Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

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POUR EN SAVOIR UN PEU PLUS SUR 1848

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On n'arrête pas le murmure
Du peuple quand il dit : J'ai faim.
Car c'est le cri de la nature
Il faut du pain.

Le Pain, cette chanson composée en 1846 par Pierre DUPONT à la suite de la crise économique a été reprise de carrefour en carrefour par le chanteur populaire DARCIN au printemps 1848

La tempête de Février 1848 a bouleversé un hiver sans nuages : elle a surpris plus d'un contemporain et nous surprend encore. Vainqueurs et vaincus furent stupéfaits : sans doute rapidement, un enthousiasme délirant se mêla à cet étonnement craintif pour ne pas dire ennuyé des apprentis sorciers du National, nouveaux maîtres poussés sur le devant de la scène par des notables pris d'une soudaine idolâtrie pour la République ; nous verrons que ce zèle, hélas, fut de courte durée.

Février 1848 apparaît en effet comme un événement accidentel comparé aux Trois Glorieuses de juillet 1830 qui s'inscrivent naturellement dans la ligne de notre histoire.

CHARLES X incarne alors d'une part une monarchie détestée, imposée à la nation française par la capitulation de 1814 ; il porte d'autre part une double tare, sa dévotion et sa désinvolture à l'égard de la presse : cela suffit pour que le peuple de Paris le chasse, renverse cette ancienne France à jamais honnie et retrouve ainsi son honneur bafoué. Toutefois, le feu aussitôt allumé est rapidement éteint par une bourgeoisie libérale qui veut éviter toute déviation jacobine.

Mais comme nous semble étrange ce même Paris se séparant ensuite d'une monarchie voltairienne, bourgeoise, pacifique, en quelque sorte bien française et adaptée à l'époque.

" Quel est ton nom Quarante-huit ? " demande PROUDHON : " Je m'appelle Droit au Travail ". Tel est le principal détonateur de cette explosion du " Printemps des Peuples " fantasmagorie juvénile, frivole, mystique, à la fois éclatante et mélancolique, grand et précoce bouquet d'artifice qui se fanera très vite, trop vite, République étranglée par l'Ordre Impérial dans le demi-jour livide de décembre 1851.

En 1830 , après sa révolution escamotée, la France Louis-Philipparde est encore essentiellement rurale. Sur 32 000 000 d’habitants, nous comptons 22 251 000 agriculteurs, 5 300 000 marchands, fonctionnaires et membres des professions libérales et enfin 4 300 000 ouvriers. Cette proportion de près de 75 % de ruraux se retrouve encore en 1848, stabilité surprenante dans un pays en pleine industrialisation et bouleversement politique.

La paysannerie représente une classe dominante dans un état de fortune hétérogène car nombreux sont les ruraux sans terre, métayers et paysans proches sensiblement du prolétariat urbain.

La stabilité de la monnaie et la hausse des produits agricoles ont aidé à l'aisance des propriétaires fermiers ; mais plutôt qu’un accroissement de production, il ne s'agit en fait que de mesures de protection étatiques contre l'importation et pour maintenir les cours aux dépens du consommateur ce qui provoquera des crises graves en 1847 où, après une récolte déficitaire en blé, nous assisterons à de véritables révoltes de la faim. Les conditions de vie paysannerie se sont guère améliorées ; la nourriture est toujours frugale, le logement misérable, le travail intensif en été, au gré des gros propriétaires à la morte saison. Le prolétaire des campagnes accueillera donc favorablement le mouvement de 1848 mais, ne désirant pas une révolution de l'ampleur de celle de 1789, il s'écartera rapidement du prolétariat urbain : " A bas les accapareurs ! A bas les riches ! ", mais aussi " A bas les partageux ! A bas les feignants des villes ! ".

L'indigence des ruraux n'est toutefois pas comparable à celle des travailleurs dans les centres urbains. Le Paris ouvrier, agglutiné en grande partie aux abords mêmes des Tuileries, de l'Hôtel de Ville, est sordide : le choléra y règne à l'état endémique ; l'assistance des bureaux de bienfaisance ne cesse d'empirer ; la délinquance s'accroît dans des proportions inquiétantes.

L'introduction du machinisme, l'afflux des ruraux expulsés par le marasme de l'agriculture, la ruine des industries de luxe artisanales font que le chômage sévit avec une rigueur exceptionnelle et que la révolte gronde d'autant plus qu'il n'est pas toujours justifié et résulte également trop souvent de l'incapacité du patronat français à s'insérer dans une économie en pleine mutation.

" L'aristocratie de la richesse, en France, menace d'être pire que l'autre ".

Les prolétaires enfin, tant des villes que des campagnes, souffrent d'un droit de vote restreint et prennent conscience de l'injustice dont ils ont été victimes à l'avènement de la Monarchie de Juillet. Les doctrines sociologiques qui se répandent alors tentent d'instaurer une vie communautaire au rôle pondérateur où la consommation sera étroitement liée au travail et non plus à la propriété et peuvent servir de base à une transformation pacifique des rapports sociaux mais la grande bourgeoisie s’y oppose et applaudit au cynisme de Guizot énonçant " la situation des pauvres et des riches est aujourd’hui réglée avec justice et libéralité, chacun ayant son droit, sa place, son avenir ".

Le décor est planté ; les nuages s'amoncellent sur une bourgeoisie corrompue et surtout ennuyeuse. Les sociétés secrètes sont en effervescence, les réformes électorales piétinent. Avec MARRAST, son directeur, le National appelle de ses vœux, sans beaucoup de vigueur d'ailleurs, car il n'y croit guère, " une République démocratique ". La Réforme avec LEDRU-ROLLIN, quant à elle, réclame une " République démocratique et sociale ".

Un banquet réformiste perturbé, une accumulation de rancœurs à l'égard d'un pouvoir où rivalisent cynisme, mesquinerie, opportunisme, font que les première barricades paradoxalement sont le fait de petits bourgeois et boutiquiers.

LOUIS-PHILIPPE confiant en sa garde nationale ne s'émeut guère de ces éclairs de février, mais le massacre inexplicable de manifestants par un détachement du 14e de ligne compromet définitivement une détente possible.

Malgré le départ de GUIZOT, les rodomontades de THIERS, la valeur militaire de BUGEAUD, l'orage éclate, les barricades l’emportent. Après un temps d'insécurité et d'angoisse, le lyrisme de LAMARTINE aidant, la République est proclamée.

Le Gouvernement Provisoire fera-t-il face à la crise ?

Le problème du pain est lié à deux aspects que ne veulent pas séparer suffisamment les maîtres à penser du National et de La Réforme. Ils doivent faire face d'une part à l'aspect conjoncturel de la crise, en limiter les dégâts, l'enrayer, la juguler, amorcer la reprise. D'autre part, ils se heurtent à un problème de structure : le système capitaliste même dans ses beaux et bons jours entretient de telles inégalités sociales que tous les hommes ne mangent pas à leur faim. Les hommes du Gouvernement Provisoire rêvent d'un système qui résoudrait ces deux problèmes : en vain ! Sans doute, une inflation limitée eût eu de bons effets. Mais leur orthodoxie s'y oppose et ils ont, de plus mauvaise conscience, pensant entretenir eux-mêmes la crise. Ils en arrivent à vider une trésorerie déjà chancelante. Pour rétablir l'équilibre budgétaire, ils s’aliènent la paysannerie par le fameux impôt des 45 centimes (45 centimes. d'impôt supplémentaire pour 1 franc d'impôt direct) et se l'aliènent encore plus par la création des Ateliers Nationaux.

On remplit quelques brouettes de sable au Champ de Mars ou sur les hauteurs de Belleville ; on fait quelques terrassements mais on revient vite au jeu et à la déclamation en faveur de la République Démocratique et Sociale ".

De 21 000 ouvriers enrégimentés fin mars nous passons fin août à 94 000. Les Ateliers Nationaux traduisent fâcheusement le principe du droit au travail, contesté même par des représentants ouvriers : " Un bon ouvrier trouve toujours du travail. Le droit au travail, c'est la royauté du paresseux ".

En fait, ce droit au travail suppose une réorganisation révolutionnaire de l'économie que ne peut accomplir un gouvernement paralysé par des positions défendues par la paysannerie et la bourgeoisie.

Cette bourgeoisie, avocassière au pouvoir, est impuissante mêlant bonne volonté et peur ; incapable de toute réforme sérieuse qui ne peut se concevoir que dans une économie saine et non en crise.

Le gouvernement taille des tranches de plus en plus larges dans le gâteau national qui s'amenuise de jour en jour et, en juin, il est acculé à fermer les Ateliers.

Un ébéniste du Faubourg Saint-Antoine s'écrie alors : " On a compris. Le gouvernement veut décidément notre peau. Crever de fièvre dans les marais en Sologne ou dans les Landes, ou se faire descendre en Algérie par un bédouin, voilà ce qui nous attend. Autant se faire tuer proprement sur une barricade ".

Face aux Clubs du Désespoir, le ministre de la Guerre CAVAIGNAC va réagir férocement grâce aux troupes régulières et aux mobiles. Il veut une victoire militaire sur l'insurrection et écrasera le Paris ouvrier en moins de quatre jours et les horreurs se perpètreront de part et d'autre des adversaires.

L'Assemblée, à la nouvelle de la reddition du Faubourg Saint-Antoine, dernier bastion de l'émeute, s'écrie " Vive la République " mais ce cri sonne faux car CAVAIGNAC ainsi victorieux écrase Quarante-huit et prépare LOUIS NAPOLEON.

Les ouvriers ne s'y trompent pas et refuseront de réagir en décembre 1851. " Le milliard que BARBES a demandé pour nous aux riches, c'est BONAPARTE qui nous le donnera ", entend-on mais les ouvriers s'agaceront désormais des cris des Tartuffes républicains car ils ont tiré la leçon des barricades. Pour eux, le socialisme ne sera plus qu'une affaire de ventre.

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(Sourece malheureusement inconnue)

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