 1872 était obstruée aux 4/5e par des dépôts et champignons ferrugino-alcalins.

Un peu plus tard on trouve à six kilomètres à l'amont du village un affluent de rive droite qui ne tarit jamais. Alors que les études étaient presque terminées on s'aperçut que son eau était impropre à la consommation.

D'autres sources, celles du village d'EI-Ouan, ceile de Bourriden à 9 kilomètres et celles de Bouftouloun sont, ou trop éloignées, ou leur débit est insuffisant. Le massif de l'Affroun offre deux sources importantes sur les flancs nord et sud, mais situées à 21 kilomètres, leur captage entraînerait des frais considérables que ni le village, ni la commune mixte de la Soummam n'étaient alors en état de supporter.

Le débit de l'Aïn el Affroun aurait permis à cette époque l'alimentation des 1 755 habitants du village, des 400 têtes de gros bétail et des 1 200 moutons du village.

Il faudra attendre plusieurs dizaines d'années, les progrès des techniques de forage, avant que ces besoins essentiels soient satisfaits. Ce combat inégal s'étendra en effet sur plusieurs décennies, dans le respect rigoureux de leurs voisins kabyles, de leurs biens, de leurs cimetières et de leurs rites et coutumes.

Cependant par leur travail acharné, par leur volonté d'échange et de dialogue, ces hommes vont en très peu de temps faire d'Oued-Amizour un village accueillant avec sa rue de Verdun bordée de beaux arbres.

En guise de conclusion, nous emprunterons à M. Edouard Chouillou, l'évocation de cette belle région telle qu'il a pu la décrire dans une chronique : « L'alignement des pampres s'étirait du pied du coteau dans la plaine jusqu'aux berges de la Soummam. »

Formées d'alluvions ces berges étaient sujettes à l'érosion lors des crues qui emportèrent plusieurs hectares de belles vignes. Cependant des berges plus basses enrichies d'un limon permirent après un certain temps de récupérer les surfaces perdues et de pratiquer des cultures annuelles, pastèques ou fèves, qui avaient un bon débouché dans la population kabyle.

Il aura donc suffi de moins de quatre-vingt-dix ans à ces hommes et à ces femmes courageux pour transformer cette vallée marécageuse en plaine fertile et associer la culture française et la foi musulmane. Durant ces années, Oued-Amizour a vécu à l'ombre des minarets de ses mosquées et du clocher de son église.

Edgar Scotti

Références bibliographiques :

–M. le professeur Louis Leschi « Promenade dans le Guergour ».

–M. Jean René Morin, « Histoire d'une petite commune d'Algérie », Grande imprimerie Damrémont,100 rue Clemenceau, Constantine.

–Dr Raymond Féry « Médecin chez les Berbères » Editions de l'Atlanthrope, Versailles. –Documents historiques et conseils de M. Francis Curtes.

–Les souvenirs de M. Jean René Morin, ancien maire d'Oued-Amizour, de M. Robert Bornand d'EI-Kseur-Oued-Amizour, de M. Jacques Chouillou, administrateur civil au Gouvernement Général de l'Algérie. (Direction de l'agriculture), de M. Gérard Chouillou, de M. Edouard Chouillou.

–Dépôt des Archives d'Outre-Mer d'Aix-en-Provence, séries - M.

–Généalogie Algérie-Maroc-Tunisie, antenne de Nice pour le relevé des Alsaciens-Lorrains, placés en Algérie.

–Les souvenirs de M. Edgar Sébastien sur Oued-Amizour.

–E.-F. Gauthier, ~ « Le passé de l'Afrique du Nord », « Les siècles obscurs » 1952. Editions Payot,106 Bd Saint-Germain Paris.

–Les documents et les souvenirs de la famille Fehr-Morand.

(Source : L’Algérianiste, n° 66, juin 1994.)



 

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