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Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie



 

AVENTURE « VESPASIENNE »

par Norbert Ségalas

Encore une histoire de scooter ! Que voulez-vous, c’était notre jeunesse et nos débuts d’autonomie malgré les « événements ».

Cette fois-ci, je vais vous raconter les aventures qui nous sont arrivées avec mon cousin Roland Ségalas, dit Roly. Il avait un lambretta, scooter très fiable et bien équilibré grâce à son moteur central, il pouvait par exemple se mettre droit sur le tablier, lâcher le guidon et conduire en faisant des zigzags avec la pression de ses pieds sur le plancher, ce que je ne me serais jamais permis avec ma vespa qui, à cause de son moteur sur le côté, était un véritable « casse-gueule ».

Un jour Roly me propose d’aller à la mer. Nous voilà donc parti sur nos destriers vers La Stidia, il faisait beau, le temps était calme et doux. Nous arrivons en haut de la colline d’où nous pouvons contempler La Stidia alanguie, aux avant-postes de la grande bleue en toile de fond. Roly me fait un signe et me montre deux jeunes-filles qui se promènent tranquillement sur la route. Je pense qu’elles sont très courageuses ou très inconscientes de se promener si loin du village. Roli me dit : « On va discuter », et aussitôt il freine derrière elles. Comme je le suis d’assez près et que mes freins laissent à désirer, je le percute et lui éclate les feux arrière avec mon aile avant déjà toute cabossée. Oh, p…n ! Les filles pouffent de nous voir embarrassés avec nos engins. Roly m’engueule en râlant, ramasse les morceaux de son feu et nous retournons tout penauds à Noisy pendant que les Stidéennes se tordent.

Une autre fois, toujours avec Roly nous voilà partis pour Mosta, les deux sur ma vespa. C’est lui qui conduit et moi sur le tan-sad. Je suis un peu inquiet car il n’a pas l’habitude de mon scooter et, surtout, ne connaît pas ses faiblesses. Tout se passe bien jusqu’à Mazagran. A la sortie du village, la route, bordée de « vernis du Japons » squelettiques, descend pour remonter ensuite vers la « remonte, la bien nommée, nous sommes dans le sillage du car de Kh’mida qui nous précède d’une centaine de mètres et nous menons grand train. Soudain le car s’arrête au bas de la cuvette, le scooter à fond Roly ne ralentit pas, une voiture arrive en face, donc pas moyen de doubler le car arrêté. Je me dis : « il va freiner, il va freiner… », mais voilà, Roly à l’habitude de son engin qui a de très bons freins et fait confiance au mien qui n’en a presque pas. Le car se rapproche dangereusement, Roly se décide enfin, mais trop tard, il se met debout sur le frein, rien n’y fait, on va s’écraser dans le cul du car. C’est alors qu’il a la présence d’esprit de passer par le seul chemin possible… l’accotement. Le bas-côté est sableux, heureusement. De la porte du car sortent deux arabes en même temps qu’on arrive. « Khaou d’ji hanna », c’est comme s’ils avaient posé les pieds nus sur une plaque d’acier chauffée à blanc et, à la vitesse d’un dessin animé de Tex Avery, l’un gicle dans le fossé tandis que l’autre redisparaît dans le car.

Juste avant la porte, le scooter s’est immobilisé d’un seul coup, bloqué par la roue avant qui s’est mise de travers dans le sable. Nous soufflons profondément, les arabes n’osent même pas nous engueuler en voyant la tête qu’on fait. Roly a compris et le retour s’est passé beaucoup plus sereinement. Depuis cette aventure je me suis toujours dit que « dans la vie, avec tous les outils et engins qui font parti de notre quotidien, il faut faire confiance mais prudemment ».

Nobert Ségalas


 

(Source : Le lien, bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy-les-bains, n° 53, décembre 2011)



 

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