Histoire avant 1848
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3 avril 2016

L'HYDRAULIQUE AU SECOURS DE L'AGRICULTURE : L'EAU DU MAO VIVEMENT ATTENDUE À MOSTAGANEM.

Au niveau local, on tente de remédier au plus urgent en concédant les anciens forages destinés à l’AEP aux agriculteurs riverains, et à coup d’autorisations de forage accordées au cas par cas, selon la nécessité strictement absolue. Seulement, l’impact se révèle limité, et le salut de l’agriculture, et en particulier de l’arboriculture, à Mostaganem demeure tributaire de l’initiative et de la décision dont seules les instances centrales du pays sont capables ; la solution étant une affaire de gros sous qu’il faut consentir pour acheminer l’eau des barrages jusqu’à la parcelle à irriguer. Au fil des ans et des saisons, l’agrumiculture est confrontée à la préoccupation majeure de la sécheresse et de l’insuffisance des irrigations, alors qu’à quelques encablures du vaste bassin arboricole du Plateau de Mostaganem, l’eau stagne, dans les deux barrages du MAO, remplis au comble presque de leur capacité, mais surtout quasiment inexploités depuis la mise en service de la station de dessalement de Sonaghter ! La population des centres urbains et douars dispose amplement de quoi boire, mais les terres et les spéculations agricoles vivotent, au gré d’un couteux forage au débit devenu très aléatoire.‘’Actuellement, rarissime est le fellah qui irrigue copieusement son verger au point d’exaucer le besoin optimal de l’arbre. En plus, aucun forage ne fournit le débit suffisant. Tout juste, nous nous efforçons d’assurer le minimum vital, afin de préserver le capital que sont les arbres. Peut-être que nos décideurs d’en haut daignent bien éprouver pitié à l’égard de ce malheureux secteur de l’agriculture !’’, affirme Habib, ingénieur agronome membre d’une exploitation agricole collective établi à Bouguirat. Des fellahs dépités à l’instar de cet ancien cadre du secteur autogéré, font légion à travers la daïra de Bouguirat qui possède l’un des plus vastes bassins agrumicoles, non seulement de la wilaya de Mostaganem, mais de tout l’Ouest de l’Algérie. Se distinguant parmi la branche particulière de l’arboriculture, les clémentines de Zwaâria, tirant profit d’un sol léger et d’un microclimat très caractéristique, étaient les premières à être mises sur le marché, dès le mois d’octobre. Arrivant à maturité avant tous les autres citrus, et de par leur goût muscade prononcé, elles faisaient allègrement concurrence à celles de Misserghine, le berceau de cette variété mise au point par le père Clément, de Mohammadia ou de Relizane. Leur succédant, des navels dont se distinguaient les belles et juteuses ‘’Thomson’’, à la qualité ‘’bio’’ avérée bien avant l’ère des ‘’Ecolos’’ et du développement durable, réjouissaient le consommateur français de métropole, à la veille de Noël, et durant tout l’hiver, en attendant que les ‘’doubles fines’’ et les ‘’Valencia Late’’ ne prennent le relai. Autres temps, autres mœurs ! Mais aussi autres climat, agriculteurs et décideurs !
Les somptueuses orangeraies, aux fruits savoureux, gorgés d’eau, avaient amorcé leur déclin véritable. Dans un premier temps, le désastre commence au début des années 80, avec l’imposition de normes bureaucratiques pour la conduite culturale dans une agriculture alors administrée. Les cultures étaient entretenues, sarclées, taillées ou irriguées à la ‘’dose’’ prescrite par une fiche technique et plus jamais en fonction de leurs besoins effectifs. Avec le développement fulgurant de la plasticulture et des cultures maraîchères, notamment la pomme de terre et surtout les pastèques, moins onéreuses et extrêmement lucratives, mais aussi davantage gourmandes en eau, l’agrumiculture allait ostensiblement péricliter. Jusqu’à la moitié des années 70, le val de Bouguirat reposait sur une gigantesque nappe phréatique, à fleur de sol en certaines ‘’merdja’’, fournissant une eau si douce, abondante, et bienfaitrice, avec même des poissons et autres anguilles, se reproduisaient allègrement dans les lagunes creusées par les anciens colons dans l’enceinte du verger agrumicole. Depuis, conjuguée et accélérée par le réchauffement climatique, la rareté de l’eau a commencé à se faire sentir. Très rapidement les sources et l’eau à gogo qui faisaient la richesse et la fierté de la région s’asséchèrent, parfois presque à vue d’œil, plongeant dans l’embarras des agriculteurs qui, entre-temps avaient bénéficié de la restructuration des anciens domaines autogérés. L’irrigation estival d’appoint devint nécessité impérieuse du début du printemps à la fin de l’automne. Ce sera l’impératif, voire la condition sine qua non du développement agricole en général et de l’agrumiculture en particulier. Au malheur ‘’naturel’’ d’une nappe phréatique qui s’amenuise et d’une eau qui se raréfie, vint s’ajouter la privation d’opérer le moindre forage, désormais soumis à une autorisation difficile à obtenir. En visite dans la région en juillet 2003, Abdelmadjid Attar, alors ministre des Ressources en eau, s’est montré très embarrassé devant un agriculteur qui réclamait juste un peu d’eau pour sa jeune plantation arboricole que l’État avait subventionné, par ailleurs ! L’espoir viendrait probablement de la mise en chantier du mégaprojet MAO, se consolait-on, autorités locales et population, à l’époque. On comptait énormément sur la valorisation des eaux du long Cheliff pour ‘’soulager’’ la nappe phréatique du plateau de Mostaganem, et de là, revigorer l’agriculture de toute cette contrée. Le val de Bouguirat retrouverait alors sa luxuriance perdue, ambitionnait-on déjà, officiellement.
Aujourd’hui, alors que la station de dessalement de Sonaghter, pourvoyant largement au besoin en AEP de la population de son territoire de desserte, à la cadence en H/24 tant vantée, a désormais réduit au rôle d’alternative de sécurité le complexe hydraulique (MAO), opérationnel avec ses deux grands barrages de Chlef et Kerrada, d’une capacité totale de 120 millions de m3 d’eau, qui emmagasinent, mal an, bon an, et au bas mot, les 2/3 de cet énorme potentiel, les fellahs continuent à tenir, avec déception et amertume, leur mal en patience, dans l’attente lassante que le département ministériel s’exécute et débloque l’enveloppe financière nécessaire au transfert de l’eau par l’aménagement du périmètre irrigué salutaire dont l’étude technique est quasiment finalisée.

M. Ould Tata


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