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Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

SID AHMED BENALIOUA

1956-2015

DE SOUGUEUR A MOSTAGANEM : Sid Ahmed Benalioua, un prodigieux itinéraire musical
 

Sid Ahmed Benalioua n'était pas Noiséen de naissance, il était en effet né à Trézel, aujourd'hui Sougueur, mais il a demeuré et travaillé plusieurs années à Aïn-Nouissy. C'est donc à ce titre que sa biographie figure ici.

Sid Ahmed Benalioua, le chanteur et virtuose de l’association mostaganémoise « Ibnou Badja » de musique andalouse, est décédé le mardi 29 septembre 2015 à Mostaganem, à l’âge de 59 ans. Dans la vie comme sur scène, Sid Ahmed était très apprécié, autant pour ses grandes qualités humaines que pour ses connaissances musicales qu’il mettait généreusement à la disposition de ses élèves de la classe d’initiation. Avec cette disparition, Mostaganem en berne, perd un artiste chevroné, au talent multiple, qui a beaucoup donné à notre ville.

Sid Ahmed  Benalioua, chanteur et musicien de l’association ibnou Badja de musique andalouse était un artiste doué d’une grande sensibilité. Instrumentiste et soliste hors pair, le regretté chanteur excellait aussi bien dans le chant andalou, le Hawzi et Aroubi, ainsi que dans le chant chaabi, style dans lequel il retrouvait, une remarquable ingéniosité.

Personnalité artistique très attachante, Sid Ahmed Benalioua restera pour Mostaganem, comme l’un des principaux fondateurs de l’association Ibnou Badja de musique andalouse, où musicien-enseignant, il y formera depuis juin 2004, date de création de la classe d’initiation, de nombreuses pépinières de jeunes musiciens.

Sid Ahmed Benalioua est né le 25 avril 1956 à Mostaganem mais grandira et fera sa scolarité à Sougueur, dans la wilaya de Tiaret, où sa famille s’installera quelques mois après sa naissance.

Chanteur et musicien émérite dans l’association ibnou Badja, Sid Ahmed Benalioua s’investira pendant de longues années dans le premier palier, réservé aux benjamins de l’association, où son engagement dans la formation, fut aussi absolu que sincère. Homme de terrain, il avait développé en tant que professeur, une remarquable pédagogie qu’il mettra au service de ses jeunes élèves. De plus, sa modestie et sa timidité quasi révérencieuse ainsi que son amabilité et son naturel réservé, le tenaient loin des projecteurs et des médias faiseurs de « vedettes ». Ayant une conception toute généreuse de l’Art, il se considérait plutôt comme un simple maillon dans la transmission d’un patrimoine multi-séculaire légué par nos augustes chioukh. Sa voix chaude et suave lui permettait d’aborder plusieurs registres musicaux avec une égale maestria. Et du chaabi au hawzi, en passant par le medh et l’andalou, le ravissement était toujours là. Ayant grandi dans un milieu familial imprégné de musique Chaabi, Benalioua affinera ses prestations et développera, dans ce genre populaire, une touche personnelle qui était très appréciée par de nombreux amateurs.

De son vivant, Sid Ahmed Benalioua -qui vouait une grande admiration pour le chanteur Algérois Abderrahmane El Kobi – n’a jamais été attiré, ni par la facilité ni par le plagiat, procédés devenus hélas aujourd’hui, un « label » pour certains « imitateurs » en mal de notoriété. De ce fait, il pouvait chanter avec une déconcertante aisance, le répertoire d’El Aachab, d’El Anka ou même d’El Kobi… sans laisser transparaître une quelconque obédience.

Mais comment Sid Ahmed Benalioua est-il venu à la musique ?

Le jeune Sid Ahmed grandira dans une famille de mélomanes. Dans le salon de la maison, trônait un vieux piano qui attirait irrésistiblement le jeune garçon et les airs de chaabi, que son paternel écoutait sur son pick-up berceront sa prime jeunesse. De plus, la guitare offerte par l’oncle Tahar au frère Mohamed, était toujours à portée de main. Comment dès lors ne pas succomber à tous ces « joujoux musicaux » ?

Jeune adolescent, il forme à Sougueur, avec l’aide de ses frères et de camarades musiciens, son tout premier orchestre chaabi. C’était à la fin des années soixante. Quelque temps après, une belle opportunité va se présenter à notre jeune chanteur. En effet, le passage à Sougueur, de l’émission « inter-lycées », va lui donner l’occasion de passer sur la Radio Nationale où bon nombre d’auditeurs découvriront avec ravissement une voix agréablement mélodieuse. Il était alors âgé d’à peine 13 ans. Peu à peu, le chant des sirènes se fait de plus en plus andalou et la çan’aa algéroise qu’il écoutait sur sa radio, l’attire et l’envoûte. Les chanteurs mohamed Khaznadji et Sadek Bedjaoui le subjuguent. Voulant pénétrer les arcanes de la Nouba, il se tourne vers sa ville natale, cité qui connaît depuis 1967, une résurgence de la musique andalouse grâce à l’heureuse initiative de Hadj Bouzidi Benslimane (1912-1990), un ancien du « cercle andalou » du cheikh Habib Bentria (1902-1950).Cette quête de la çan’aa l’obligera ainsi à faire de longs et fréquents déplacements vers Mostaganem où brillait la prestigieuse association andalouse de Nadi El Hillal Ettakafi, placée alors sous la houlette d’un proche parent, le Maître Moulay Ahmed Benkrizi, un ancien sociétaire d’El-Djazairia-El-Moussilia et élève du maître Hadj Omar Bensemane. Pour notre jeune de la lointaine Sougueur, l’immersion dans le monde andalou, se fera durant les années soixante-dix, juste après que Cheikh Moulay ne prenne la direction musicale du Nadi. Patiemment, pendant de longs mois, le jeune Benalioua s’abreuvera de musique andalouse. Avec zèle et application, il étoffe ses connaissances et à chaque retour à Sougueur, il emmène dans ses bagages, des enregistrements qui l’aideront à peaufiner son apprentissage. L’osmose avec la Nouba s’opérant d’une façon harmonieuse, Sid Ahmed aura dans l’idée de fonder une formation de musique andalouse, projet qu’il soumettra à son aîné Mohamed. Après la création de la troupe musico-théâtrale « les Nadoristes » en 1974, son rêve se réalisera en 1977, année où il créera avec l’aide de ses frères Mohamed et Mustapha, la « troupe musicale El Amel », qui aura  vite la carrure d’une association, devenant « Association El Amel de musique andalouse ». La Nouba andalouse venait d’être semée à Sougueur, daïra agro-pastorale de l’arrière-pays de la wilaya de Tiaret.

Au cours de cette même année 1977, l’association signe à Tlemcen sa toute première participation à un festival.

De 1978 à 1982, Sid Ahmed prépare en Hongrie, un diplôme en électromécanique, délégant de ce fait la direction de l’association à son frère Mohamed. Et d’année en année et de festivals en festivals, aussi bien à Tlemcen, à Alger, Blida ou Constantine, la jeune association ira se bonifier au contact d’ensembles chevronnés, ce qui lui permettra de relever ses prestations et de nourrir l’espoir d’intégrer un jour, le gotha de la çan’âa. Et le travail paiera puisque à Alger, au cours d’un festival, ses performances lui vaudront de recevoir les félicitations de Sadek El Bidjaoui et celles de Ahmed Serri, qui depuis Constantine, saluera la gageure des fondateurs d’« El Amel », d’avoir pu implanter la çan’âa dans une contrée pastorale que rien ne prédisposait à la musique andalouse. Le vent en poupe, l’orchestre sera sollicité par la RTA pour des enregistrements, ce qui lui permettra de toucher ainsi un large public.

De Sougueur à Mostaganem et du Chaabi à la Nouba

Vers la fin des années quatre-vingt, Sid Ahmed Benalioua est affecté à l’Oravio (office régional avicole de l’ouest) d’Ain Nouissy, dans la wilaya de Mostaganem. La tête foisonnant de projets et n’écoutant que sa passion, Sid Ahmed se lancera un palpitant challenge, celui de créer un orchestre, prélude à un rêve andalou qu’il gardera dans ses tréfonds. Après bien des appréhensions, l’aventure se met en branle et connaîtra ses prémices en ce mois de mai 1999, quand Sid Ahmed soumettra son idée à Khlifa Mohamed, un ancien musicien du Nadi. L’idée reçoit l’assentiment enthousiaste de Fayçal Benkrizi, un autre ancien du Nadi et fils cadet du maître Hadj Moulay. L’idée prend peu à peu corps, et en 2001, suite à une assemblée élective, sera créée l’Association « Djemaiet Hadj El Bouzidi Benslimane », qui fera malheureusement long feu, en raison de certaines considérations exogènes qui annihileront le projet. Mais qu’à cela ne tienne, ce contretemps n’affectera pas pour autant la dynamique enclenchée, puisque le 24 février 2002, suite à une nouvelle assemblée constitutive, naîtra l’association « Ibnou Badja » de musique andalouse, qui élira domicile, après bien des péripéties, à la toute nouvelle maison de la culture de Mostaganem, dirigée alors par Mostefa Abderrahmane. Sid Ahmed Benalioua sera le premier président de la jeune association.

Depuis cette date, le défunt investira et jusqu’à sa maladie, une abnégation peu commune et une remarquable ardeur, qu’il servira avec un talent rare et une admirable générosité. Que dire d’autre du regretté disparu, sinon que sa culture musicale s’étendait vers d’autres rivages, essentiellement vers la musique classique universelle et le jazz. Entre son travail, l’enseignement et les répétitions, il trouvait le temps de bichonner sa jardinière, à décorer ses pots, à planter des graines… Et en cela, sa candeur était profondément humaine, et sa main verte était aussi généreuse que son cœur.

Chanteur racé et musicien virtuose, Sid Ahmed Benalioua laissera un souvenir impérissable, aussi bien dans son association que parmi les nombreux mélomanes mostaganémois, qui regrettent déjà sa voix chaude et mélodieuse, mais aussi son humilité, sa bonhomie et son perpétuel sourire qui rayonnait à tout bout de champ. Le regretté artiste était père de trois enfants, et tous ont été musiciens dans l’association ibnou Badja. Quant à ses anciens élèves qui font présentement le bonheur du grand orchestre d’Ibnou Badja, chaque note égrenée et chaque frottement d’archet, leur rappellera un professeur attentionné et ô combien patient, qu’il leur aura permis, à l’instar d’un père prévenant, de faire les tous premiers pas dans le monde féerique de la musique andalouse, grâce à des cours qui étaient des moments de pur délice où la note avait un gout de praline.

Merci cheikh pour tout ce que tu as fait pour la musique ; pour tout ce que tu as donné à tes élèves. Merci pour ta générosité, ta gentillesse, ta simplicité, et pour ta merveilleuse sollicitude. Merci pour nous avoir offert ces moments de pur bonheur qui chantent encore en nous. Les jours et les années passeront, mais ton souvenir grandiose, luira éternellement dans nos cœurs.

Dieu t’agrée en son Vaste Paradis.

Adieu l’Artiste !

Dr Mahfoud Bentriki


Source : Site internet « Bonjour de Sougueur »


 

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