Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

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LES DEBUTS DU CHEMIN DE FER EN ALGERIE

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La gare de Noisy-La Stidia construite en 1909

La première ligne de chemin de fer en Algérie remonte en 1859. En effet dès 1853, la société Civile des Mines et Hauts-Fourneaux des Karezas, qui deviendra en 1864 1a Compagnie des Minerais de Fer magnétiques de Mokta-el-Hadid, étudia un chemin de fer de 11 km de long, partant des mines des Karezas pour aboutir à La Seybouse, faubourg de Bône. La construction fut assez longue et le service, uniquement minier, débuta le 1er septembre 1859. C'était effectivement le premier chemin de fer de l'Algérie et, soulignons-le, il était à voie métrique, c'est à dire à l'écartement d'un mètre. La ligne fut prolongée en 1863 jusqu'aux mines de Aïn-Mokra, et en 1867 jusqu'au port de Bône. Sa longueur était alors de 32,5 km. Elle fut ouverte au service public en 1885 et prolongée en 1905 jusqu'à Saint-Charles (sur la ligne Constantine-Philippeville). Sa longueur était ainsi portée à 97 km. Elle fut rachetée par l'Etat en 1926 et rattachée au réseau des Chemins de Fer Algériens de l'Etat, les CFAE.

De 1948 à 1952, la ligne fut mise à voie normale, tout en étant assez largement reconstruite puisque seuls les 32,5 km de l'ancienne ligne à voie métrique de Bône à Aïn-Mokra furent utilisés. La nouvelle ligne entra en service le 1er janvier 1953. Or, en novembre 1957, le tronçon Oued-Zenati/Guelma de l'ancienne ligne directe Tunis/Constantine fut presque entièrement détruit par des inondations et il ne fut jamais reconstruit. Par suite, depuis cette date, la ligne de Bône à Saint-Charles est devenue partie intégrante de la grande ligne du Maghreb Tunis/Casablanca, donc presque un siècle après la création de son premier tronçon. Mettons à part cette ligne qui, initialement, était uniquement minière. Alors, la première compagnie ferroviaire proprement dite de l'Algérie fut la Compagnie des Chemins de Fer Algériens (sans aucun rapport avec la société puis l'office d'exploitation qui reprendront la même dénomination successivement en 1898 et en 1939). Cette compagnie obtint en 1860 la concession de trois lignes à voie normale : Alger/Blida, Oran/Saint-Denis-du-Sig et Constantine/Philippeville.

La première ouverte fut Alger/Blida, le 8 septembre 1862, ceci pour une raison bien simple. L'armée avait commencé les travaux dès 1859, mais la compagnie n'ayant pu réunir la totalité des fonds propres nécessaires, fut déchue quelques semaines plus tard à la fin de 1862.

Le gouvernement du Second Empire proposa alors au PLM de prendre la suite, en lui faisant valoir que l'Algérie était le prolongement naturel de son territoire métropolitain. En fait, le gouvernement ayant tranché en faveur du PLM dans la lutte qui l'avait opposé au Midi pour la célèbre histoire de la ligne directe Sète-Marseille, il entendait bien obtenir un gage en contrepartie. Aussi, le PLM, qui n'était pas demandeur au départ, finit par accepter en faisant valoir à ses actionnaires que les lignes d'Algérie, très probablement déficitaires, ne pouvaient qu'apporter un supplément de trafic fort substantiel à son réseau métropolitain. En conséquence, dès 1863, le PLM reçut la concession de la ligne Alger/Oran (et non plus seulement de ses deux extrémités à partir d'Alger et d'Oran) et de la ligne Constantine/Philippeville. Les travaux nécessaires furent très longs et, à la chute du Second Empire le 4 septembre 1870, seule la deuxième ligne venait d'être ouverte le 1er septembre.
Sur la première, il manquait encore un tronçon central de 29 km entre Bou-Medfa et Affreville, section la plus montagneuse comportant entre autres le tunnel dit de l'Atlas qui, avec ses 2 312 m, est resté le plus long de l'Algérie. La ligne fut finalement ouverte en totalité le 1er mai 1871, en pleine Commune !

En conclusion, au lendemain de la guerre de 1870, les chemins de fer en Algérie comportaient deux lignes à voie normale exploitées par le PLM : Alger/Oran, soit 421 km, et Constantine/Philippeville, soit 87 km, plus une ligne minière à voie métrique Bône/Aïn-Mokra, soit 32 km.

La Troisième République

Pour la poursuite de la construction du chemin de fer en Algérie, la Troisième République naissante prend le temps de la réflexion, c'est-à-dire ne fait rien. Mais le gouvernement général de l'Algérie ne l'entend pas ainsi, car il veut continuer son réseau. Il va alors profiter d'un décret du 7 mai 1874 qui étend aux départements d'Algérie la possibilité qu'ont les départements métropolitains de concéder des chemins de fer d'intérêt local. C'est dans ces conditions que le PLM se trouve évincé, le monopole de fait que lui avait concédé le Second Empire tombant à l'eau. Ainsi, pendant plus de 50 ans, le PLM ne va exploiter en Algérie que les deux lignes qui lui avaient été concédées antérieurement à 1870, ces deux lignes étant séparées par 453 km de Maison-Carrée à Constantine. Très rapidement, trois compagnies obtiennent des concessions au titre de l'intérêt local. Sommairement et en première étape, ces trois compagnies vont construire des réseaux à voie normale : l'Ouest-Algérien à l'ouest d'Alger, l'Est-Algérien entre Alger et Constantine, et le Bône-Guelma, filiale de la Société de Construction des Batignolles, à l'est de Constantine, en liaison avec les concessions que cette dernière obtiendra en Tunisie à partir de 1877. Mais, très curieusement, l'Etat octroie en 1874 une concession d'intérêt général à la Compagnie Franco-Algérienne pour une ligne allant d'Arzew à Saïda et coupant ainsi à Perregaux la ligne du PLM Oran-Alger. De plus, et nous l'avons dit en commençant, ce fut longtemps une énigme historique, car l'écartement retenu pour cette ligne à voie métrique était de 1,055 m. Les chapitres suivants seront l'occasion de poursuivre l'histoire du chemin de fer en Algérie après 1875.

LES CHEMINS DE FER A VOIE DE 1,055 METRE

 Pour bien comprendre ce qui va suivre, un assez long détour est nécessaire. Sous le Second Empire, le PO était propriétaire en régie des usines d'Aubin, dans le bassin de Decazeville, et était concessionnaire d'une mine de fer à Mondalazac, dans l'Aveyron, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Rodez. Pour faciliter le transport du minerai de la mine à l'usine, le PO construisit en 1861 une très courte ligne de 7 km, allant de Mondalazac à Salles-la-Source, avant-dernière gare précédant Rodez sur la ligne venant de Capdenac. Cette petite ligne était à l'écartement de 1,100 m pour une raison restée inconnue. Tout au plus peut-on supposer qu'il s'agissait de l'adaptation aux normes françaises du fameux écartement anglais de 3 pieds 6 pouces, car 1,067 m (exactement 1,0668) est plus près de 1,10 m que de 1 mètre. Après un début d'exploitation par chevaux, le PO commanda en 1863 aux Etablissements Gouin deux locomotives du type 020T qui entrèrent en service en 1864. Ce fut un grand succès, dont le retentissement dépassa largement l'Aveyron. La ligne resta minière, bien qu'il ait été un moment envisagé de l'ouvrir au transport de voyageurs en portant son écartement à 1,200 m. Non seulement ce projet ne fut jamais réalisé, mais en 1882 le PO se déchargea de ses intérêts, tant à Aubin qu'à Mondalazac, et la ligne fut alors définitivement fermée. Or, à partir de 1860, tout le monde en France se préoccupe de compléter le réseau ferré national par des lignes secondaires qui seront dites successivement économiques puis vicinales. Mais les avis des experts divergent. Pour beaucoup, il faut suivre l'exemple de la compagnie de l'Est qui a créé en Alsace un certain nombre de lignes secondaires à voie normale, lignes qui lui donnent toute satisfaction. En revanche, pour d'autres, s'appuyant sur l'expérience du PO à Mondalazac, c'est la voie métrique qu'il faut retenir. La loi du 12 juillet 1865 tranche en faveur des premiers, puisqu'elle impose la voie normale. Malgré les réductions de coût en faveur de la voie métrique, ce sont les problèmes de transbordement de la voie métrique à la voie normale qui ont fait pencher la balance. Après la guerre de 1870, un changement d'esprit va se faire progressivement et, à partir de 1875, les réalisations de lignes à voie métrique, donc à voie de 1 mètre vont se multiplier en France métropolitaine.

Revenons à l'Algérie de 1874. Nous avons vu que la première concession par l'Etat d'une ligne d'intérêt général est octroyée à la Compagnie Franco-Algérienne pour une ligne de 175 km d'Arzew à Saïda. Or, cette concession est accompagnée d'un privilège d'exploitation de 300 000 hectares d'alfa dans la région des hauts plateaux entourant Saïda. Il s'agit alors d'assurer le transport de cet alfa jusqu'au port le plus proche qui est bien Arzew. L'Etat estime que, par suite du trafic prévu, la voie métrique s'impose, et ce d'autant plus qu'il n'y aura pas de problèmes de transbordement. Or, à cette époque-là, le seul exemple valable est bien celui de la ligne PO de Mondalazac à Salles-la-Source. L'écartement de 1,10 m est donc retenu en conséquence. Mais le « technocrate » chargé de rédiger le cahier des charges correspondant était manifestement peu au fait des problèmes ferroviaires. En effet, au lieu de fixer 1,100 m comme distance entre les faces internes des deux rails, ce qui a toujours été la règle imposée par le bon sens, il fixe 1,100 m comme distance entre les axes des deux files de rail ! Par suite, l'écartement au sens traditionnel se trouve réduit à 1,055 m. Telle est donc l'origine de ce fameux écartement qui avait si longtemps intrigué les historiens ferroviaires. Rappelons qu'avant que l'explication ci-dessus ne voie le jour (transcription erronée d'un écartement de 1,100 m), les hypothèses les plus diverses, voire les plus farfelues, ont été émises. La plus répandue était une référence aux 3 pieds 6 pouces anglais (voir ci-dessus), mais les lignes africaines à cet écartement se trouvaient beaucoup plus au sud, à des milliers de kilomètres de l'Algérie. Si néanmoins on avait essayé le passage d'un matériel donné d'un écartement à un autre, la différence entre 1,067 m et 1,055 m aurait été suffisante pour provoquer immédiatement un déraillement. Et pourtant, cette bévue d'un technocrate incompétent va être à l'origine d'un nombre très important de lignes construites à cet écartement de 1,055 m en Algérie, dans les départements d'Oran puis d'Alger et leurs territoires du sud adjacents. Toutefois, le département de Constantine l'ignorera en restant fidèle à la voie d'un mètre d'Aïn-Mokra. C'est ainsi que, comme nous allons le voir, le réseau algérien à voie de 1,055 m atteindra une longueur supérieure à 2 200 km, soit nettement plus que celui à voie normale construit à la même époque, celui à voie d'un mètre étant environ la moitié avec 1 100 km.

La C.Franco-Algérienne et le réseau oranais

Nous venons de voir qu'en 1874 la Compagnie Franco-Algérienne a obtenu la concession de la ligne à voie de 1,055 m, longue de 175 km, Arzew/Saïda. En 1879, cette ligne est ouverte à tous les trafics, donc pas seulement alfatiers. Quelques mois auparavant, la Franco-Algérienne (FA) a obtenu la concession d'un embranchement Tizi/Mascara, long de 12 km, et d'une deuxième ligne allant du port de Mostaganem à Tiaret via Relizane, où elle doit croiser la ligne PLM Oran-Alger, Uzès-Ie-Duc et Prévost-Paradol, et cette ligne a 202 km de long. Tiaret se trouve à l'entrée du plateau du Sersou, plateau fertile considéré comme étant l'un de greniers à blé de l'Algérie, par suite, le trafic prévu pour cette deuxième ligne doit être essentiellement agricole. Telle est l'origine de ce que l'on a appelé le réseau oranais, avec ses trois lignes, Tizi/Mascara étant l'origine de la troisième. Mais, après ce départ très simple, l'histoire de ce réseau est particulièrement complexe, les concessionnaires, comme d'ailleurs les constructeurs, vont s'y succéder. Dès 1881, des troubles dans le sud-oranais vont modifier le programme prévu. Tizi/Mascara et la deuxième ligne sont ajournées au profit du prolongement, littéralement en catastrophe, de la ligne Arzew/Saïda jusqu'à Méchéria. L'armée le construit par tous les moyens, y compris l'emploi d'une main-d'œuvre composée pour moitié de détenus transférés de la métropole et travaillant boulet aux pieds. Aussi est-il ouvert par étapes très rapidement de juin 1881 à avril 1882. Toutefois, la FA ne peut exploiter elle-même en première étape que le tronçon Saïda/Kralfallah (43 km), la suite (137 km) relevant de la seule armée. Ensuite, la ligne nouvelle est ouverte au trafic civil jusqu'à Modzbah en 1883 et enfin jusqu'à Méchéria en 1885. C'est à cette époque qu'est ouvert l'embranchement Modzbah/Marhoum (35 km) pour desservir la partie ouest de la « mer d'alfa ». Par ailleurs, Tizi/Mascara est ouvert en 1886. Cet intermède militaire n'a pas arrangé la situation de la CFA pour laquelle le transport de l'alfa s'avère beaucoup moins lucratif que prévu. Quant à l'armée, imperturbable, elle continue à construire la ligne toujours plus au sud, maintenant en plein désert, et Aïn-Sefra, à 102 km de Méchéria, est atteint en 1887.

Entre l'armée, le désert et l'alfa, la Franco-Algérienne ne s'en tire plus. Aussi sous-traite-t-elle à la Compagnie des Chemins de Fer Départementaux, les CFD, la construction de la première section de la deuxième ligne, de Mostaganem à Relizane, section ouverte en mai 1888. Les CFD se retirent alors sans avoir pu recouvrer la totalité de leurs créances ; ce guêpier sera en définitive leur seule expérience africaine.

A bout de souffle en 1888, la Franco-Algérienne donne son réseau en affermage pour cinq ans à son voisin l'Ouest-Algérien. L'Ouest-Algérien commence par terminer Relizane/Tiaret, ouvert en 1889. Déclarée en faillite en 1890, la FA survit grâce à un concordat et elle récupère son réseau à l'issue des cinq ans, donc en 1893. Son activité essentielle est alors de réclamer le rachat de sa concession, ce qu'elle obtient en 1900. Le réseau de la FA devient le réseau oranais de l'Etat, rattaché directement à l'administration métropolitaine. C'était ainsi le début d'une politique qui allait conduire au rachat des quatre autres réseaux concessionnaires : l'Est-Algérien en 1908, le Bône/Guelma en 1915, l'Ouest-Algérien et le PLM , en 1921. Notons dès maintenant que c'est en 1912 seulement que la métropole allait se défausser de son réseau algérien au profit du gouvernement général de l'Algérie, qui créait en conséquence les Chemins de Fer Algériens de l'Etat, les CFAE, qui seront donc dorénavant entièrement distincts du réseau des chemins de fer de l'Etat de la métropole.

Revenons à la fin du XIXème siècle. Le dénommé Lartigue est resté célèbre comme inventeur d'un monorail qui ne connut jamais aucun succès. Après de nombreux échecs en métropole, Lartigue s'était tourné vers l'Algérie et avait réussi à intéresser le département d'Oran. Ce dernier eut l'idée de construire une ligne expérimentale sur les hauts plateaux, et ce fut un nouvel échec, car les bergers s'empressèrent de démonter des tronçons entiers de la ligne qui faisait obstacle au libre passage de leurs troupeaux. Pour dédommager Lartigue, le département d'Oran lui accorda en 1898 la concession d'une ligne de 42 km entre Oran et Damesne, à 5 km d'Arzew sur la ligne de Saïda. Lartigue créa à cet effet la Société des Chemins de Fer d'Algérie (à ne pas confondre avec la compagnie du même nom qui avait disparu bien avant 1870). Ce fut encore un échec et le département d'Oran dut achever lui-même la construction de la ligne et l'exploiter en régie à son ouverture en 1900, car la concession était bien d'intérêt local puisque venant d'un département. La ligne est tout de suite intégrée dans le réseau oranais de l'Etat, qui l'exploite ainsi pour le compte d'un département, situation ubuesque qui va durer jusqu'en 1908, année au cours de laquelle la ligne est classée d'intérêt général et rachetée par l'Etat. Signalons au passage une ligne industrielle éphémère et embranchée sur la précédente. En 1905, la Société Minière Franco-Africaine reprend l'exploitation des mines de fer de Kristel et construit un embranchement particulier de 9 km à voie de 1,055 m de la mine à la gare de Saint-Cloud, entre Oran et Damesme. Cependant, la mine et la ligne sont abandonnées dès 1914. Pour en terminer avec ce secteur d'Arzew, il faut mentionner l'existence d'une ligne de 15 km reliant le port aux salines d'Arzew, ligne exploitée par ces dernières et dont l'ouverture semble remonter à la fin du XIXème siècle. Pendant le développement de ces péripéties administratives et financières, l'armée n'est pas restée inactive. Par étapes, à partir de 1901, la ligne initiale est prolongée dans le sud jusqu'à Colomb-Béchar, atteint en 1906, à 749 km d'Oran. La ligne Oran/Colomb-Béchar comporte trois embranchements publics : Damesne/Arzew, Tizi/Mascara et Modzbah/Marhoum, plus les deux embranchements industriels que nous venons de signaler : mines de Kristel et salines d'Arzew. C'est aussi la première ligne algérienne de pénétration au Sahara.        

Son rôle, en dehors de l'alfa, est presque exclusivement militaire. Elle assure en effet la couverture de la frontière entre l'Algérie et le Maroc encore indépendant. Aussi, en certains points, elle longe la frontière. C'est ainsi que dans les oasis de Figuig, la France obligea le Maroc à reculer cette frontière de quelques dizaines de mètres pour que la ligne, déjà construite, reste intégralement en territoire algérien. Mais les deux premières lignes du réseau oranais n'allaient pas rester longtemps séparées l'une de l'autre. En effet, en 1908, est ouvert un embranchement de La Macta (entre Arzew et Perrégaux) à Mostaganem, où il rejoint la ligne du Sersou à 6 km de son origine, située au port même de Mostaganem. Cet embranchement de 30 km de long fut construit par le département d'Oran et, par suite, ce fut la seconde ligne d'intérêt local exploitée par le réseau oranais de l'Etat, et ceci jusqu'à son classement d'intérêt général et son rachat par l'Etat en 1915 seulement. A leur création en 1912, les CFAE exploitent à l'est l'ancien réseau de l'Est-Algérien, en partie à voie normale et en partie à voie métrique, mais de 1 mètre comme nous le verrons, et à l'ouest le réseau oranais de l'Etat à voie de 1,055 m. Embranchements exclus, son réseau de l'ouest comporte les deux lignes Oran/Colomb-Béchar et Oran/Tiaret, en tronc commun jusqu'à La Macta, mais ce réseau doit être repris par endroits et surtout complété. Bien entendu, la guerre de 14 arrête tout, à deux exceptions près toutefois. La première consiste à reprendre d'urgence la seconde ligne entre Relizane et Uzès-Ie-Duc, car elle est coupée sans cesse par les crues de l'Oued Mina. Il est prévu à sa place un tracé direct de Relizane à Prévost-Paradol (donc entre Uzès-Ie-Duc et Tiaret). Ce nouveau tracé est bien ouvert en 1916 de Relizane à Zemora, sur 22 km, mais la seconde partie, la plus longue, puisqu'il y a 59 km de Zemora à Prévost-Paradol, ne sera finalement ouverte qu'en 1925. La seconde exception est consécutive à la découverte en pleine guerre d'un gisement minier important à Kenadza, véritable miracle pour l'Algérie qui jusque-là ne possédait pas la moindre mine de charbon. La ligne d'Oran est alors prolongée sur 22 km de Colomb-Béchar à Kenadza, ceci en 1921. Notons au passage qu'ultérieurement, un second gisement de charbon sera découvert à Béchar-Djedid au sud de Colomb-Béchar, il sera relié à cette dernière gare par un embranchement de 15 km de long.

Un bouleversement très important va modifier complètement en 1921 l'organisation des chemins de fer algériens mais, une fois n'est pas coutume, il ne concerne pas le réseau oranais de l'Etat. En effet, 1921 est l'année du rachat par l'Etat des deux derniers réseaux restés indépendants : l'Ouest-Algérien et le PLM. On profite de l'occasion pour regrouper en deux réseaux l'ensemble ferroviaire algérien. A l'ouest d'Alger, le PLM reçoit en affermage son ex-ligne Alger-Oran et le réseau de l'Ouest-Algérien ; à l'est d'Alger, les CFAE reçoivent l'ancienne ligne PLM Constantine/Philippeville et gardent les réseaux issus de l'Est-Algérien et du Bône/Guelma. Les lignes départementales restent provisoirement en dehors de ce partage, très simple géographiquement s'il ne comportait une exception de taille : le réseau oranais de l'Etat, bien qu'entièrement situé dans le nouveau domaine du PLM, reste néanmoins rattaché aux CFAE. A propos de l'embranchement Tizi/Mascara, nous avons parlé d'une troisième ligne du réseau oranais. Effectivement, avant la guerre de 14, ce qu'il est convenu d'appeler le programme de 1907 avait prévu la construction d'une rocade allant de Sidi-Bel-Abbès, au sud d'Oran sur la ligne de l'Ouest Algérien, à Bouïra à l'est d'Alger, sur la ligne principale de l'Est-Algérien. Commencée à la fin de la guerre, elle sera construite si lentement qu'elle ne sera jamais terminée. Le tronçon ouest Sidi-Bel-Abbès/Tizi, de 83 km, est ouvert à ses deux extrémités dès 1919, mais sa partie centrale, de Mercier-Lacombe à Moulin-Carnot, ne le sera qu'en 1926. On retrouve ensuite le vieil embranchement de 1886, Tizi/Mascara. Puis, toujours vers l'est, le tronçon de 65 km Mascara/Uzès-Ie-Duc est ouvert en 1927. On retrouve ainsi jusqu'à Tiaret l'ancienne ligne venant de Mostaganem. Cette ligne est alors prolongée en 1926 sur 25 km jusqu'à Trumelet. A partir de Trumelet, l'armée avait construit en 1921 (?) une ligne à voie de 60, en récupérant du matériel venant des chemins de fer militaires du Maroc, ligne allant jusqu'à Hardy, à 95 km. Et l'on en resta-là, sous la réserve suivante : en 1942, les 21 premiers kilomètres de cette ligne à voie de 60, de Trumelet à Burdeau, sont reconstruits à voie de 1,055 m. Donc, si le chemin de fer était allé jusqu'à Hardy, le véritable terminus de la troisième ligne du réseau oranais de l'Etat à voie de 1,055 m était bien Burdeau. Au-delà de Hardy, la rocade projetée aurait dû retrouver à Boghari la ligne Blida/Djelfa que nous étudierons au paragraphe suivant, ligne elle aussi à voie de 1,055 m. La rocade était en tronc commun avec cette ligne jusqu'à Berrouaghia, donc en remontant vers le nord en direction de Blida. Un dernier tronçon aurait dû joindre Berrouaghia à Aïn-Bessens où l'on retrouvait la ligne Bouïra/Aumale, elle aussi à voie de 1,055 m, ligne des CFRA, réseau que nous étudierons ensuite. La durée de vie de la partie construite de cette troisième ligne fut, sauf exceptions, particulièrement courte. Effectivement, les mesures de coordination rail-route ont amené la fermeture en 1938 des sections Sidi-Bel-Abbès/Tizi et Mascara/Uzès- le-Duc. L'adoption du nouveau tracé de la deuxième ligne par Zemmora a également amené la fermeture de Relizane/Uzès-le-Duc et aussi de Uzès-Ie-Duc/Prévost-Paradol, repassé à la troisième ligne. La mise à voie de 1,055 m de Trumelet/Burdeau a amené la fermeture du secteur resté à voie de 60, Burdeau/Hardy. En 1959, donc pendant ce qui ne s'appelle pas officiellement la guerre d'Algérie, la partie du réseau oranais au nord de la ligne Oran/Alger a été profondément remaniée. Les lignes d'Arzew et Mostaganem à La Macta et Perrégaux ont été mises à voie normale, tandis que les lignes Oran/Damesne et Mostaganem/Relizane étaient abandonnées. Il semblerait de plus que l'embranchement alfatier Modzbah/Marhoun ait été abandonné depuis la seconde guerre mondiale, comme probablement la ligne privée des salines d'Arzew. En conséquence, de ce grand réseau oranais à voie de 1,055 m, il reste la ligne Perrégaux/Colomb-Béchar, la ligne Relizane/Zemmora/Burdeau, l'embranchement Tizi/Mascara, et probablement les deux embranchements miniers de Colomb-Béchar à Kenadza et à Béchar-Djedid. Cependant, le nouvel état algérien a un grand projet. Pour lui aussi, il s'agit de construire une grande rocade ferroviaire ouest-est, mais cette fois-ci à voie normale. Or, il est curieux de constater que dans sa partie ouest, le tracé de cette nouvelle rocade suit, à peu de choses près, le tracé de la partie construite de la troisième ligne du réseau oranais, donc de Sidi-Bel-Abbès à Burdeau. voire même Hardy. Au-delà, le tracé prévu passe nettement plus au sud et va beaucoup plus loin vers l'est puisque jusqu'à Tébessa, ceci via Aïn-Oussera (sur la ligne Blida/Djelfa), Bou-Saada, la célèbre oasis pour touristes, dans un premier projet, ou M'Sila dans un second, Aïn-Touta (sur la ligne Batna/Biskra) el-Khenchala (que nous retrouverons pour la voie de 1 mètre).
A notre connaissance, actuellement un seul tronçon a été commencé par un groupe indien à partir de Aïn-Touta en direction de M'Sila. En revanche, il semble que la voie de 1,055 m n'ait pas dit son dernier mot et qu'un embranchement industriel à cet écartement ait été construit au dépar1 de Saïda en 1983.

En conclusion de cette histoire mouvementée, il a paru utile de récapituler les lignes à voie de 1,055 m construites au titre du réseau oranais. Première ligne : Oran/Colomb-Béchar (749 km), Arzew/Damesne (5 km) , Saint-Cloud/Kristel (9 km), Salines d'Arzew (15 km), Modzbah-Marhoun (35 km), Colomb-Béchar/Kenadza (22 km), Colomb-Béchar/Béchar-Djedid (15 km).

Deuxième ligne : La Macta/Uzès-le-Duc (146 km), Mostaganem/Mostaganem-Marine (6 km), Relizane/Zemmora/Prévost-Paradol (81 km). Troisième ligne : Sidi-Bel-Abbès/Burdeau (292 km). Soit un total de 1 375 km, c'est dire l'importance du réseau oranais de l'Etat.

La ligne Blida/Djelfa

Rappelons qu'au début de la Troisième République la construction des chemins de fer en Algérie se fait de manière anarchique. Très rapidement, il apparaît nécessaire d'effectuer une remise en ordre. Ainsi une loi de 1879 reclasse d'intérêt général les concessions accordées en 1874 au titre de l'intérêt local, c'est-à-dire en fait les premières concessions de l'Ouest-Algérien et de l'Est-Algérien, le reclassement ayant été effectué dès 1877 pour celles du Bône/Guelma. Mais surtout cette loi définit le réseau à construire en première urgence qui, outre un axe traversant l'Algérie de la frontière marocaine à la frontière tunisienne, comprend un certain nombre d'embranchements sur cette ligne principale. Pour la ligne Blida/Djelfa, commençons par préciser que son histoire fut relativement simple, surtout si on la compare à celle du réseau oranais de l'Etat. En revanche, sa genèse fut non seulement complexe mais soulève un certain nombre d'énigmes qui, encore de nos jours, ne sont que très partiellement résolues. Au départ, le programme de 1879 comportait, entre autres, une rocade destinée à éviter Alger et reliant, via Berrouaghia, Miliana sur la ligne PLM Alger/Oran au niveau du tunnel de l'Atlas, à Bouïra, déjà citée, sur la ligne alors en construction Maison-Carrée/Constantine de l'Est-Algérien. Cette rocade, naturellement à voie normale, parut d'intérêt discutable et ne fut jamais construite. Très vite, il apparut aux gens d'Alger qu'il serait plus intéressant pour eux d'avoir une ligne Blida/Berrouaghia qui desservirait le sud de leur département, alors sans chemin de fer ; et qui pourrait être l'amorce d'une ligne de pénétration dans le Sahara, en imitation de ce qui se passait en Oranie avec la ligne de Saïda et en Constantinois avec celle de Biskra. Cette ligne devait desservir au passage Médéa, importante sous-préfecture qui était tout à la fois une station climatique appréciée des Algérois, par son altitude à plus de 900 mètres, et une garnison notable avec le 1er spahis.

Finalement, la concession pour une ligne Blida/Berrouaghia est accordée en 1886 et, compte tenu des précisions que nous venons de donner, il est tout naturel que cette concession concerne une voie métrique. Mais, tout de suite, deux questions s'imposent : Pourquoi cette concession est-elle octroyée à l'Ouest Algérien et pourquoi l'écartement retenu est-il celui de 1,055 m ?

Il est important d'essayer d'y répondre avec précision, car ce double choix (Ouest-Algérien et voie de 1,055 m) est à l'origine du développement à travers l'Algérie du réseau à voie de 1 ,055 m, limité jusque-là au sud oranais.             

On serait tout d'abord tenté de répondre simplement de la façon suivante. A cette époque, la ligne Alger/Oran du PLM reçoit à Maison- Carrée, à 11 km d'Alger, la ligne de l'Est-Algérien venant de Constantine et alors en cours d'achèvement, et à Sainte-Barbe-du-Tlelat, à 24 km d'Oran, la ligne de l'Ouest-Algérien venant de Crampel via Sidi-Bel-Abbès. Entre ces deux gares extrêmes, la ligne du PLM croise respectivement à Relizane et Perrégaux les deux lignes construites du réseau oranais et exploitées à ce moment-là par l'Ouest-Algérien au lieu et place de la Franco-Algérienne défaillante. Il semblerait en résulter que, tout naturellement, une troisième ligne à voie métrique, celle s'embranchant à Blida, soit concédée à l'Ouest-Algérien (malgré l'éloignement du réseau de celui-ci) et construite à voie de 1,055 m. Malheureusement, si l'on regarde les dates d'un peu plus près, cette explication tombe à l'eau. En effet, la reprise du réseau oranais par l'Ouest-Algérien est de 1888 seulement, alors que la concession de Blida/Berrouaghia est de 1886, donc antérieure de deux ans. Il faut manifestement aller chercher ailleurs les réponses aux deux questions posées.

En fait, la première constatation qui s'impose est la suivante : pour une ligne classée d'intérêt général, il n'est pas question de continuer les erreurs de 1874 en cherchant un nouveau concessionnaire. Il faut alors choisir parmi ceux qui existent. Puisque la ligne à construire part de Blida, sur la ligne Alger/Oran, le concessionnaire naturel serait le PLM. Or, à la fin du XIXème siècle, le PLM n'est pas en odeur de sainteté en Algérie, et c'est le moins que l'on puisse dire. On lui reprochait, avec juste raison, son matériel roulant, tant de traction que remorqué, usé jusqu'à la corde, car il venait trop souvent terminer en Algérie une carrière déjà longue en métropole, et le transfert avait lieu lorsqu'il y devenait inutilisable. De plus, les trains étaient à la fois très rares et très lents. Les gens d'Algérie, lorsqu'ils avaient l'occasion de faire un séjour en métropole, en revenaient indignés, ayant pu comparer le PLM métropolitain, qui était parmi les tout premiers réseaux français, au lamentable PLM Algérien.

Le PLM étant exclu, deux autres solutions se présentaient naturellement : prendre comme concessionnaire ou l'Est-Algérien ou l'Ouest-Algérien. Certes, l'Est-Algérien présentait sur l'Ouest-Algérien l'avantage d'être beaucoup plus près, car Blida est à 40 km de Maison- Carrée et à 343 km de Sainte-Barbe-du-Tlelat. En contrepartie, l'Est-Algérien est, dès ce moment-là, en situation financière difficile et, surtout, ses rapports avec les autorités d'Alger sont mauvais car, tant pour le matériel roulant que pour l'exploitation, sa politique est trop souvent la même que celle du PLM et, de plus, il ne prétend rendre des comptes qu'à l'Etat français. Tout ceci conduira à sa nationalisation en 1908, ce sera donc la seconde après celle de la Franco-Algérienne.

Il ne reste donc que l'Ouest-Algérien, dont la situation financière du moment, sans être florissante, est néanmoins satisfaisante. Bien sûr, ses méthodes, tant pour le matériel roulant que pour l'exploitation, ressemblent fort à celles du PLM algérien, mais ce qui est inadmissible pour le grand PLM devient compréhensible et donc acceptable pour un petit réseau.
Le choix de l'Ouest-Algérien étant ainsi expliqué, à défaut d'être vraiment justifié, il reste le problème de l'écartement. La voie de 1,055 m ayant été choisie pour le département d'Oran et celle de 1 mètre pour celui de Constantine, pour ce dernier, à l'imitation de la ligne privée d'Aïn-Mokta comme nous le verrons, il ne pouvait y avoir qu'hésitation pour celui d'Alger. En fait, il semble bien que c'est une raison géographique qui va faire choisir la voie de 1,055 m. Ces considérations sur le choix de la voie métrique à retenir conduisent à couper l'Algérie en deux et non en trois comme le fait la prise en compte des départements. Alors, le choix est simple : à l'est d'Alger, la voie de 1 mètre et à l'ouest celle de 1,055 m. Ce n'est pas une vue de l'esprit puisque c'est bien ainsi que se fera en 1921 la répartition du territoire entre le PLM et les CFAE. Et Blida étant située à l'ouest d'Alger, d'ailleurs plus nettement sur le plan ferroviaire que sur le plan géographique, c'est donc bien la voie de 1,055 m qui est retenue pour la ligne Blida/Berrouaghia. Nous y reviendrons au chapitre suivant, mais ce choix a priori discutable va entraîner le développement, au départ imprévisible, de la voie de 1,055 m à l'est d'Alger dans son département, et celui de la voie de 1 mètre dans celui de Constantine. On peut noter aussi que, contrairement à la première hypothèse envisagée ci-dessus, ce double choix et de l'Ouest-Algérien et de la voie de 1,055 m est très probablement à l'origine de la reprise, temporaire mais ultérieure, du réseau de la Franco-Algérienne par l'Ouest-Algérien.

Reprenons alors l'histoire de la ligne Blida/Djelfa. L'Ouest/Algérien ouvre en 1891 la première section longue de 44 km, Blida/Lodi, et en 1892 la seconde longue de 39 km, Lodi/Berrouaghia, section comprenant Médéa.

L'Ouest-Algérien en serait volontiers resté là, car la ligne était largement déficitaire, mais le département d'Alger n'avait pas oublié son idée de faire de cette ligne l'amorce d'une pénétration dans le Sahara. La ligne Berrouaghia/Djelfa est alors construite par l'Etat et, au fur et à mesure de son avancement, elle est remise à l'Ouest-Algérien pour son exploitation. C'est ainsi que Boghari est atteint en 1912, Aïn-Oussera (Paul-Cazelles) en 1916, Hassi-Bahbah en 1918 et enfin Djelfa en 1921, à 273 km de Blida. Et l'on en resta-là.

Certes, il fut souvent question de prolonger la ligne d'abord jusqu'à Laghouat et ensuite jusqu'à Ghardaïa en plein Sahara. Ce ne furent jamais que des projets. Tout de même, des travaux de terrassement assez importants ont été entrepris jusqu'au col des Caravanes à une vingtaine de kilomètres de Djelfa, mais, plus au sud, les travaux entrepris furent pratiquement inexistants.1921 est une année capitale pour la ligne. C'est bien sûr l'année de son achèvement, mais c'est aussi celle du changement du réseau exploitant. Nous avons rappelé qu'alors le PLM reçut l'affermage des lignes situées à l'ouest d'Alger, mais, très curieusement alors que le réseau oranais de l'Etat reste CFAE, la ligne Blida/Djelfa est, elle, affectée au PLM. Et, non moins curieusement, le PLM qui, en tant que propriétaire, avait toujours négligé son réseau algérien, va en tant que simple exploitant entreprendre de le moderniser de façon très importante. Certes, la ligne Blida/Djelfa est d'abord laissée en dehors de ce programme de modernisation, mais à partir de 1930 tout va changer. Les premières locomotives articulées Garratt que le PLM commande à la Franco-Belge sont les quatre doubles Mountain 241+142-YAT 1 à 4 qui entrent en service sur la ligne en 1932. Malgré la présence de deux trucks à quatre essieux accouplés, ce qui est plus que paradoxal pour une ligne à voie métrique, la règle usuelle étant de ne pas dépasser trois essieux accouplés, ces machines s'inscrivent parfaitement dans les parties les plus sinueuses de la ligne. Machines puissantes, elles sont réservées à la traction des trains de marchandises sur la section montagneuse Blida/Boghari et l'exploitation est complètement renouvelée. Un autre point remarquable doit être noté : en cinq jours seulement, du 1er au 5 mars 1932, et sans la moindre interruption du service, tout le matériel roulant (locomotives, voitures et wagons) est équipé par les ateliers de Blida de l'attelage automatique Willison. D'autres lignes à voie métrique suivront, mais le PLM aura été un précurseur. En revanche, cette action du PLM devait être de courte durée.

Dès 1933, un accord entre le gouvernement général de l'Algérie, les CFAE et le PLM institue une gestion commune des réseaux. Toutefois, le PLM reste exploitant du réseau qui lui avait été confié en 1921. En revanche, la création en métropole de la SNCF le 1er janvier 1938 devait entraîner la disparition du PLM en Algérie.

Mais les CFA, Office d'Exploitation des Chemins de Fer Algériens, ne devaient voir le jour qu'un an après, le 1er janvier 1939. C'est donc à cette date que le PLM a cessé d'être exploitant en Algérie. Rappelons à cette occasion que le 1er janvier 1960 fut créée la Société Nationale des Chemins de Fer Français en Algérie, la SNCFA dont les deux actionnaires étaient l'Etat Français et la SNCF métropolitaine.

Le nouvel état algérien indépendant garda longtemps ce sigle en lui donnant le sens de Société Nationale des Chemins de Fer Algériens, puisque c'est en 1976 seulement qu'à la SNCFA fut substituée la Société Nationale des Transports Ferroviaires, la SNTF.

Pour en terminer avec la ligne Blida/Djelfa, nous dirons simplement que l'Etat algérien indépendant la négligera longtemps, comme d'ailleurs il le fera pour les autres lignes à voie métrique dont il a hérité. Par vieillissement dû au manque d'entretien, il fut conduit à la fermer au trafic voyageurs en 1978. Par la suite, il a prévu sa mise à voie normale mais il semble bien que seule la section Blida/Médéa ait été reconvertie, ceci en 1989.

Les Chemins de Fer sur Route d'Algérie (CFRA), réseau vapeur.

Très tôt, les départements d'Algérie, et tout particulièrement celui d'Alger, se préoccupèrent de construire leur propre réseau de chemins de fer d'intérêt local. Nous nous limiterons ici au département d'Alger. Celui-ci accorda les premières concessions, en 1891 seulement, à un dénommé Cazes, qui s'empressa de créer la société nécessaire, la Société Anonyme des Chemins de Fer sur Route d'Algérie, les CFRA. Bien entendu, l'écartement métrique est retenu et, puisque la seule ligne du département à cet écartement est celle de Blida à Berrouaghia, alors en achèvement, il s'agit bien de la voie de 1,055 m. Le premier résultat en est le report très nettement à l'est d'Alger du domaine réservé à cet écartement en Algérie.

Au départ, le réseau comporte trois lignes : Alger/Saint-Eugène (au nord-ouest de la capitale), Alger/Rovigo via Maison-Carrée (au sud) et El Affroun (sur la ligne Alger/Oran à l'ouest de Blida)/Marengo. Ce premier réseau est ouvert par étapes de 1894 à 1898. Par la suite, de très nombreux projets, de plus en plus importants, verront le jour. Ils concernaient l'ensemble du département et, s'ils avaient été réalisés, avec le nombre de lignes prévues, on aurait trouvé un véritable quadrillage, tant dans le Sahel qu'en grande Kabylie. En fait, une faible partie de ce programme sera réalisé. Pour la région d'Alger, il a existé finalement une longue ligne côtière allant, d'est en ouest, d'Aïn/Taya à Castiglione via Maison-Carrée, Saint-Eugène et Mazafran. Sur cette ligne principale s'embranchaient deux autres lignes vers l'intérieur, une de Maison-Carrée à Rovigo, et l'autre de Mazafran à Koléa. Tout ce réseau était en place en1909. Mais en 1898, les CFRA décident d'électrifier la partie centrale, entre Maison-Carrée et Deux-Moulins (un peu au-delà de Saint-Eugène). Nous reviendrons au paragraphe suivant sur ce tronçon électrique. Parallèlement, de Deux-Moulins au Champ-de-Maneuvre (au niveau de Mustapha), la ligne d'origine fut laissée aux tramways et, pour le trafic régional, une nouvelle ligne fut construite sur le bord de mer; elle comportait un tunnel de 800 mètres sous le cap de l'Amirauté. Le réseau CFRA comportait, de plus, deux lignes à l'ouest d'Alger et deux à l'est. A l'ouest, la première allait d'El Affroun à Cherchell, la seconde partie de Marengo à Cherchell ayant été ouverte en 1909. A l'extrême ouest du département, il y avait la ligne d'Orléansville à Ténès, ouverte en 1925 seulement et attribuée alors au PLM après avoir été reclassée d'intérêt général. A l'est d'Alger, le réseau de Kabylie se réduisit finalement à la ligne Dellys/Boghni, ouverte en 1900. Elle recoupait à Camp-du-Maréchal et à Mirabeau la vieille ligne Ménerville/Tizi-Ouzou de l'Est-Algérien. Notons à ce propos que la première gare de l'Est-Algérien à Tizi-Ouzou était éloignée du centre-ville et que l'on profita de l'abandon de la ligne en construction Tizi-Ouzou/Azazga pour prolonger sur deux kilomètres la ligne venant de Ménerville et assurer ainsi une meilleure desserte. Enfin, la deuxième ligne à l'est d'Alger était celle de Bouïra à Aumale, déjà évoquée à propos de la troisième ligne du réseau oranais de l'Etat. Eire aussi sera de construction tardive puisque ouverte en 1923 seulement et reclassée d'intérêt général. Elle fut intégrée dans le réseau des CFAE. Notons à ce propos que la ligne Boghni/Bouïra, bien que projetée, ne fut jamais construite.

Si l'on met à part les deux lignes tardives, celle d'Orléansville et celle de Bouïra, la guerre de 1914 arrêta net tous les projets, et pourtant la construction de certains était très avancée. Mais, pis encore, après la guerre, il fallut déchanter avec le réseau construit. La situation financière des CFRA étant de plus en plus mauvaise, son réseau vapeur fut racheté par l'Etat en 1926 et exploité par lui en 1928. En fait, tout ce réseau vapeur allait être liquidé de 1933 à 1935, donc avant même la mise en place des mesures dites de coordination rail-route, et ceci à une exception près. En effet, si la majeure partie du réseau avait été attribuée aux CFAE, le PLM avait récupéré les deux lignes d'El Affroun et d'Orléansville. Il s'aperçut que la partie la plus ancienne de la première, c'est-à-dire El Affroun/Marengo, offrait un intérêt indiscutable. Aussi, tandis qu'il se séparait du reste, le PLM la conserva en la transformant à voie normale en 1931. Pour conclure, il serait nécessaire de totaliser les longueurs de ce réseau vapeur des CFRA. Bien des renseignements manquent et d'autres sont contradictoires. Il semblerait qu'avec une assez bonne approximation, on puisse estimer la longueur totale de ce réseau à 335 km, en y comptant toutefois les 10 km de la ligne électrifiée allant du Champ-de-Manœuvre à Maison- Carrée.

Tramways électriques d'Algérie

Deux villes d'Algérie eurent des réseaux de tramways électriques : Alger et Oran. De plus, les réseaux de ces deux villes furent tous à voie de 1,055 m. Commençons par Alger. Il est curieux de constater que cette ville eut trois réseaux complètement indépendants de tramways électriques, mais que ceux-ci étaient cependant de mêmes caractéristiques techniques : voie de 1,055 m bien entendu, mais également tension de 600 volts continu. Néanmoins, ils n'eurent probablement pas la moindre aiguille de jonction, sauf peut-être à titre éphémère. Le plus ancien est celui des CFRA. Nous venons de voir que, dès 1898, ceux-ci décidaient d'électrifier la partie centrale de leur ligne principale de Deux-Moulins à Maison-Carrée, et les tramways électriques fonctionnèrent à partir de 1900 sur cette ligne longue de 17 km. Une seconde ligne fut ouverte en 1905. Il s'agissait de la section urbaine, du Champ-de- Manœuvre à Kouba, d'une longue ligne vapeur qui avait été prévue initialement pour rejoindre Blida à travers le Sahel. Cette nouvelle ligne, longue de 6 km, portait le réseau électrifié des CFRA à une longueur de 23 km. En fait, ce réseau fut découpé en cinq lignes se chevauchant : deux lignes se recoupaient au centre d'Alger pour desservir respectivement Deux-Moulins et Maison-Carrée, deux lignes se joignaient au Ruisseau pour desservir le Champ-de-Manœuvre et Kouba. Enfin, une dernière ligne était exploitée en navette sur une courte rocade joignant les deux lignes initiales du Ruisseau à Hussein-Dey. A partir de 1945, ce réseau de tramways fut remplacé progressivement par des trolleybus, qui furent à leur tour remplacés par des autobus. La première ligne transformée en trolleybus fut celle au profil difficile du Ruisseau à Kouba, ceci dès 1945, et les derniers tramways CFRA circulèrent en 1955 sur une ligne allant de Nelson (au pied de Bab-el-Oued) au Ruisseau. Le second réseau fut celui de la Compagnie des Tramways et Messageries du Sahel, les TMS qui, à partir de 1901, exploita une ligne unique qui, partant de la place du Gouvernement, montait à l'assaut des collines via El-Biar et se terminait à Ben-Aknoum à 8 kilomètres du départ. Cependant, en 1935, le quartier d'EI-Biar fut desservi par une ligne d'autobus des Tramways Algérois, les TA (voir ci-après), ligne plus longue mais de meilleur profil. Les TMS en déconfiture sont rachetés par le département d'Alger et confiés aux CFRA en 1937. Après une exploitation provisoire par autobus, la ligne fut exploitée par trolleybus, avant que ceux-ci ne soient remplacés à leur tour par des autobus. Le troisième réseau fut donc celui des Tramways Algérois, les TA, mais alors que les deux premiers étaient essentiellement destinés à desservir des banlieues, celui-ci était entièrement urbain. Le concessionnaire était une filiale, créée spécialement à cet effet en 1898, de la société Thomson-Houston, et le réseau fut ouvert au début du siècle. Il comprenait une longue ligne parallèle à celle des CFRA, mais à l'intérieur de la ville. Il allait de l'Hôpital du Dey (à Bab-El-Oued) aux collines de Mustapha-Supérieur où il se divisait en deux branches, l'une vers la Colonne Voirol et l'autre vers le Boulevard Bru. Le réseau des TA avait une longueur de 14 km. On peut donc dire que la longueur maximale des tramways d'Alger a été de 23 + 8 + 14 = 45 km. Mais l'arrivée des trolleybus allait limiter en 1937 la ligne de tramways des TA à la portion allant de l'Hôpital du Dey à Yusuf, la partie sud et les deux antennes étant transformées en trolleybus. Or, la même année, à la suite d'essais entrepris depuis 1934, les TA remplaçaient leur matériel d'origine, devenu obsolète, par 25 tramways articulés à 3 éléments. On a pu dire, non sans raison, qu'au début de la seconde guerre mondiale le réseau des TA était le plus moderne de France et figurait parmi les plus remarquables du monde entier. Ceci explique que les tramways des T.A survécurent jusqu'au début de 1960.

Signalons à cette occasion que les trolleybus d'Alger disparurent de 1962 à 1964, sauf sur la ligne très accidentée montant à Notre-Dame-d'Afrique (construite en prolongement de la ligne TA de l'Hôpital du Dey) où ils furent maintenus jusqu'en 1975. Et maintenant, Alger attend son métro, véritable serpent de mer qui renaît pour disparaître aussitôt après. Autant l'histoire des tramways d'Alger est relativement bien connue, grâce notamment aux recherches de Jean Arrivetz (cf. l'article de Chemins de Fer Régionaux et Urbains cité dans l'introduction ci-dessus), autant celle des tramways d'Oran est pratiquement inconnue. La seule chose qui soit sûre est qu'ils étaient bien à voie de 1,055 m. Il semble qu'entre 1898 et 1900, la Compagnie des Tramways d'Oran ait construit un ensemble de 9 lignes urbaines se développant en éventail à partir de la place Karguentah du centre ville. Certaines de ces lignes furent remplacées par des trolleybus à partir de 1939. Les derniers tramways auraient disparu au début des années 50. Le réseau comprenait de plus, une longue ligne suburbaine de 16 km, ligne très mystérieuse car personne ne sait si elle fut réellement électrifiée dans sa totalité. Elle desservait, via Mers-EI-Kebir, la corniche à l'ouest d'Oran jusqu'à Aïn-EI-Turk et elle semble avoir été remplacée par des autobus à la veille de la dernière guerre. Au total, lignes urbaines et ligne suburbaine, on peut estimer la longueur du réseau de tramways d'Oran à quelques 50 km.

Deux lignes particulières de l'Oranie

Pour en terminer avec l'inventaire des lignes à voie de 1,055 m ayant existé en Algérie, il reste à étudier trois lignes séparées et isolées du reste du réseau à cet écartement. Leur seul point commun est qu'elles se trouvaient toutes les trois dans le département d'Oran. Nous avons réservé un paragraphe spécial à la troisième car, malgré son existence très éphémère, elle a eu une importance capitale sur le plan historique. Commençons par la plus récente des deux autres, celle de Tlemcen à Beni-Saf. En fait, son origine est la même que celle de la ligne Orléansville/Tenes. Dans les deux cas, il s'agit de relier une ville relativement importante de la ligne principale ouest-est à un port beaucoup moins important situé au nord. Dans ces conditions, pour les deux, la voie métrique est retenue et, compte-tenu de leur implantation géographique, il s'agit bien de la voie de 1,055 m. La première différence est d'ordre administratif. Alors que la ligne d'Orléansville est concédée tout naturellement aux CFRA et donc classée d'intérêt local, ceux-ci n'ont pas d'équivalent dans le département d'Oran et la ligne de Tlemcen est concédée en 1908 à l'Ouest-Algérien et par suite au titre de l'intérêt général. Comme pour Orléansville, la construction fut fort longue et la ligne, longue de 69 km, ne fut ouverte qu'en 1924. Distincte géographiquement du réseau oranais de l'Etat, elle échut au PLM comme la précédente. En revanche, elle eut plus de chance qu'elle : les mesures de coordination ne lui enlevèrent que son trafic voyageurs et elle resta ouverte au trafic marchandises jusqu'en 1949. La seconde ligne étudiée dans ce paragraphe est celle d'Oran à Hammam-Bou-Hadjar. La ligne Oran/Aïn-EI-Turk exclue, c'est la seule ligne concédée par le département d'Oran au titre des tramways sur route. Longue de 72 km et desservant une zone agricole, elle a été ouverte peu avant la guerre de 14. Dès son ouverture, ses concessionnaires privés demandent l'ouverture d'un embranchement partant de Saint-Maur et allant jusqu'à Sidi-Bel-Abbès.

Pour une obscure question fiscale, le département d'Oran refusa cette deuxième concession. La ligne principale resta isolée et elle fut d'ailleurs relativement florissante. Il semble toutefois que les CFA en aient repris l'exploitation après la dernière guerre jusqu'à sa fermeture en 1950.

L'arrivée du chemin de fer au Maroc et la voie de 1,055 m

Revenons aux débuts de la Compagnie de l'Ouest-Algérien. Celle-ci a reçu la concession de deux lignes s'embranchant sur la ligne Oran/Alger du PLM. La première part de Sainte-Barbe-du-Tlelat en direction du sud ; Sidi-Bel-Abbès est atteint dès 1877 et Crampel, à l'ouest de la mer d'alfa, en 1885. Ce sera son terminus définitif. La seconde part de La Senia, faubourg d'Oran à 7 km, en direction de l'ouest. Le but visé au départ est la frontière marocaine au niveau d'Oujda. En fait, elle atteignit Aïn-Temouchent à 77 km d'Oran, en 1885 également, et l'on en resta là. En effet, pour aller plus loin, il aurait fallu traverser un djebel et l'on fut découragé par le caractère montagneux du tronçon à construire. Cependant, au cours de la dernière guerre, le prolongement de la ligne jusqu'à Marnia fut envisagé comme débouché naturel du Transsaharien, Oran étant un port beaucoup plus important, donc mieux équipé que Nemours qui avait été considéré au départ comme devant être le terminus de ce Transsaharien. En fait, l'Ouest-Algérien avait reçu la concession d'une troisième ligne considérée comme devant être une simple antenne de la seconde. Reliant Tabia à Tlemcen, elle fut ouverte en 1890. Mais, très rapidement, l'Ouest-Algérien considéra que sa ligne principale était la ligne Oran/Sainte-Barbe-du-Tlelat/Sidi-Bel-Abbès/Tabia/Tlemcen, le reste n'en étant que des embranchements. Au début du siècle, l'idée d'un chemin de fer vers le Maroc refait surface et, plutôt que de partir d'Aïn/Temouchent, il paraît plus naturel de le faire de Tlemcen. Toutefois, rien ne paraît urgent et l'on ira si doucement qu'en 1907 seulement on atteint Turenne, à 30 km de Tlemcen .

Certes, la conquête du Maroc par la France commença bien en 1907, mais elle se fit au départ à partir de Casablanca. L'attaque des troupes françaises à partir de l'Algérie n'a lieu qu'en 1910. Alors, très rapidement, on prolonge la ligne de Turenne à Marnia sur 30 km et de Marnia au poste frontière de Zoudj-El-Beghal sur 10 km. Rappelons que c'est de ce dernier poste que partait la ligne CFA de Nemours, ligne étant considérée comme le premier tronçon du Transsaharien. Mais pour aller plus loin, c'est-à-dire dans le Maroc, il fallait l'accord de l' Allemagne. En effet, le pacte d'Algésiras de 1906 interdisait à la France de construire aucune autre voie ferrée d'intérêt commercial au Maroc tant que ne serait pas complètement achevée la ligne internationale Tanger/Fès, et ceci fut confirmé par l'accord franco-marocain

Conclusion

Voici la récapitulation des 2 237 km de lignes à voie de 1,055 m que nous avons rencontrées dans notre étude :

-Réseau oranais de l'Etat (1375 km)

-Blida -Djelfa (273 km).

-CFRA traction vapeur, lignes non électrifiées 325 km

-Tramways électrique d'Alger ...45 km

-Tramways électrique d'Oran 50 km

-Tlemcen/Beni-Saf 69 km

-Oran/Hammam-EI-Hadjar 72 km

-Marnia/Oujda 28 km

Compte tenu de l'incertitude qui règne sur certains des chiffres ci-dessus, on peut dire en conclusion que cet ensemble a comporté de 2 200 à 2 250 km de lignes, la valeur exacte étant probablement plus proche de 2 250 que de 2 200. Cet ensemble a donc été très important.

LES CHEMINS DE FER À VOlE DE 1,000 METRE

Remarques préliminaires

Comme il a été dit dans l'introduction, il a paru intéressant de faire pour la voie de 1 mètre le même travail que pour la voie de 1,055 m. Certes, comme déjà dit, les lignes à voie de 1 mètre furent moins nombreuses et surtout bien moins longues que celles à voie de 1,055 m, mais leur histoire particulièrement complexe valait la peine d'être étudiée. Nous ne reviendrons pas sur la ligne Bône/Saint-Charles rencontrée au tout début de cette étude (cf. chapitre I). On rappellera simplement que sa section Kerazas/La Seybouse fut le premier chemin de fer ayant existé en Algérie et que la ligne fut tout d'abord en totalité à voie de 1 mètre avant d'être mise ultérieurement à voie normale. Pour bien comprendre la suite, il est nécessaire de se reporter à l'année 1885. Du côté voie normale, le PLM exploite ses deux lignes Alger/Oran et Constantine/Philippeville et l'Ouest-Algérien ses deux lignes Sainte-Barbe-du-Tlelat/Crampel et La Senia/Aïn-Temouchent, les deux sections terminales étant ouvertes cette année-Ià. L'Est-Algérien termine sa ligne Maison-Carrée/Constantine (le tronçon central Palestro/El-Achim ne sera ouvert qu'en 1886). En revanche, il a ouvert la première section El Gherrah/Batna de sa ligne de pénétration dans le sud, et cette ligne est bien à voie normale, comme celle de Crampel. Le Bône/Guelma a ouvert ses deux lignes de Kroubs et de Ghardimaou, en tronc commun de Bône à Duvivier, et à Ghardimaou il rejoint la ligne venant de Tunis qu'il exploite également. Pour la voie de 1,055 m, la Franco-Algérienne exploite la ligne Arzew/Méchéria, les deux lignes Tizi/Mascara et Mostaganem/Tiaret ont été concédées et sont en cours de construction. Mais pour la voie de 1 mètre, on ne trouve encore que la ligne privée Bône/Aïn-Mokra, ouverte au service public cette année-là. le point clé est alors le suivant : à quelques jours d'intervalle, en août 1885, l'Est-Algérien et le Bône-Guelma reçoivent chacun la concession au titre de l'intérêt général d'une ligne considérée comme secondaire et qui doit donc être construite à voie métrique. Il s'agit de la ligne Ouled-Rhamoun/Aïn-Beïda pour l'Est-Algérien et de la ligne Souk-Ahras/Tebessa pour le Bône-Guelma. Nous avons dit que ces deux lignes étaient considérées comme secondaires, la première étant une pénétration vers les Aurès à travers un début de désert, la seconde étant surtout d'intérêt militaire, devant assurer la protection de la frontière tunisienne. Nous allons voir que l'une et l'autre connurent un destin fabuleux, à titre transitoire pour la première, et à titre permanent pour la seconde. Ainsi, pour deux lignes secondaires, la voie métrique s'impose. Mais alors pourquoi avoir choisi l'écartement de 1 mètre de préférence à celui de 1 ,055 m ? Encore aujourd'hui, c'est une énigme historique. L'analyse que nous allons faire mettra en évidence que chacun de ces écartements présentait des avantages et des inconvénients, mais ne permettra pas de conclure pourquoi la voie de 1 mètre l'a emporté sur l'autre. Jusque-là, nous venons de le rappeler, les concessions accordées au titre de l'intérêt général ne comportaient que deux écartements : la voie normale et celle de 1 ,055 m. Le premier inconvénient du choix effectué est d'introduire un troisième écartement et d'obtenir ainsi deux voies métriques non échangeables entre elles. Au contraire, certains responsables algériens, les militaires en tête, regrettaient la «bizarrerie» présentée par la voie de 1,055 m, et il était d'autant plus naturel d'abandonner cette dernière que son domaine était l'Oranie, donc à l'opposé du Constantinois. Mais alors, pourquoi en 1886, l'année d'après, revient-on à elle pour la ligne Blida/Berroughaia ? Il y a bien contradiction. De plus, nous l'avons rappelé, en 1885, le seul cas de voie de 1 m en Algérie est la ligne Bône/Aïn-Mokra, et avec ses 32 km c'est vraiment une bien petite ligne pour pouvoir servir de modèle à imiter. Prenons alors la carte du réseau ferré nord-africain au moment de son développement maximum. On peut dire alors que le Maroc (partie espagnole exclue) ne connaît pas la voie métrique, que les départements d'Oran et d'Alger connaissent la voie de 1,055 m, que le département de Constantine et la Tunisie connaissent la voie de 1 m. Mais tout ceci est bien prématuré en 1885. En particulier, le département d'Alger, nous venons de le rappeler, ne connaît pas encore la voie métrique. Quant au réseau tunisien à voie de 1 m, son extension sera certes très importante, mais elle ne débutera que dix ans plus tard en 1895. En conclusion, la seule chose que nous pouvons dire sans nous tromper est la suivante : les décisions de 1885 et de 1886 sont contradictoires et, à ce titre, sont aberrantes toutes les deux. Il paraît alors inutile d'épiloguer plus longtemps.

Nous allons donc étudier ces lignes algériennes à voie de 1 m en les prenant par ordre chronologique d'ouverture. Mais, comme nous l'avons fait pour la voie de 1 ,055 m, nous allons les regrouper par grands ensembles. Commençons alors par celle du Bône-Guelma, ouverte un an avant celle de l'Est-Algérien.

Le Bône-Guelma et l'Ouenza

La ligne Souk-Ahras/Tebessa, longue de 128 km, fut ouverte en 1888. Elle avait été construite dans un but strictement militaire, et personne ne se doutait à ce moment-là que, par le tonnage transporté, elle allait devenir la ligne la plus importante d'Algérie. Effectivement, dès 1893, les mines de phosphates du Kouif, au nord-est de Tebessa, commencent à être exploitées. La société anglaise concessionnaire de ces mines, qui sera plus tard francisée sous le nom de Compagnie des Phosphates de Constantine, construit une ligne à voie de 1 mètre allant du Kouif à Tebessa via Rhilane. Le gisement, très important, est exploité également de l'autre côté de la montagne et des embranchements miniers à voie étroite (voie de 60 ?) aboutissent sur la ligne du Bône-Guelma au nord de Tebessa. Dès le début du siècle, la ligne Souk-Ahras/Tebessa est engorgée, et ce d'autant plus que l'on découvre des gisements de fer très importants dans l'Ouenza et à Bou-Khadra. Le Bône-Guelma propose plusieurs solutions de grand central minier à voie normale sur des trajets complètement différents de l'ancienne ligne et ce dès le départ de Bône. Pour des raisons diverses, tous ces projets sont refusés à Paris. Le Bône-Guelma, désabusé, se tourne vers son réseau tunisien en délaissant son réseau algérien. Ce dernier est finalement nationalisé en 1915 et repris par les CFAE. La solution retenue alors est très simple, il s'agit de mette à voie normale la ligne Souk-Ahras/Tebessa, tout en modifiant son tracé là où c'est indispensable. Ce magnifique projet sera très long à mettre en place. En première étape, en 1922, la ligne est mise à voie normale simplement de Souk-Ahras à Oued-Keberit. Très sérieusement rectifiée, elle est raccourcie de quelques 4 km. Parallèlement, les CFAE constatent que le parc vapeur dont ils ont hérité du Bône-Guelma est devenu complètement obsolète et ils décident de le renouveler presque entièrement. C'est ainsi que pour la ligne minière à voie normale Bône/Oued-Keberit, ils reçoivent, en 1920 et 1921 , 30 locomotives Décapod (150), puis en 1922, pour la ligne (241 ), et ces dernières sont les premières françaises de ce type, avant celles de l'Est-Algérien et du PLM métropolitains. Notons que, très raisonnablement, ils ont renoncé au compoundage jugé trop complexe pour eux, et ils se contentent de la surchauffe. Ultérieurement, en 1928, ils reçoivent 30 Décapod supplémentaires, toujours à simple expansion et à surchauffeur, mais cette fois-ci à 3 cylindres égaux, en imitation de ce qui se fait en métropole sur le réseau de l'Est. Le concessionnaire des mines de fer de l'Ouenza construit en 1921 une ligne à voie normale de 21 km de la mine à Oued-Keberit. Ultérieurement en 1929, un nouveau raccordement de 18 km s'embranche sur le précédent à Aïn-Chedia et dessert les mines de Bou-Khadra. Ces deux lignes sont exploitées elles aussi à l'aide de locomotives modernes du type 151T, analogues à celles que l'on trouve sur l'Est et sur le Nord métropolitains. Par ailleurs, il semble que ces deux embranchements aient été repris par les CFAE en 1930. Mais la situation évolue également au sud de la ligne. La ligne de l'Est-Algérien, que nous étudierons au paragraphe suivant, est continuée par les CFAE et atteint Tebessa en 1926. La ligne minière Tebessa/Rhilane/Le Kouif est reprise par les CFAE en 1927. Enfin en 1931, les CFAE ouvrent une ligne de 9 km de Rhilane à la frontière, à la rencontre de la ligne venant de Tunis des Chemins de Fer Tunisiens, ligne dont le dernier tronçon Kalaa/Djerda/frontière est ouvert le même jour. Ainsi, une ligne à voie de 1 mètre allait de Tunis à Ouled-Rhamoun, aux portes de Constantine. Dans sa partie centrale, cette ligne algéro-tunisienne était essentiellement à vocation militaire mais, comme nous le verrons, son utilisation, bien que militaire, ne fut pas du tout ce qui avait été prévu. Restons au début des années 30. Le trafic de la ligne maintenant à voie normale Bône/Oued-Keberit et de ses deux embranchements est devenu considérable. En particulier au point de vue tonnage transporté, cette ligne est de loin la plus importante de l'Algérie.

Les CFAE ont alors beaucoup de mal pour écouler ce trafic à peu près normalement. Divers projets sont à nouveau élaborés dont un central minier mais cette fois-ci en direction de la Tunisie, et un doublement de la ligne dans sa partie la plus montagneuse et la plus fréquentée, Tous sont rejetés et remplacés par celui de l'électrification. Cette dernière sera effectuée en 1932 et 1933, de Bône à Oued-Keberit, y compris les deux embranchements de l'Ouenza, A l'instar de ce qu'a entrepris le Maroc, c'est le courant continu 3 000 volts qui est choisi. Rappelons à ce propos que les instructions ministérielles de 1920 qui avaient retenu le courant continu 1 500 volts pour l'électrification des chemins de fer français, avaient prévu que, par dérogation et à titre exceptionnel, le 1 500 volts pouvait être remplacé par le 3 000 volts. Très curieusement seuls le Maroc puis l'Ouenza profitèrent de cette latitude. Nous reviendrons sur la période de la dernière guerre au paragraphe suivant. Passons donc aux lendemains immédiats de celle-ci. Le travail de mise à voie normale est repris activement et, dès la fin de 1946, celle-ci entre en service d'Oued-Keberit au Kouif. Toutefois, de Tebessa au Kouif, la ligne est à trois files de rail pour maintenir la liaison par voie métrique d'Ouled-Rhamoun à Tunis. Ensuite, l'électrification est reprise et elle entre en service en 1951 d'Oued-Keberit au Kouif. On en profite également pour électrifier la courte section au profil difficile Souk-Ahras/Tarja de la ligne de Tunisie via Ghardimaou, Tarja en étant la première gare après Souk-Ahras. Plus au nord, à la même époque, la ligne de l'Ouenza est mise à double voie au sud de Souk-Ahras, exactement des Tuileries à Montesquieu, donc sur un vingtaine de kilomètres d'une rampe très raide (20 pour mille). Parallèlement, la ligne algéro-tunisienne Rhilane/Kalaa-Djerda est fermée. Toutefois, le troisième rail pour la voie métrique restera en place Jusqu'en 1959 sur la section Tebessa/Rhilane/Le Kouif. Parmi les premiers travaux réalisés par le nouvel état algérien figure la reprise d'un très vieux projet qui est mis en exécutiôn et voit le jour en 1966. Il s'agit du prolongement de la ligne à voie normale de l'Ouenza de Tebessa à Djebel-Onk sur environ 100 km. Compte tenu de l'importance que le pétrole a pris alors en Algérie, cette ligne n'est pas électrifiée. Rappelons que Djebel-Onk est le centre d'un très vaste gisement de phosphates découvert en même temps que celui du Kouif mais resté jusqu'alors inexploité par le manque d'un moyen de transport approprié. En conclusion de ce paragraphe, et pour rester dans le cadre fixé pour ce chapitre, récapitulons les lignes à voie de 1 mètre que nous avons rencontrées :

-Souk-Ahras/Tebessa 128 km

-Tebessa/Rhilane/Le Kouif 28 km

-Rhilane/frontière tunisienne 9 km.

Soit un total de 1651 km.

Ouled Rahmoun/Tebessa et Khenchela

Donc en août 1885, l'Est-Algérien obtient la concession, au titre de l'intérêt général, d'une ligne à voie de 1 mètre allant de Ouled-Rhamoun, à 27 km de Constantine, à Aïn-Beïda. Cette ligne, longue de 92 km, est ouverte en 1889. Nous avons déjà signalé qu'au départ elle est considérée comme une ligne secondaire de pénétration dans les Aurès. En fait, elle dessert, à une altitude voisine de 1 000 m, un haut plateau dont Aïn-Beïda, seul bourg notable desservi, est le centre commercial. On peut signaler aussi que, bien que partant d'une gare de l'Est-Algérien, le territoire qu'elle dessert, situé à l'est de Constantine, relève manifestement du Bône-Guelma. Cette ligne entraîne enfin la conséquence suivante, déjà signalée : lorsque l'Est-Algérien est nationalisé en 1907, les CFAE qui prennent sa suite, ayant récupéré par ailleurs le réseau de la Franco-Algérienne, se trouvent à la tête d'un réseau disparate avec trois écartements : la voie normale et deux voies métriques, celle de 1 m et celle de 1,055 m. En 1905, la ligne fut prolongée sur 54 km jusqu'à Khenchela, au pied de l'Aurès. Mais, nouvelle particularité, ce prolongement est classé d'intérêt local jusqu'à son reclassement d'intérêt général, intervenu en 1917 seulement. Une nouvelle ligne, qui est bien d'intérêt général, est ouverte en 1926, donc par les CFAE. Longue de 114 km, elle s'embranche à Oulmene, gare à 10 km d'Aïn-Beïda sur la ligne de Khenchela, et va jusqu'à Tebessa où elle rejoint la partie de la ligne de l'Ouenza encore à voie métrique. Cette ligne est essentiellement une ligne militaire permettant de relier entièrement à voie de 1 m le Constantinois au centre de la Tunisie. La guerre va lui apporter une consécration totalement imprévisible au départ. Après le débarquement en novembre 1942 des Américains et des Anglais au Maroc et dans l'ouest algérien, les Allemands ripostent en occupant le nord de la Tunisie, autour de Tunis et de Bizerte. Par suite, la grande ligne nord-africaine Casablanca/Tunis devient inutilisable par les alliés sur une bonne partie de son trajet tunisien. Alors, l'essentiel du ravitaillement des forces alliées qui se battent dans le centre de la Tunisie, se fait par l'intermédiaire de cette ligne Ouled-Rahmoun/Tebessa, prolongée comme nous le savons jusqu'à Rhilane et au-delà en Tunisie du centre, par la ligne Rhilane/Tunis, et en Tunisie du sud par la rocade Haïdra/Kasserine ouverte en 1940 et assurant la liaison avec le réseau Sfax/Gafsa (réseau privé de la Compagnie des Phosphates et du Chemin de fer de Gafsa). Notre modeste ligne a donc vécu un rôle glorieux pendant la campagne de Tunisie (1942-1943). La paix revenue, elle retombe dans sa léthargie primitive. Aussi n'est-il pas étonnant que le nouvel état algérien l'ait abandonnée dans son tronçon Oulmene/Tebessa. Ce qu'il en reste, la ligne Ouled-Rahmoun/Oulmene/Khenchela, se trouve être le dernier survivant du réseau à voie de 1 m du Constantinois. Cependant, en liaison avec la grande transversale projetée de Sidi-Bel-Abbès à Tebessa, l'ensemble Ouled-Rahmoun/Oulmene/Khenchela et Tebessa devrait être reconstruit à voie normale. Pour l'instant, il ne semble s'agir que d'un projet envisageable mais sans la moindre réalisation.

Ici encore, pour conclure, nous allons récapituler les lignes à voie de 1 m que nous venons de rencontrer dans ce paragraphe :

-Ouled-Rahmoun-Aïn-Beïda 92 km

-Aïn-Beïda-Khenchela 54 km

-Oulmene-Tebessa 114 km.

Soit un total de 260 km.

De Bône à La Calle

Historiquement, la ligne suivante est celle de Bône à La Calle ouverte en 1902. Cette ligne, d'intérêt local et longue de 88 km, avait été concédée à une société privée. On peut dire à cette occasion que les lignes départementales concédées par le département de Constantine ont été très peu nombreuses : en dehors de cette ligne Bône/La Calle, il n'a existé que la ligne Bône/Saint-Charles évoquée à maintes reprises, et un court embranchement de 12 km allant de Saint-Paul (entre Bône et Duvivier) à Randon. Ce dernier, à voie normale, fut d'abord exploité par le Bône-Guelma, puis par les CFAE. Comme pour la plupart des chemins de fer secondaires, les résultats obtenus sur cette ligne de La Calle furent satisfaisants jusqu'à la guerre de 14, mais il n'en fut pas de même après 1918 et la ligne fut nationalisée et rattachée aux CFAE en 1926. C'est alors que de grands projets la concernèrent. Elle devait faire partie d'une nouvelle ligne à voie normale assurant une liaison de Bône à Bizerte entre l'Algérie et la Tunisie. Du côté tunisien, une ligne partant de Mateur, entre Tunis et Bizerte, atteignit Tabarka en 1922 et ce fut son terminus. Au-delà, traversant la frontière algéro-tunisienne, elle aurait dû parvenir à La Calle. Puis nous retrouvions la ligne La Calle/Bône qui aurait dû être mise à voie normale. Toutefois, au départ de La Calle, son tracé aurait dû être profondément modifié pour l'améliorer et le raccourcir nettement en le rapprochant du littoral. Mais la concurrence routière arrivant, ce beau projet fut abandonné. Tout au plus peut-on signaler la construction sur une vingtaine de kilomètres de la plate-forme de la ligne nouvelle de La Calle en direction de Bône (transformée en route). La ligne « coordonnée » fut fermée au trafic voyageurs. Il semble qu'elle ait été complètement abandonnée dans les années 1950.

Le réseau dattier

De 1882 à 1888, l'Est-Algérien avait ouvert une ligne à voie normale d'intérêt général allant d'El Guerrah, à 37 km de Constantine sur la ligne d'Alger, à Biskra via Batna. Cette ligne, longue de 203 km, traversait l'Aurès pour aboutir à la plus grande oasis dattière de l'Algérie. Comme la ligne de Crampel, destinée au trafic et militaire et alfatier, celle-ci avait le même objectif, l'alfa étant remplacé par les dattes. On en resta longtemps là. Cependant, à la veille de la guerre de 14, l'administration des Territoires du Sud obtint la concession d'une ligne à voie de 1 m d'intérêt local de Biskra à Touggourt, toujours dans le double but de transport des militaires et des dattes. La ligne, longue de 217 km, est ouverte en juin 1914, donc peu avant la déclaration de guerre. Un embranchement d'Oumache, à 22 km de Biskra, à Tolga, long de 35 km, fut ouvert en 1916. Notons également qu'un tramway à chevaux, long de 9 km et à l'écartement de 0,904 m, desservait les environs de Biskra, on ne sait d'ailleurs pas grand chose sur lui. Dès le départ, la situation de la ligne Touggourt/Biskra fut florissante. Aussi l'attention des autorités d'Alger fut-elle rapidement attirée et, après de longues négociations avec les Territoires du Sud, la ligne fut reclassée d'intérêt général en 1922 et son exploitation fut confiée aux CFAE. Parmi les raisons de son succès figure son attrait touristique indéniable, grâce à l'alternance des oasis et du désert. Les premières voitures à bogies différaient peu de leurs homologues de la métropole mais, repeintes en blanc pour améliorer leur isolation thermique, elles permirent de constituer un « train blanc » très utilisé par la publicité de l'époque. Au début de 1939, l'arrivée de deux fourgons automoteurs De Dietrich à moteurs diesel, accompagnés de voitures métalliques à bogies assorties, permit de renouveler complètement l'exploitation de la ligne avec des trains roulant à 110 km/h. Après divers balbutiements antérieurs, ce fut vraiment le début de la « diéselisation » des chemins de fer en Algérie. Devant le succès obtenu, trois rames supplémentaires mais améliorées entrèrent en service en 1940.

En 1946, un embranchement de 145 km à voie de 60 fut ouvert de Stil, à 79 km de Biskra, à El Oued. Ce fut la dernière réutilisation du matériel des chemins de fer militaires du Maroc. Bien que cette réalisation laisse rêveur, en particulier à cause de sa date, elle connut néanmoins un succès certain, en particulier toujours pour le trafic dattier, aussi fut-elle reconstruite à voie de 1 m dès 1950.

L'année 1956 est une date mémorable dans l'histoire de l'Algérie, puisque c'est celle de la découverte du pétrole à Hassi-Messaoud et du gaz naturel à Hassi-R'Mel, découverte qui allait bouleverser l'économie du pays. Dès 1957, un pipeline de 200 km de long fut construit d'Hassi-Messaoud à Touggourt et, immédiatement après, la ligne Biskra/Touggourt fut reconvertie à la voie normale pour éviter tout transbordement à Biskra. La ligne connut alors un trafic considérable, mais qui ne cessera de diminuer avec les années, car progressivement des pipelines furent installés, en particulier jusqu'à Bougie. Signalons qu'antérieurement l'antenne de Tolga fut fermée en 1953 et la ligne d'El Oued un peu plus tard, en 1957.

Revenons un instant entre les deux guerres. Il avait alors été envisagé de continuer la ligne à voie métrique de Touggourt à Ouargla, sur 184 km. Ouargla est en effet le centre de l'oasis la plus importante du Sahara. On commença quelques travaux de terrassement au départ de Touggourt, mais très vite la concurrence automobile arrêta les travaux et ce prolongement ne vit jamais le jour. A Ouargla, il a existé une ligne de tramway à chevaux longue de 2 km. Mais contrairement à celle de Biskra, il semble qu'elle était à voie de 60. En fait, en dehors de quelques photos pieusement conservées dans diverses archives, la documentation la concernant est inexistante. Récapitulons les lignes à voie de 1 m de ce réseau dattier :

-Biskra/Touggourt 217 km

-Oumache/Tolga 35 km

-Stil/El Oued 145 km

-Tramway à chevaux de Biskra 9 km (voie de 0,900 rn)

Soit un total de 406 km

La ligne de Djidjelli

L'histoire du réseau ferré d'Algérie ne manque pas de bizarreries et jusqu'ici nous en avons rencontré de nombreux exemples. Mais l'histoire de la ligne Bizot/Djidjelli nous paraît battre tous les records d'invraisemblance avec sa double suppression et sa double reconstruction ! Bien avant la guerre de 14, il avait été prévu de relier le modeste port de Djidjelli au réseau ferré, au même titre que Beni-Saf, Ténès ou Dellys, donc par une ligne à voie métrique et, comme nous sommes dans le département de Constantine, cette ligne devait être à voie de 1 m et relier Djidjelli à Bizot à 13 km au nord de Constantine sur la ligne de Philippeville. En fait, personne n'était pressé et, après diverses péripéties administratives, les travaux ne commencèrent qu'en 1920. La ligne aurait dû avoir une longueur de quelques 150 km. En 1931, on ouvre un premier tronçon de 90 km de Djidjelli à Sidi-Marouf, donc totalement isolé du reste du réseau ferré. Ce tronçon comprenait 75 km de la ligne de Bizot plus 15 km d'un embranchement minier de El Milia à Sidi-Marouf, centre d'un important gisement de fer. Les travaux sur la ligne continuèrent lentement mais sûrement, et l'infrastructure du reste de la ligne fut même achevée en 1935. Mais les mesures de coordination arrêtèrent tout et cette seconde partie de la ligne ne fut pas exploitée. En 1943, la voie de la section construite et exploitée fut déposée et réutilisée pour les lignes à voie de 1 m prioritaires, parmi lesquelles bien entendu celle d'Ouled-Ramoun à Tebessa. Après la guerre, la nécessité de desservir convenablement les mines de Sidi-Marouf conduisit à reconstruire la partie qui avait été exploitée et elle fut réouverte une première fois en 1947, la seconde section de la ligne restant toujours abandonnée. La fermeture des mines vers 1955 conduisit tout naturellement à un deuxième abandon du premier secteur. Le nouvel état algérien ne l'entendait pas de cette oreille et, en 1983, eut lieu une troisième ouverture de la ligne, construite cette fois-ci à voie normale et surtout en totalité de Bizot à Djidjelli. Le tracé de cette nouvelle ligne a fait l'objet de publications contradictoires. Certains laissent supposer qu'elle partirait de Saint-Charles et non de Bizot et qu'elle différerait ainsi notablement du tracé de 1910 ; pour d'autres, en revanche, elle en différerait peu, le passage par Sidi-Marouf étant supprimé.

Conclusion

Comme nous l'avons fait au chapitre précédent pour la voie de 1,055 m, récapitulons les lignes à voie de 1 m que nous avons rencontrées :

-Bône/Saint-Charles 97 km -Ligne de l'Ouenza 165 km

-Ouled-Rahmoun/Tebessa et Kenchela plus de 260 km

-Bône/La Calle 88 km

-Réseau dattier 406 km (dont 9 km à voie de 0,900)

-Djidjelli/Sidi-Marouf 90 km.

Soit un total de11 06 km.

Ce chiffre est à rapprocher des 2 237 km de lignes à voie de 1,055 m et il en est sensiblement la moitié. On pourrait dire que la voie de 1,055 m couvrait les départements d'Oran et d'Alger, et la voie de 1 m celui de Constantine. On arriverait alors sensiblement au même kilométrage par département, étant entendu qu'à chacun nous avons adjoint les Territoires du Sud qui lui sont adjacents. Mais, séparant ce qui revient à chaque département, nous avons :

-Département d'Oran : 1 594 km de lignes à voie de 1,055 m.

-Département d'Alger : 643 km de lignes à voie de 1 ,055 m.

-Département de Constantine : 1 106 km de lignes à voie de 1,000 m.

D'où un classement : 1° Oran, 2° Constantine, 3° Alger.

Complément Les chemins de fer à voie normale

Il n'entre pas dans mes intentions de faire l'historique complet des lignes de chemin de fer à voie normale d'Algérie, ceci nous éloignerait par trop du cadre fixé pour cette étude consacrée à la voie métrique dans ce même pays. Notons d'ailleurs que tant dans le chapitre 1 qu'à l'occasion de l'étude de certaines lignes à voie métrique, nous avons rencontré la plupart de ces lignes à voie normale. Après inventaire, il ressort que deux d'entre elles ont été omises, toutes les deux appartenant à l'Est-Algérien. La première est celle de Beni-Mançour à Bougie, longue de 88 km et ouverte en deux étapes en 1888 et 1889. L'histoire de la seconde est plus complexe. Dès avant la guerre de 14, il avait été prévu une ligne de Constantine à Saint-Donat, gare située entre El Guerrah et Sétif sur la ligne Constantine/Maison-Carrée. Son but était essentiellement de raccourcir la distance entre Constantine et Alger et accessoirement de décongestionner la ligne principale de l'Algérie entre Constantine et El Guerrah. Pour ce deuxième objectif, on entreprit simplement de doubler la voie progressivement, d'abord entre Constantine et Kroubs, puis entre Kroubs et El Guerrah. En ce qui concerne la ligne nouvelle, les travaux furent entrepris très lentement et c'est seulement en 1931 que fut ouvert un premier tronçon de 44 km entre Constantine et Oued-Athmenia. La concurrence automobile survenant, tout fut arrêté et on n'alla pas plus loin. De plus, par la suite et probablement pendant la dernière guerre, cette ligne fut abandonnée sauf sur les 5 km séparant la gare principale de Constantine de la gare annexe de Constantine/Lamoricière, devenue la gare de marchandises desservant l'ouest de la ville. Notre objectif est simplement de recenser les lignes à voie normale ayant existé en Algérie, ceci afin de comparer leur longueur totale à celle des lignes à voie métrique. Dans un but de simplification, nous nous sommes arrêtés à la situation telle qu'elle existait à la fin de la présence française et nous n'avons pas tenu compte des lignes construites ou transformées par le nouvel état algérien, telles celle de Djebel-Onk ou celle de Médéa. Pour éviter de compter deux fois la même ligne, nous avons établi trois tableaux récapitulatifs différents. Le premier est relatif aux lignes construites à voie normale. Les deux autres sont relatifs aux lignes construites à voie métrique (1 ,055 m et 1 m) et transformées par la suite en voie normale.

1) Lignes construites à voie normale :

-Alger/Oran 21 km.

-Blida/Blida-Ville 2 km

-La Sénia/Aïn-Temouchent 70 km

-Sainte-Barbe-du-Tlelat/Crampel 151 km

-Tabla/Marnia 124 km

-Zoudj-El-Beghal/Nemours 55 km

-Maison-Carrée/Constantine 452 km

-Ménerville/Tizi-Ouzou-Ville 54 km

-Béni-Mançour/Bougie 89 km

-El Gherrah/Biskra 203 km

-Sidi-Mabrouk/Oued-Athmenia 40 km

-Constantine/Philippeville 87 km

-Bône/Souk-Ahras 107 km

-Saint-Paul/Randon 12 km

-Duvivier/Kroubs 148 km

-Souk-Ahras/Ghardimaou 58 km

-Oued-Keberit/Ouenza 26 km

-Aïn-Chedia/-Bou-Khadra 18 km

Total 2117 km

NB: c'est volontairement que nous avons laissé de côté le Méditerranée-Niger (le Transsaharien), car dans sa partie construite c'était essentiellement le prolongement du chemin de fer du Maroc Oriental, et à ce titre il relève plus du Maroc que de l'Algérie.

2) Lignes construites à voie de 1,055 rn et transformées :

-Marnia/Oujda 28 km

-Arzew/Perregaud 49 km

-Mostaganem/La Macta 30 km

-El Affroun/Marengo 20 km

Total 127 km

3) Lignes construites à voie de 1 mètre et transformées :

-Biskra/Touggourt 217 km

-Bône/Saint-Charles 97 km

-Souk-Ahras/Tebessa 128 km

-Tebessa/Le Kouif 28 km

Total 470 km

4) Voies ferrées construites en Algérie avant l'indépendance :

-Voie normale 2 117 km

-Voie métrique 1,055 m, 2 237 km

-Voie métrique 1 m, 1 106 km

Total : 5 460 km

Ce total exclut le Méditerranée/Niger comme précisé ci-dessus, et les voies étroites de 0,600 m, 0,750 m et 0,800 m qui, en dehors des quelques-unes citées dans le texte, étaient des voies minières privées. Il résulte de ces tableaux récapitulatifs qu'au départ, en longueur de lignes, la voie de 1,055 m l'emporte légèrement sur la voie normale, la voie de 1 m venant loin derrière avec sensiblement une longueur de la moitié. Bien entendu, progressivement, par suite des transformations rappelées ci-dessus, la voie normale l'a emporté, la voie métrique, avec, en plus des suppressions bien plus nombreuses que celles touchant la voie normale, faisant la peau de chagrin.

La politique du nouvel état algérien n'a fait qu'amplifier cette tendance puisque, entre autres, il ne construit de lignes nouvelles qu'à voie normale. On peut dire que si les objectifs visés sont atteints, il ne devrait rester de la voie métrique que la ligne Perrégaux/Colomb-Béchar et peut-être certains de ses embranchements, le tout étant à l'inoubliable écartement de 1,055 m, toujours présent.

L'article ci-dessus traite de la voie étroite métrique. Il a existé d'autres réseaux à voies étroites submétriques, notamment à voie de 0,60 m (voir le livre de Pascal Bejui édité par les éditions La Régordane ), totalisant plusieurs centaines de kilomètres. Certaines ont même été modernisées et ont survécu jusque dans les années cinquante.

Signalons une exception, la ligne à voie de 0,75 m, longue de 9 km à Miliana (ligne Alger/Oran) qui desservait les mines du Zaccar et a assuré un service public comme en attestent les cartes postales de l'époque. Cette ligne aurait vu la circulation d'au moins une locomotive Garrat 020 + 020.

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(Source malheureusement inconnue)

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