Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

Vendredi 22 Juillet 2011

EL HASSIANE : UNE ANNEXE DANS LES OUBLIETTES.

Celui qui, de passage, s’arrête à El Hassiane, n’en reviendra pas. Le temps d’un regard furtif il s’apercevra d’emblée qu’il se trouve dans une contrée abandonnée. Nul besoin de faire le tour des maisons pour se rendre à l’évidence qu’en Algérie il existe en 2011, des citoyens vivant dans un monde autre que le nôtre.

Une équipe de Réflexion est allée à la découverte de ce monde.Elle est revenue avec des images frappantes qui parlent d’elles-mêmes nous laissant perplexes. Un passager, non averti, habitué au grand monde, est resté planté, bouche bée avant de se ressaisir et s’interroger. Cette localité, non loin du chef-lieu de wilaya, aurait-elle été maudite ou frappée d’un quelconque sort ? A El Hassiane il y a des hommes, des femmes et des enfants dont les aïeux ont toujours vécu sur ces terres que le climat à défigurées parce que l’eau manque énormément. Géographiquement, El Hassiane se trouve au Sud du chef-lieu de wilaya à environ 25 Km. Cette bourgade est délimitée au Sud-Est par la commune de Sirat, au Sud par Mohammadia, à l’Ouest par fornaka, au Nord-Ouest par Beni Yahi, Aïn Nouissy et au Nord-Est par Aïn Sidi Cherif. El Hassiane, ce qui signifie « puits » au pluriel (Hassi = puits), relève administrativement de la commune de Beni Yahi depuis 1992. Ladite annexe est gérée par M. Berassa Mohamed, en qualité de délégué, qui est membre de l’APC du chef-lieu de commune. Ce dernier remplit les fonctions d’un maire d’une petite commune. Le bureau de l’annexe d’El Hassiane fonctionne avec deux agents : M. Baâïzia Mohamed chargé administrativement, sous la responsabilité du délégué, de la gestion de l’annexe, dont la fonction se limite à la signature des documents ordinaires d’état civil : extraits d’actes de naissance, de décès, légalisation de documents. Il est secondé par une jeune filler affectée dans le cadre de l’emploi de jeunes dont la fonction se limite à la saisie et à la rédaction des documents sus-cités. A notre visite au bureau de l’annexe, M. Baâïzia s’est refusé de répondre à nos questions prétextant qu’il n’était pas mandaté pour cela et qu’il nous fallait prendre attache avec le P/APC de Beni Yahi, seul habilité à recevoir la presse. Les seules réponses que nous avions pu obtenir de M. Baâïzia étaient superficielles, voire d’ordre général, loin des préoccupations des habitants et des jeunes de ladite localité. Des problèmes en tous genres existent et demeurent, selon les quelques citoyens que nous avons interrogés, insolubles depuis des années. Les habitants eux-mêmes ne savent pas pourquoi tant de réticences de la part des responsables chargés de la gestion de leur localité, alors qu’ils ne demandent rien d’autre sauf que l’on s’occupe d’eux. La population d’El Hassiane est évaluée à environ 1900 âmes. La superficie globale de la commune de Beni Yahi, El Hassiane inclue, est estimée à 40 ha. La commune de Beni Yahi est à vocation agricole. L’arboriculture et la culture maraîchère y prédominent. La culture sous serre est abondante et joue un rôle régulateur entre les saisons. Une grande importance est accordée à cette pratique agricole par les fellahs de la commune qui a fait ses preuves.
Développement économique :
Sur le plan économique, l’annexe d’El Hassiane accuse un retard considérable en ce sens qu’il n’existe aucun projet susceptible de faire sortir cette bourgade de l’isolement. Une seule petite entreprise de plâtre existe à El Hassiane et fonctionne tant bien que mal. Hormis quelques épiceries, deux café, un petit restaurant et quelques autres échoppes, le commerce piétine en ce lieu. Les locaux commerciaux initiés par le Président de la République sont abandonnés pour diverses raisons. Situés en des endroits retirés, certains d’entre eux demeurent fermés. Selon certains jeunes rencontrés sur les lieux, ces locaux commerciaux ne répondent pas à leurs aspirations et ne sont pas rentables.Mr. Barka M., vétérinaire, a obtenu un local mais n’a pas trouvé une activité appropriée au lieu dit. Il a, en fin de compte, opté pour le ‘’Flexy’’, une activité qui n’exige pas de matériel important ni de dépenses excessives. Au fond de lui-même le jeune Barka regrette de ne pouvoir exercer le métier pour lequel il a été formé. Même s’il dispose d’un local, acquis en 2010, il lui faut à présent acquérir le matériel nécessaire à l’exercice de la profession de vétérinaire. Tel est le problème auquel se trouve confronté ce jeune. Un autre jeune a opté pour la coiffure pour hommes et un autre pour l’alimentation générale. Sur les 20 locaux communaux réalisés, seulement le 1/3 est opérationnel. Les autres demeurent fermés à ce jour.
Les jeunes et le travail :
A El Hassiane les jeunes éprouvent d’énormes difficultés à se procurer du travail. En dehors des travaux aux champs, il leur est difficile d’occuper un emploi quelconque, vu que la localité ne dispose d’aucune infrastructure ni entreprise susceptibles de leur offrir du travail. Ici, même le commerce informel ne réussit pas. Tous les jeunes avec lesquels nous nous sommes entretenus tiennent le même langage et rencontrent les mêmes difficultés. Même les universitaires, hormis deux jeunes filles licenciées recrutées dans le cadre du dispositif du DAIP, dont l’une est à l’annexe et l’autre au bureau de poste, éprouvent du mal à se faire embaucher. Mr djeled Mohamed, 25 ans, titulaire d’un diplôme d’ingénieur d ’Etat en sciences de la terre, géographie et aménagement du territoire (bac + 5) est au chômage depuis sa sortie de l’université. Karim, 24 ans, a interrompu sa scolarité après la classe de 8 ième année fondamentale. A part les petits boulots temporaires, il est constamment au chômage. « J’aimerais bien travailler, mais où ? », nous lance t-il. Mansour, 28 ans, a fait une formation en soudure mixte mais ne trouve pas de travail à El Hassiane où il n’existe ni atelier ni aucune entreprise du genre. Dans cette bourgade, les universitaires comme ceux qui ne possèdent pas de niveau scolaire sont confrontés aux mêmes aléas de la vie. L’agriculture, seul créneau vers lequel les jeunes se dirigent d’ordinaire, ne peut, à lui seul, répondre à la forte demande des postulants à un travail. Tel est le sort de la population juvénile d’El Hassiane.
Le secteur de la santé :
La localité d’El Hassiane dispose d’un seul centre de santé pour l’ensemble de la population de l’annexe, y compris les douars qui lui sont rattachés, excepté celui de Kahla qui dispose de son centre de santé. Le personnel médical et paramédical se limite à un médecin généraliste, deux infirmières et une secrétaire médical. Le centre comprend le bureau du médecin, une salle de soins et une salle d’attente. Les locaux sont exigus et se trouvent dans un état de délabrement avancé. L’hygiène y fait défaut, certainement par manque de femme de ménage. Le médecin effectue des consultations à raison d’une fois par semaine à savoir le dimanche. Selon les infirmières, les malades démunis, notamment les diabétiques et les hypertendus, viennent régulièrement au centre pour un contrôle ou pour des injections. La vaccination des bébés de 1 à 18 mois est effectuée régulièrement. En ce qui concerne les femmes enceintes, vu que la bourgade d’El Hassiane ne dispose pas de maternité, celles-ci se rendent à Aïn Nouissy pour leur suivi prénatal et poste natal. Pour une bourgade de près de 1900 âmes, une maternité est plus que nécessaire pour le suivi des mamans et leurs bébés, sachant par ailleurs que toutes les familles ne disposent pas de véhicules personnels pour transporter leurs épouses vers Aïn Nopuissy en cas de complication. A la question posée aux infirmières sur les problèmes rencontrés la réponse était la suivante : « Etant donné les coupures fréquentes de courant électrique, nous ne pouvons garder les vaccins dans le frigo. Ce qui nous oblige à nous rendre régulièrement à Aïn Nouissy pour nous approvisionner ». L’autre infirmière nous parle du matériel utilisé au niveau du centre qui nécessite d’être renouvelé, en raison de son ancienneté, comme par exemple les thermomètres, le tensiomètre, le pèse personnes etc.… « Les patients se montrent parfois récalcitrants et refusent d’admettre que nous manquons de matériel et que cela dépasse le cadre de nos responsabilités », ajoute l’autre infirmière désemparée. « Le centre manque d’agent de sécurité car très souvent nous sommes victimes d’agressions verbales de la part de certains citoyens mécontents », dira l’une des deux infirmières. Selon des sources crédibles, le centre de santé d’El Hassiane a reçu la visite du directeur de la santé de la wilaya et du responsable de l’UGTA. Lors de leur visite des promesses avaient été faites concernant la réhabilitation de celui-ci. Depuis, aucune suite n’a été donnée. Il est certain que ces carences sont ressenties par les citoyens qui se font une mauvaise idée de la qualité des soins prodigués et du sérieux même de l’établissement quant à la mission dont il est investi. Que peut apporter un centre de santé cloîtré dans un espace hermétique, face à une population mue par le sentiment d’être livrée à elle-même ?
Le bureau de poste :
Nous avons été surpris par l’attitude de M. M.K., préposé au bureau de poste, qui se refusait à tout commentaire. M. M.K. nous a fait d’emblée savoir qu’il n’était pas disposé à répondre à nos questions prétextant qu’il avait reçu ordre de la direction d’Algérie poste de ne répondre aux journalistes que s’ils sont munis d’une autorisation émanant de lui. M. M.K. nous a quand même permis de consulter le registre des consignes gisant sur le comptoir. Parmi les réclamations figurait celle relative au branchement à la ligne téléphonique que les citoyens ne cessent de réclamer. On nous fit savoir que lors de la visite de M. le wali, il a été décidé la réalisation d’un mini centre téléphonique mitoyen au bureau de poste. L’emplacement a été identifié et une plaque, portant l’inscription suivante : ‘’emplacement réservé spécialement au téléphone’’, a été aussitôt planté par l’APC sur le lieu réservé à cet effet. Depuis, aucune suite et la plaque demeure le seul témoin d’un engagement pris un certain jour. Deux personnes travaillent au niveau du bureau de poste : le préposé faisant fonction à la fois de responsable et de facteur. Ce der nier, assumant toutes les tâches, est secondé par une jeune universitaire recrutée dans le cadre de l’emploi de jeunes chargée de la saisie sur ordinateur des opérations effectuées.
Le transport public :
Le trafic est assuré par deux véhicules de type J9 desservant la ligne EL Hassiane – Aïn Nouissy et vice versa. Les passagers désirant se rendre à Mostaganem doivent changer de bus à Aïn Nouissy. Les citoyens se disent excédés, car ils perdent un temps fou entre les attentes et le changement de bus. A cela s’ajoutent les conditions de voyage du fait que les bus sont constamment archi-pleins. Leur souhait est de pouvoir voyager d’El Hassiane à Mostaganem sans avoir à changer de bus à Aïn Nouissy où leur calvaire s’accentue parce qu’il leur faut attendre longtemps avant de prendre le second bus. Ils souhaiteraient alors qu’une solution soit apportée pour les soulager.
Enlèvement des ordures ménagères :
« Beni Yahi a bénéficié récemment de deux camions neufs avec benne tasseuse, tandis qu’à El Hassiane on nous a affecté un tracteur avec remorque », soutiennent certains résidents.

Développement local :
Les seules informations que nous avons pu recueillir après de M. Baâzïa, chargé de l’annexe APC d’El Hassiane, concerne le logement. Dans le cadre du FONAL, 40 logements ont été réalisés et attribués. Il a également été réalisé 3 immeubles de 4 étages chacun. 44 lots ont également été mis à la disposition des citoyens. A El Hassiane il n’y a ni bains ni douches. Les habitants doivent donc se rendre à Aïn Nouissy chaque fois que le besoin se fait sentir. Cependant, selon les informations recueillies auprès des citoyens, il semblerait que certains sont sous loués et que d’autres ont été vendus. Ceci laisse supposer que leurs bénéficiaires n’étaient pas dans le besoin. Il nous a également été confié que certains bénéficiaires sont venus d’autres régions ou des environs. Il en est de même pour le logement FONAL. « Pensez-vous que quelqu’un qui est dans le besoin se permet-il de vendre ou louer son logement une fois acquis ?, nous dit un citoyen en attente d’un logement. « El Hassiane est totalement abandonné. Les rues sont à l’état brut, avec des crevasses et des bosses. En hiver, quand il pleut, les rues sont impraticables et les enfants on t de la boue jusqu’aux genoux. La seule portion de route qui a été recouverte de tapis est celle qui longe la route principale sur une longueur de 600 mètres environ. Les habitants d’El Hassiane affirment qu’à Beni Yahi toutes les rues sont recouvertes de tapis. « La distribution de l’eau se fait à raison d’une heure par jour. Elle est imbuvable en raison de son goût inqualifiable », selon M. Mdjeled. « Certaines habitations datent de l’époque coloniale, comme celle que j’occupe aujourd’hui. Des habitations réalisées à l’époque par la S.A.S. vers les années 1958 » a-t-il poursuivi. Un autre citoyen, M.M.A., 35 ans, père de deux enfants, habite dans un atelier de mécanique où il occupe une pièce de 25 M2 environ. Un rideau sépare l’atelier de la pièce.
Activités culturelles et sportives :
Les quelques citoyens avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont tous signifié que les activités culturelles et sportives sont presque inexistantes. Le centre culturel est souvent fermé. Quand il lui arrive d’ouvrir, les seules activités dispensées se limitent aux jeux de dames et de cartes. Il n’y a pas d’internet. Les quatre machines à coudre mises à la disposition du centre culturel par le CFPA ont été transférées à Beni Yahi. Les enfants comme les jeunes sont livrés à eux-mêmes.
En ce qui concerne les activités sportives, le terrain de foot actuel se trouve dans un piteux état. Le terrain est défoncé et est devenu impraticable en raison des risques d’accident. L’unique terrain Matico qui existe à El Hassiane est pris d’assaut par les jeunes.
Etablissements scolaires :
Deux écoles primaires : l’une à El Hassiane et l’autre au douar Kahla. Puis un C.E.M et pas de cantines scolaires. Les élèves sont servis tout au long de l’année scolaire en repas froids se composant d’œufs durs, de portions de fromage, d’un fruit ou d’un pot de yoghourt, selon les élèves que nous avons rencontrés. Le transport scolaire est inexistant du fait de la proximité des élèves de leurs établissements scolaires respectifs.
Ecole coranique :
Une pièce exigüe, dont le toit est en tôle de fibro ciment et une porte métallique, mitoyenne à la mosquée, est affectée à l’apprentissage du Coran. Les enfants y sont entassés par manque de places. Il y fait une chaleur insupportable.
Nous concluons qu’à la lumière de toutes les informations recueillies auprès des habitants, des jeunes et des enfants scolarisés ; la bourgade d’El Hassiane nécessite une attention tout à fait particulière sur bon nombres de points. « La hogra est à bannir », disent-ils.

M.Bentahar et Doubbi Bounoua Hafidha

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