Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

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DISCOURS PRONONCES LORS DU DEPART DU PREMIER CONVOI

8 OCTOBRE 1848

Discours de TRELAT, Président de la Commission des Colonies Agricoles de l'Algérie

C'est au nom de la Commission de Colonisation que je dois vous adresser quelques paroles.

Monsieur le ministre de la Guerre nous a fait l'honneur de nous désigner pour disposer les éléments de notre colonie d'Afrique. Depuis 12 jours nous avons passé avec vous nos heures de jour et de nuit. Vous êtes venus devant la Commission avec vos vieux parents, avec vos femmes et vos enfants. Nous avons vu vos souffrances, nous avons admiré votre fermeté, votre courage, nous vous avons tous observés et aimés plus encore s’il est possible que nous ne vous aimions auparavant. Nous n'avons dissuadé de leur résolution que ceux auxquels Dieu n'avait pas donné la force d'entreprendre un pareil voyage et de faire les efforts imposés par la colonisation naissante. Nos refus ont été écoutés avec la même douceur, avec la même vertu que notre acceptation. Ce qui caractérise cette expédition féconde pour l' avenir c'est l'esprit de famille que nous avons étudié chez vous et qui nous a si profondément touchés dans les rapports que nous venons d'avoir ensemble et dont le souvenir ne s'effacera pas. Ce que vous avez été ici vous le serez en Afrique dans notre France nouvelle conquise par le courage de nos soldats, arrosé de leur sang et que vont désormais féconder votre ardeur infatigable et vos vertus populaires. Vous trouverez une terre fertile mais à laquelle il faut beaucoup de travail. C'est par le travail que vous deviendrez propriétaires. Famille, propriété, amour de la patrie. tout est là, chers concitoyens. Et, à cet égard, nous qui vous avons vu de si près nous trouvons ici le gage assuré de l'avenir, nous sommes tranquilles sur le dépôt que vous confie la mère patrie.

Plus vous aurez souffert et plus vous serez forts, car ceux-là seuls sont véritablement hommes qui ont été éprouvés par l'adversité. La douleur est une puissance que Dieu a donné à l'homme pour l'attirer à lui et pour l'élever au-dessus des faibles. Quelles que puissent être les difficultés que vous rencontrerez, vous saurez les dominer par votre intelligence exercée, par votre tendresse pour la famille, par votre mâle vigueur. Vous saurez entreprendre et réaliser tout ce que vous aurez à faire, car vous avez avec vous vos femmes, vos enfants et, de plus, les leçons du passé et, en vue, la conquête de l'avenir.

Le découragement est impossible, vous vous appuierez les uns sur les autres. Il y a quelques instants, je voyais pleurer une mère, non par crainte de son départ, mais parce qu'elle quittait sa mère. Ceux qui l'entouraient lui ont dit : " Ne pleurez plus ; nous qui sommes ici, nous sommes tous votre famille ". Admirables paroles qui se retrouveront plus d'une fois dans vos bouches, parce qu'elles sont au fond de toutes vos âmes !

Adieu, chers concitoyens, et au revoir car nous irons vous visiter dans votre nouvelle France. Faites-la pareille à celle que vous quittez; fécondez-là : son avenir, sa richesse, sa prospérité, sa grandeur sont en vous. Que Dieu développe ce germe précieux ! A la famille vous donnerez l'aisance et à la France tous les fruits de sa glorieuse conquête.

Adieu, Adieu ! Vive la République !

Discours du général de LAMORICIERE, ministre de la Guerre

Chers concitoyens, au moment où vous quittez Paris pour aller chercher par-delà les mers cette France nouvelle qui vous attend, je viens vous apporter le vœu du Gouvernement de la République pour le succès de cette entreprise qui est celle de la Patrie toute entière. La colonisation de l'Algérie est la grande chose, la plus grande peut-être que la France ait à entreprendre de nos jours. C'est l'entreprise du pays tout entier car vous êtes ses enfants et il vous suivra d'un œil plein d'intérêt et de sollicitude au milieu de ces plaines qu'on va vous partager. C'est l'entreprise du pays tout entier, car les millions qui doivent assurer votre bien être et celui de vos familles ce sont les représentants de toute la France qui les ont votés ; ils les ont fournis par l'impôt que paient tous vos concitoyens, c'est le sacrifice de ceux qui possèdent à ceux qui ne possèdent pas pour assurer leur avenir par la propriété.

Le Gouvernement de la République connaissait toutes vos souffrances, toutes vos douleurs, permettez-moi de dire toutes vos misères. Depuis longtemps il est fermement décidé à y porter remède, mais ce qu'il veut c'est un remède efficace, durable, définitif, pour ceux-là du moins qui voudront chercher l'aisance par les seules voies qui puissent y conduire : le travail et la moralité.

Ce n'était point un remède ces travaux factices auxquels un grand nombre d'entre vous ont peut-être été employés. Ils épuisaient le trésor sans qu'on pût apercevoir une limite aux sacrifices qu'ils imposaient. L'activité reviendra sans doute à laplupart de ces industries qui vous donnaient jadis un salaire mais, croyez-moi, le luxe de la monarchie et tout ce qui gravitait autour d'elle ne reviendra pas de longtemps, s'il doit jamais revenir. C'est à la terre aujourd'hui qu'il faut aller demander une existence moins incertaine et qui soit assurée contre les fluctuations du commerce de luxe et les excès de la concurrence.

Les travaux que vous allez entreprendre seront durs et pénibles, ils seront pour vous une rude épreuve. Les champs que vous allez défricher sont fertiles, ils seront à vous. Les fruits qu'ils produiront, vous n'aurez point à les partager et vous avez la certitude d'arriver à vivre dans l'aisance avec vos familles.

Dans cette vie de labeur et d'épreuves, aidez-vous les uns les autres. N'oubliez pas que la Patrie a fait inscrire sur le drapeau que je vous apporte en son nom le mot Fraternité. N'oubliez pas ce mot sublime que tant de gens ont à la bouche et que si peu ont dans le cœur; qu'il ne soit pas pour vous un vain symbole ; pratiquez-la cette fraternité, qu'elle passe dans votre vie, dans vos œuvres de tous les jours. C'est une grande et belle mission que celle qui vous est réservée, car en arrivant à l'aisance, et peut-être à la fortune, vous travaillerez encore pour la Patrie. Vous travaillerez pour elle car c'est à vous qu'il est réservé de lui assurer à jamais la possession de la conquête qui a coûté tant d'or et de sang.

C'est au travail intelligent et civilisateur d'achever ce que la force a commencé. La poudre et la baïonnette ont fait en Algérie ce qu'elles pouvaient y faire. C'est à la bâche et à la charrue d'accomplir leur tâche.

Vous vous associerez à cette grande pensée patriotique qui soutiendra votre courage et votre persévérance : ils ne faibliront pas et s'il était besoin de les soutenir rappelez-vous que ces plaines que vous allez féconder de vos sueurs ont été longtemps arrosées du sang de vos frères de l'armée, qui l’ont versé pour vous et sans espoir de récompense.

Avant de vous quitter, permettez à un ancien soldat d'Afrique de vous dire que si jamais en défrichant vos champs vous trouvez dans les broussailles une croix de bois entourée de quelques pierres, il vous demande une larme ou une prière pour ce pauvre enfant du peuple, votre frère, qui est mort là en combattant pour la patrie et qui s'est sacrifié tout entier pour que vous puissiez un jour sans même savoir son nom, recueillir le fruit de son courage et de son dévouement.

Discours de DUFAURE, ministre de l'Intérieur

Citoyens, au nom du Comité de l'Assemblée Nationale qui s'occupe des affaires d'Algérie, je viens vous adresser quelques paroles d'adieu.

Par les conversations que nous avons eues avec quelques-uns de vous, avec un grand nombre de vos camarades absents, nous avons vivement compris l'état de désordre dans lequel sont jetées toutes les industries qui vous occupent habituellement. Nous avons cherché, d'accord avec le ministre de la Guerre, le brave général LAMORICIERE, un moyen de fournir à vos bras un travail utile pour vous et pour votre pays. Nous croyons l'avoir trouvé en vous offrant pour les cultiver quelques unes des terres inoccupées que la France possède en Algérie. L'Assemblée Nationale a sanctionné nos vues ; une commission laborieuse et éclairée a préparé votre départ. Ces terres ont été fertiles autrefois, elles le redeviendront sous le soc de vos charrues. Vous allez être propriétaires ; ne vous figurez pas cependant que la terre donne d'inépuisables trésors à qui ne la travaille pas. Non ! elle impose au contraire les plus rudes labeurs, elle veut que l'homme qui la possède soit toujours courbé sur elle, qu'il la baigne de ses sueurs, mais elle nourrit généreusement qui la cultive. Vous sentirez un jour combien on s'attache à elle, quel lien sacré unit la terre à l' homme, quel droit inviolable se forme de l'une sur l'autre et, à la fin de votre laborieuse carrière, vous trouverez aussi naturel et aussi légitime de laisser en héritage à vos enfants la terre que vous possèderez que de leur laisser le nom même que vous portez et l'estime dont vous avez su l'entourer.

Il y a quelques années, je vous aurais parlé de luttes sanglantes engagées dans la province d'Oran où vous allez vous établir. Grâce à l'héroïque vaillance de nos soldats, de vos frères, il n'en est plus question. Les ennemis que nous y trouvions sont domptés et soumis. Vous y rencontrerez partout, écrits en caractères glorieux et ineffaçables à côté d'autres noms illustres, les noms des généraux CAVAIGNAC, de LAMORICIERE, CHANGARNIER, BEDEAU, et vous ne penserez pas sans quelque confiance qu'après avoir concouru à la conquête des champs que la Patrie vous donne, ils sont assis maintenant dans l'Assemblée Nationale, veillant sur votre sort et applaudissant aux succès d'une autre nature que vous obtiendrez. Au surplus, songez-y bien, vous laissez Paris, mais non votre Patrie. C'est encore la France que vous retrouverez là-bas. Là-bas comme ici, vous jouirez des droits de citoyen français, vous concourrez par votre vote à nous envoyer des collègues à l'Assemblée. Là-bas comme ici, la République aura les yeux sur vous et étendra sur vous sa haute et généreuse protection.

Partez donc avec courage et avec espoir, Dieu qui vous donne le pouvoir et la volonté de travailler, bénira les efforts que vous ferez pour assurer votre avenir et celui de vos enfants. Et dans toutes les circonstances, n'oubliez pas que vous avez au cœur de l'Assemblée Nationale des concitoyens dévoués qui vous accompagnent et vous suivent toujours de leurs vœux sincères et fraternels.

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