ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie
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DESCRIPTION DE MOSTAGANEM ET DES VILLAGES ALENTOUR
1855
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Oran, diligence pour Mostaganem et Arzew. – Départs tous les deux jours à 4 heures du matin. – Prix, 15 francs et 6 francs.
Alger à Mostaganem par la mer, aller 2e classe 37,80 francs, 3e classe 25,20 francs.
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MOSTAGANEM. – 76 kilomètres à l’Est d’Oran.
L’hôtel de la Régence est le plus recommandable.
Chef-lieu de la 2e subdivision militaire et résidence d’un sous-préfet.
« Mostaganem, dit M. Victor Bérard, était dans l’antiquité une agrégation de villages nommés Cartenae, dont on trouve les traces moins dans les ruines qui couvent les entours de la ville actuelle que dans leur emplacement sur les flancs d’un ravin que parcourt en serpentant l’Oued-Safra. Léon l’Africain dit que ces divers hameaux furent fondés par les Allemands, ce qu’il faudrait entendre d’une restauration de ces centres de population par les Vandales. Youssouf-ben-Taschefyn l’Almoravide, bâtit au milieu de la ville le château que nous appelons la tour des Cigignes. Les rois de Tlemcen régnèrent longtemps à Mostaganem et y entretinrent une grande propriété. Lorsqu’ils commencèrent à déchoir, le pays s’en ressentit. Sidi-Hamed-ben-Youssouf, de Milianah, voulant peindre l’esprit des habitants, uniquement attentifs aux jouissances grossières, a dit qu’ils « se hâtent de relever les talons de leurs pantoufles pour courir plus vite après un bon morceau ». Kaïreddin-Barberousse s’empara de Mostaganem en 1516 ; il en agrandit l’enceinte et la fortifia. Matemore, espèce de faubourg de l’autre côté du ravin, sur la rive droite de l’oued Safra, fut entouré d’un mur, et bientôt 20 000 habitants jouirent sur ce point de tout le bien-être qu’amène un grand mouvement commercial. Les Maures fugitifs d’Espagne vinrent y tenter de larges exploitations agricoles et transplanter dans ces vallées fertiles la culture du coton.
« En 1558, le vieux comte d’alcaudète parut devant Mostaganem, mais Hassan-Pacha, fils de Barberousse, l’obligea à lever le siège. Le général chrétien se retira à Mazagran, situé à une lieue de là, vers le Nord-Ouest, et manquant de munition, fit démolir un portail antique en marbre qui y existait, pour en faire quatorze boulets, et revint à la charge aux pieds des murs de Mostaganem. Vigoureusement repoussés, les Espagnols se mirent en déroute et foulèrent aux pieds le corps du vieux comte, tombé de cheval en cherchant à s’opposer à leur fuite. L’incurie des chefs turcs, et plus que toute autre cause funeste la présence des milices qui entourèrent longtemps les beys de Mazouna réfigiés dans la ville, contribuèrent à écarter les habitants paisibles et laborieux de ce centre industriel, véritablement favorisé de la nature. En 1792, le bey ayant repris possession d’Oran, évacué par les Espagnols, les habitants de Mostaganem furent transplantés dans cette capitale pour la repeupler, au détriment de leur ville natale. »
En 1830, le commandement de Mostaganem ayant été donné au kaïd Ibrahim, les tribus environnantes refusèrent de reconnaître son autorité, pillèrent les récoltes et détruisirent les maisons de plaisance qui ornaient les abords de la ville. Les combats acharnés que les Turcs livrèrent aux Arabes finirent par amener l’émigration totale de tous les Maures. En 1832, Ibrahim tenant la ville avec les Coulouglis, accepta une solde de la France, à la condition de nous conserver ce poste : il tint parole au-delà même de ses engagements, car pendant bien longtemps il prit sur sa fortune particulière, il vendit même les bijoux de sa femme et de sa fille pour payer les troupes indigènes qu’il avait enrôlées pour le compte de la France. Ce n’est qu’en 1854 que le gouvernement a restitué à ce vaillant et fidèle serviteur les avances qu’il avait faites à sa nouvelle patrie. Le 23 juillet 1833, le général Desmichels vint, avec la frégate la Victoire et 1 400 hommes, occuper Matemore, et ramena les Coulouglis à Oran. Mais à peine était-il parti, qu’Abd-el-Kader assiégea la place et y maintint une espèce de blocus. Par suite du traité du 26 février 1834, un consul de l’émir fut agréé pour résider dans la ville, qui fut conservée à la France par le traité de la Tafna. L’arrêté du 8 décembre 1835 y institua un bey ; celui du 8 mai 1841, en y créant un commissaire cicil, en fit un chef-lieu de district, et l’arrêté du 9 août de la même année créa au bey un entourage de khalifas, d’aghas, de hakems et de kaïds. La délimitation du territoire fut fixée par l’arrêté du 18 juillet 1845.
Située sur le bord de la mer, la ville de Mostaganem doit sa prospérité et son importance à sa position qui en fait le débouché naturel de toute la partie orientale de la province d’Oran. Son port, quelque mauvais qu’il soit, est néanmoins très fréquenté ; l’accès et le mouillage ne sont praticables que par les temps les plus calmes, et dès que l’un des vents du Nord, Nord-Est, Nord-Ouest, ou Ouest commencent à souffler, les navires sont obligés de désemparer, de se maintenir au large ou bien d’aller chercher un refuge à Arzew ou à Alger, selon la direction du vent.
Dans aucune localité de la province l’agriculture ne s’est développée avec plus d’énergie. Un grand nombre de colons ont exécuté des travaux agricoles qui, sous ce rapport, ont exécuté des travaux agricoles qui, sous ce rapport, ont placé cette ville au premier rang parmi toutes celles d’Algérie.
« Dans cette ville, dit M. Jules Duval, l’essor de l’agriculture s’appuie sur un mouvement commercial fort important, qu’alimentent de près des marchés très fréquentés, et de loin les riches plaines et vallées de l’Habra, de la Macta, du Sig, du Chelif, et les massifs montagneux qui, de ces bas-fonds, se relèvent vers Mascara et Tiaret.
Grains, laines, peaux brutes ou préparées, fruits secs (figues surtout et raisins renommés), sont les principaux objets d’exportation : la tannerie, la maroquinerie, l’orfèvrerie, la sparterie, en un mot toutes les industries indigènes que l’on peut voir réunies dans une rue peuplée de Juifs et de Maures, soutiennent sous les Français leur antique réputation. La minoterie y constitue une industrie nouvelle exercée par des moulins à eau et des moulins à vent, qui ont jusqu’à ce jour alimenté, outre la ville, toutes les colonies de la circonscription. Les briqueteries, les fours à chaux, bordent les environs de la ville. »
C’est cette importance commerciale et agricole qui a valu à Mostaganem la fondation de toutes les institutions qui caractérisent les grandes villes. Et cette importance ne faisant que prendre chaque année un plus grand développement, ce n’est pas sans raison qu’Oran voit d’un œil jaloux, fans sa voisine, une rivale qui finira probablement par l’éclipser.
Mostaganem est peut-être la ville de l’Algérie où on vit le mieux et où on s’amuse le plus ; n’est-ce pas là le meilleur signe de l’aisance de ses habitants.
La ville se divise en deux parties, séparées par le ruisseau d’Aïn-Safra. Celle située sur la rive droite porte le nom de Matemore ; elle est essentiellement militaire ; on y voit un magnifique hôpital. La ville proprement dite se trouve sur la rive gauche, et comme la plupart de celles de l’Algérie, elle est moitié arabe, moitié française. Cette partie est décorée, dans son quartier supérieur (la ville nouvelle), de belles et larges rues, parmi lesquelles on remarque : la rue Royale, toute bordée de maisons à arcades, le passage d’Aumale, la Grande-Rue, la rue de Tlemcen, la rue du Faubourg, ainsi que celle de Matemore. Les places sont belles et spacieuses ; celle de la Halle est entourée de maisons uniformes à arcades et galeries. En général les maisons particlières sont construites avec goût et élégance ; quelques-unes méritent d’être distinguées. Il y a également dans cette partie de la ville plusieurs édifices publics, tels que église, mairie, théâtre, etc.
Ce délicieux ensemble de belles rues, d’élégantes maisons et de beaux édifices est dominé par des minarets et des forts sur lesquels des cigognes perchent habituellement, ce qui n’est pas sans donner à la ville un gracieux cachet oriental.
Mostaganem possède une magnifique pépinière et un haras qui est sans contredit le plus bel établissement de ce genre qu’il y ait en Algérie.
La ville arabe est comme toutes les autres, c’est-à-dire un ensemble de maisons qui ne sont rien moins que gracieuses, et de rues sales et tortueuses.
La circonscription de Mostaganem comprend un grand nombre de villages et de colonies agricoles, dont les habitants, stimulés par l’exemple des colons de la banlieue de la ville, ont, à force de travaux et de persévérance, conquis l’aisance ; quelques-uns même, la fortune, et ceux-là sont encore en assez grand nombre.
A 250 mètres environ de Mostaganem, on voit le délicieux village de Tedjdid. C’est là que résident la plupart des négociants ou propriétaires indigènes de la ville, qui jouissent d’une certaine aisance. Le matin, ils quittent leurs charmantes villas pour aller surveiller leurs affaires, et le soir, ils y reviennent dès que leur présence n’est plus nécessaire à Mostaganem.
Les environs de ce ravissant séjour ont quelque chose de fantastique : on ne voit que bosquets, massifs de fleurs et de verdure, jets d’eau en marbre, et petits ruisseaux dont l’un forme une cascade qui fait l’admiration de tous les étrangers.
VALLEE DES JARDINS. - 3,4 kilomètres de Mostaganem.
Magnifique vallée où se trouvent des propriétés agricoles d’une très grande importance. Il y a une vingtaine d’années, cette vallée était couverte de jardins et de plantations que la guerre a détruits, mais qui, une fois la tranquillité revenue, n’ont pas tardé à reparaître plus florissants peut-être que jamais. Nos colons ont fait des prodiges d’ardeur et d’intelligence ; ils sont parvenus en quelques années à rendre à la Vallée des Jardins l’ancienne fertilité qui lui avait valu le nom qu’elle porte.
La route de Mascara à Mostaganem la traverse dans toute sa longueur ; elle est sillonnée en outre par plusieurs autres routes, sur les bords desquelles se sont élevés comme par enchantement des hameaux et des fermes ; ces diverses routes conduisent aux nombreux villages créés dans la circonscription de Mostaganem.
LES LIBERES. – 4 kilomètres à l'Est de Mostaganem.
Ce village, fondé en 1846, a été ainsi nommé parce qu’il a été peuplé dès sa création par des militaires libérés du service. Il est situé à l’extrémité orientale de la magnifique Vallée des Jardins, sur un terrain rouge mêlé de sable, ce qui le rend propre surtout à l’arboriculture. Les colons y ont fait de magnifiques plantations d’oliviers et de mûriers, qui dans quelques années donneront de très beaux résultats ; en dehors de cette spécialité déjà très lucrative, on voit sur le territoire des Libérés des cultures industrielles qui font présager un bel avenir pour ce centre de population qui se trouve à cheval sur la route de Tounine.
MAZAGRAN. – 4 kilomètres au Sud de Mostaganem.
Village de quatre-vingts maisons environ, fondé à côté et sous la protection du fort dont l’héroïque valeur d’une poignée de Français a immortalisé le nom, et sur l’emplacement d’une ville en ruine occupant le versant d’une colline assez roide. Lorsqu’en 1833 les Français, maîtres de Mostaganem, établirent une garnison à Mazagran, les habitants de cette localité abandonnèrent leurs maisons. Le traité de la Tafna ayant été rompu, c’est contre ce point qu’Abd-el-Kader dirigea ses premières opérations, le 13 décembre 1839. Après une première attaque, le khalifa de l’émir, Mustapha-Ben-Tamy, vint le 22 février 1840, à la tête de plusieurs milliers d’Arabes, pour s’emparer du fort de Mazagran. La garnison de ce réduit, composée de 122 soldats du 1er bataillon d’Afrique, commandé par le brave capitaine Lelièvre, a tenu tête à l’ennemi pendant quatre jours et quatre nuits, et repoussé vigoureusement plusieurs assauts. Malgré leur supériorité numérique, les Arabes furent forcés de se retirer. Ce glorieux fait d’armes est consacré par une colonne monumentale élevée il y a quelques années sur le fort qui en a été le théâtre.
La situation de Mazagran est charmante et dans des conditions très avantageuse pour les colons ; le territoire est des plus fertiles ; les eaux sont abondantes ; le climat en est très sain, et une bonne route le met en communication directe avec Mostaganem et les villages environnants. Grâce à cette heureuse situation, ce village est aujourd’hui au premier rang des centres de population de la subdivision. Les plantations sont nombreuses et très importantes ; les grandes propriétés sont presque entièrement défrichées et donnent des produits remarquables.
Nous ne saurions trop engager le touriste à aller visiter quelques-unes de ces fermes ; nous lui désignerons surtout celle de M. Combes, qui est aujourd’hui maire du village. Ce colon a fait faire avec ses propres ressources, et sans subvention aucune, des travaux vraiment remarquables tant sous le rapport de leur importance que sous celui de l’intelligence qui a présidé à leur exécution.
Les Mazagranais réclament, dit-on, pour leur joli village, le titre de Diamant de la province ; on ne saurait le leur refuser.
RIVOLI. – 8 kilomètres au Sud de Mostaganem.
Rivoli est une des plus jolies colonies agricoles de 1848 ; elle est située à l’extrémité occidentale de la vallée des Jardins, sur la grande route de Mostaganem à Mascara. Cette colonie, composée de soixante-dix maisons environ, ayant chacune un puits, est sans contredit, après Mazagran, le centre agricole le plus prospère de la subdivision. Rivoli étant aujourd’hui un territoire civil, sa commune est administrée par le maire de Mazagran [ndlr : l’auteur fait erreur, Mazagran étai rattaché à Mostaganem et Rivoli n’en dépendait pas] ; mais pendant la période militaire des colonies agricoles, Rivoli était le chef-lieu d’une direction qui comprenait Aïn-Nouissy, Aboukir, Si-Chérif et Bled-Touaria [ndlr : autre erreur, Aïn-Nouissy et La Stidia étaient rattachés à Rivoli, Aïn-Sidi-Chérif et Blad-Touaria dépendaient d’Aboukir, commune au même titre que Rivoli].
Le voisinage de la riche plaine de l’Habra n’a pas été d’une faible ressource pour les colons de Rivoli, pendant les premières années de leur installation. Les travaux de défrichement, rendus pénibles et lents par l’extraction des palmiers nains qui couvrent tout ce territoire, n’auraient pas permis aux colons, malgré toute leur ardeur, de trouver dans leur concession des moyens suffisants d’existence pour leur famille ; la plaine de l’Habra leur fut alors d’un bien grand secours, ils y récoltèrent pendant les premières années une moyenne de 25 000 quintaux de foin, que l’administration leur acheta.
Maintenant les défrichements et les cultures sont très avancés ; les cultures industrielles se font déjà remarquer ; les plantations publiques ainsi que celles des particuliers ombragent le sol. Les colons ont suppléé à l’absence d’eau courante par des puits ; il y en a un dans chacune des maisons de la ville, et dans presque toutes les concessions, il y a une noria qui suffit aux irrigations. Tous les puits ont de 4 à 5 mètres de profondeur ; quelques-uns même n’ont pas plus de 3 mètres.
Parmi les colons de Rivoli, il en est quatre ou cinq surtout qui se sont distingués, et ce n’est pas sans intérêt qu’on visite leurs propriétés. De ce nombre, nous citerons principalement M. Bordas, qui a exécuté des travaux considérables, et M. Blou, dont la propriété est en quelque sorte littéralement couverte par les cultures de tabac et de plantes industrielles : 25 000 pieds de vignes, 500 arbres fruitiers, 100 caroubiers et 200 caféiers ; le tout d’un grand rapport.
OUREA. – 7 kilomètres au Sud-Ouest de Mostaganem.
Hameau composé d’une dizaine de maisons bâties sur la route d’Oran à Mostaganem, entre cette dernière ville et le village de la Stidia. La construction de ce centre de colonisation a été déterminée par la présence sur ce territoire d’une source abondante. Grâce à elle, les colons cultivent avec succès les céréales et les légumes.
STIDIA. – 14 kililomètres au Sud-Ouest de Mostaganem.
Village fondé en 1846, sur la route d’Oran à Mostaganem, pour recevoir des émigrants prussiens.
« Ce village, dit M. Jules Duval, a traversé toutes les phases des colonies naissantes, à partir de la plus dure misère jusqu’à l’aisance. Pendant longtemps, les familles ont passé les nuits à défricher pour aller le lendemain vendre le bois à Mostaganem, et acheter les quinze sous de pain qui devaient les faire vivre le jour, et elles recommençaient la nuit suivante jusqu’à extinction. Ainsi ont fait, du plus au moins, la presque totalité des colons algériens, soldats du travail, non moins dignes d’honneur que les soldats du combat ! L’opiniâtre persévérance des Prussiens de la Stidia a reçu enfin sa récompense : presque tout le territoire est défriché ; les céréales de toutes les espèces, de belles et nombreuses plantations, de riches jardins entourent leurs maisons ; leur bétail se multiplie sur de vastes pâturages ; le commerce des racines et des bois défrichés accroît leurs revenus ; munis de quelques épargnes, ils peuvent aborder les cultures spéciales du tabac et du coton. L’industrie naissante y est représentée par un moulin, une fabrique de poterie ; des colons ont fait également des essais de distillation, de seigles, de figues, de cactus et de caroubes. »
Ne faut-il pas en effet autant, sinon même plus de courage au colon algérien pour surmonter toutes les phases d’une existence si pleine de péripéties qu’au soldat français pour combattre l’ennemi ? Le premier n’a pas de tranquillité, sa vie est une chaîne de privations et de fatigues aussi pénibles au moral qu’au physique, tandis que le second, un gouvernement sage et prévoyant subvient à tous ses besoins, le récompense de son courage et des dangers qu’il court.
AIN-NOUISSY. – 15 kilomètres au Sud-Ouest de Mostaganem.
Colonie agricole de 1848, située au débouché de la route de Mascara, dans la plaine de l’Habra, à 68 kilomètres du chef-lieu de la province. Le voisinage de la plaine de l’Habra a été pour les habitants de cette colonie d’une très grande ressource ; car, de même que les colons de Rivoli, ils ont récolté dans cette plaine des fourrages dont le produit de la vente a suffi à l’amélioration de leur position pendant les premiers travaux de défrichement.
Moins heureux que les colons de Rivoli, les habitants d’Aïn-Nouissy ne sont pas favorisés sous le rapport de l’eau et de la nature du terrain. Jusqu’à présent la culture des céréales et l’élève des bestiaux constituent leur seule industrie.
ABOUKIR. – 12 kilomètres au Sud-Ouest de Mostaganem.
Colonie agricole de 1848, créée au lieu-dit les Trois-Marabouts, sur la route de Mascara. Le territoire d’Aboukir est favorable à toutes les cultures ; les eaux sont assez abondantes pour suffire aux irrigations ; il y a même aux environs une chute d’eau, qui pourrait à peu de frais être utilisée pour un moulin. Quelques colons se sont distingués ; ils ont fait de magnifiques plantations ; il y en a un entre autres dont la propriété est couverte de vignes et de mûriers. On remarque également des cultures de plantes industrielles qui donnent à leurs propriétaires de très beaux résultats.
C’est à Aboukir qu’un colon a eu l’heureuse idée de faire, avec les fruits du pays (figues douces, figues de Barbarie et caroubes), une boisson devenue populaire dans toute la subdivision. On élève beaucoup de volailles et de bestiaux ; un colon fait même avec la France, l’Angleterre et la Belgique un grand commerce de tortues.
On ne doit pas visiter cette intéressante colonie sans aller voir, à très peu de distance du village, une magnifique grotte, remarquable par sa situation pittoresque et ses stalactites.
La colonie d’Aboukir est une des plus importantes de la circonscription de Mostaganem ; elle compte près de cent maisons.
AIN-SI-CHERIF. – 13 kilomètres au Sud de Mostaganem.
Cette colonie, désignée également sous les noms de Si-Cherif et Assi-Cherif, par abréviation de son véritable nom, est située à une courte distance de la plaine de l’Habra, sur un territoire couvert de palmiers nains, ce qui en rend le défrichement on ne peut plus pénible et difficile pour les colons. L’absence presque totale d’eau empêchera ce village de prendre un grand développement. L’administration s’occupe bien de la construction d’un aqueduc pour amener au village, à travers les ravins qui l’entourent, l’eau d’une source située dans la gorge de Si-Cherif ; mais les habitants n’osent fonder là-dessus de grandes espérances, car ils pensent avec raison que l’eau de cette source ne suffira jamais à l’irrigation de leur territoire. Les colons ne peuvent guère s’occuper que de la culture des céréales, et les résultats obtenus jusqu’à ce jour sont encore à peu près nuls. Quelques-uns ont bien fait des essais de tabac et de coton sans irrigation, mais le résultat n’a pas été assez bon pour qu’ils persistent dans cette voie. Il y avait beaucoup plus de peine et de temps perdu que de profit.
BLED-TOUARIA. – 17 kilomètres au Sud de Mostaganem.
Colonie agricole encore à l’état naissant bien que sa fondation remonte à l’année 1849 ; ce territoire est couvert de palmiers nains, mais la nature du terrain étant sablonneuse, son extraction est beaucoup moins facile que partout ailleurs.
On trouve dans les environs de cette localité des carrières d’albâtre, de pierre de taille et de plâtre susceptibles d’exploitation.
Comme dans presque toutes les colonies naissantes, les colons font du charbon avec les broussailles provenant des défrichements, et le produit de cette industrie leur permet d’attendre des temps meilleurs.
Une route empierrée relie la colonie de Bled-Touaria à celle d’Aboukir, et par ce point elle communique avec le chef-lieu de la subdivision.
TOUNINE. – 8 kililomètres au Sud-Est de Mostaganem.
Colonie agricole fondée en 1848, sur la route de Mostaganem au Chelif par Bel-Assel, tête de la route projetée de Mostaganem à Alger.
Une soixantaine de familles environ habitent ce centre agricole, et toutes commencent à jouir des fruits des travaux qu’elles ont exécutés pendant les premières années de leur installation. Le voisinage du Chelif a été d’une bien grande ressource pour ces colons ; ils ont récolté sur ses bords des fourrages que l’administration leur a achetés, et avec l’argent qu’ils en ont retiré ils ont fait sur leurs concessions des plantations assez importantes. La culture des céréales est dominante, les cultures industrielles commencent à se distinguer. Un colon a fondé une briqueterie dont les produits sont très estimés ; un autre a établi un Tivoli fréquenté pendant la belle saison, non seulement par les habitants de Tounine, mais encore par ceux des villages environnants ; on y voit même certains jours des jeunes gens de Mostaganem.
Dans la période du régime militaire, Tounine était le chef-lieu d’une circonscription qui comprenait les colonies de Aïn-Boudinar et de Karouba.
AIN-BOUDINAR. – 12 kilomètres au Sud-Est de Mostaganem
Colonie agricole fondée en 1849, sur une colline qui domine la route du chelif.
Aïn-Boudinar est reliée à la colonie de Tounine par une route bordée, dans tout son parcours, par les cultures des colons de ces deux localités. On remarque déjà sur le territoire de cette colonie des plantations d’arbres magnifiques et des jardins bien arrosés. Les colons s’occupent beaucoup des grandes cultures, ainsi que de celle des plantes industrielles. Les pentes des collines qui font face au village sont couvertes de vignes.
KAROUBA. – 4 kilomètres à l'Est de Mostaganem.
Karouba est peut-être de toutes les colonies agricoles de 1848 celle qui est placée dans les plus mauvaises conditions. Son territoire, de mauvaise qualité, n’est guère propre qu’à la culture du seigle. Il n’y a presque point d’eau.
Malgré les plantations faites par la compagnie des planteurs militaires, et malgré le voisinage de Mostaganem, avec lequel il communique par une bonne route, ce centre de population ne sera jamais bien florissant.
AIN-TEDELES. – 20 kilomètres à l'Est de Mostaganem.
Colonie agricole de 1848, à cheval sur la route de Mostaganem au Chelif et située sur un plateau d’une fertilité remarquable.
Aïn-Tédelès est une des colonies les plus importantes de la province. Le village est bâti et entretenu avec beaucoup de luxe, ses rues sont larges et droites, bordées de trottoirs et d’arbres qui donnent déjà un ombrage délicieux.
Les colons ont fait à Aïn-Tédelès des plantations considérables d’arbres fruitiers d’Europe et d’Afrique ; il en est un qui qui a même créé, dans un but de spéculation, une pépinière qui n’est pas moins remarquable que celle fondée par l’administration dans un magnifique ravin, au fond duquel coule un petit ruisseau dont les eaux ne tarissent jamais.
Plus de 1 500 hectares sont déjà complètement défrichés et ensemencés, la grande culture et la culture des plantes industrielles réussissent également très bien, et donnent aujourd’hui à la population de ce centre agricole une aisance qui atteindra bientôt des proportions voisines de la fortune.
Bien que la nature ait doté le territoire d’Aïn-Tédelès d’une quantité d’eau suffisante pour les besoins de la population et pour les irrigations, il est question d’établir sur le Chélif un barrage qui accroîtra encore la fertilité du sol.
Sous le régime militaire, Aïn-Tédelès était le chef-lieu d’une circonscription qui comprenait les colonies de Souk-el-Mitou et du Pont-du-Chélif.
SOUK-EL-MITOU.
Colonie agricole de 1848, bâtie sur les collines qui se terminent en face du Chélif (rive gauche) vers lequel on descend par un magnifique ravin qui offre un des sites les plus remarquables de la contrée. Une source qui s’échappe avec abondance des flancs du rocher de ce ravin forme de délicieuses cascades et met en mouvement un moulin à deux tournants. Ces eaux arrosent en outre à travers le ravin des jardins remarquables par leur fertilité.
Deux pépinières, l’une publique, l’autre particulière, fournissent à la colonie des arbres de toutes sortes. Jusqu’à présent on ne voit guère dans les concessions des colons que des arbres fruitiers, parmi lesquels il faut citer les pêchers, dont les fruits ont acquis aujourd’hui une réputation européenne. La grande culture et la culture des céréales sont exploitées sur une grande échelle, mais c’est la culture des plantes industrielles et de luxe qui domine ; les fleurs même sont l’objet de grandes spéculations.
L’administration vient de convertir en prairie un vaste marais situé dans la partie inférieure du village ; par ce moyen, les colons récolteront cette année, à leur porte, les foins qu’ils étaient obligés auparavant d’aller chercher sur la rive opposée du Chélif ; ils pourront également s’y livrer à l’élève des bestiaux.
Favorisée par un concours rare d’heureuses circonstances, dont elle a su tirer parti par le travail, la population de Souk-el-Mitou a acquis une aisance voisine de la fortune.
Elle réclame aujourd’hui pour sa colonie le titre de Reine des colonies agricoles.
L’emplacement sur lequel est construit le village de Souk-el-Mitou, a dû être occupé dans l’antiquité par une colonie romaine ; c’est du moins ce qu’accusent les ruines d’un fort, et les traditions des indigènes. Depuis la domination des Turcs, il y a en cet endroit un marché considérable ; c’est là qu’une fois par semaine se donnent rendez-vous les négociants de Mostaganem et des villagesvoisins, ainsi que les Arabes du Chélif.
PONT-DU-CHELIF. – 20 kilomètres à l'Est de Mostaganem.
Colonie agricole construite en 1848, sur la rive gauche du Chélif. Elle tire son nom d’un pont qui avait été construit sur ce fleuve par des Espagnols captifs des Turcs, et qui a été rebâti depuis l’occupation française avec le concours des Arabes. Les savants prétendent que cette colonie est située sur l’emplacement du Quiza Municipium.
Les maisons construites pour recevoir des colons parisiens, n’ont servi jusqu’à présent qu’aux transportés politiques de 1852. Ceux-ci partis, elles sont restées libres. On s’est bien proposé de les peupler d’Arabes, mais comme on exige d’eux des conditions de stabilité auxquelles ils ne sont pas habitués, ils ne peuvent se décider à réponde favorablement aux vœux de l’administration.
En attendant, ces maisons commencent à tomber en ruines.
AMMI-MOUSSA. – 60 kilomètres au Sud-Est de Mostaganem.
Poste militaire situé au milieu des montagnes et pour surveiller les mouvements des tribus de l’Ouarensenis. La position de ce poste, sur un territoire fertile, appela l’attention des colons, mais jusqu’à présent sa fonction est purement stratégique. Il faut espérer qu’il n’en sera pas longtemps ainsi, car on ne saurait priver la colonisation d’un jalon si précieux.
Hameaux arabes de la subdivision.
Depuis quelques années on a vu s’élever dans la subdivision de Mostaganem un grand nombre de fermes ou plutôt de hameaux construits par des Arabes, enclavés pour ainsi dire en territoire civil au milieu des colonies agricoles créées en 1848 et 1849. En concédant aux Arabes un lot de terrain, l’administration a exigé d’eux, dans des proportions en rapport avec leurs mœurs et leurs fortunes, bien entendu, ce qu’elle exige des colons européens qui manifestent au gouvernement l’intention de se fixer en Algérie. C’est là un puissant moyen de colonisation et de civilisation en même temps. Les Arabes, ainsi placés au milieu des colons européens, les imitent en tout, aussi bien dans les défrichements, les plantations et les irrigations que dans les constructions.
Ces hameaux sont nombreux ; ils portent pour la plupart le nom du territoire sur lequel ils sont construits ; mais jusqu’à présent ils sont si peu importants que leurs noms nous échappent.
J. Barbier
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(Source : Itinéraire historique et descriptif de l’Algérie, avec un vocabulaire français-arable des mots les plus usités et un résumé historique des guerres d’Afrique; auteur : J. Barbier ; éditeur : Hachette, Paris 1855)
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