Histoire avant 1848
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ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

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EAUX MINERALES D'AIN-NOUISSY

1866

Première analyse complète.

Le petit village d’Aïn Nouissy, situé entre Mostaganem et la Macta, est séparé de la mer par une distance de cinq à six kilomètres. Il se compose de maisons blanches qu’entourent de vastes champs de verdure. Une montagne assez élevée le met à l’abri des vents d’est. C’est au pied de cette montagne, à 800 mètres du village et à 60 mètres au-dessus du niveau de la mer, que coule l’eau sulfureuse dont je donnerai l’analyse.

Celle qui a été faite à une époque antérieure par M. O. Henry est incomplète, puisqu’elle ne comprend pas le dosage des principes sulfureux ; elle n’accuse que des vestiges de sulfites et d’hyposulfites. J’ai cherché à combler cette lacune, et je me suis également attaché à entourer les résultats de l’analyse de divers détails que ce genre de travail exige.

Le terrain d’où l’eau jaillit est en partie constitué par du calcaire compacte d’un gris foncé, et couvert d’une couche d’argile ; il forme une cuvette de cinq à six mètres de circonférence. Ce petit réservoir, ouvrage de la nature, est tapissé par un mélange de sable et de vase noirâtre, dont la couleur est due à des sulfures ou à des matières organiques en décomposition, provenant des plantes qui végètent sur les bords de ce même réservoir. L’eau sort par cinq ou six orifices situés à la base de la cuvette ; elle paraît être poussée de bas en haut, et laisse dégager des bulles de gaz dont je ferai connaître la composition. La hauteur de la colonne liquide à l’endroit le plus profond ne dépasse pas vingt-cinq centimètres. Au sortir du réservoir, l’eau se répand dans un petit ravin ; elle laisse sur les galets qu’elle arrose un léger dépôt constitué par du soufre et des cristaux de chlorure de sodium. Le débit de la source peut être évalué à 15 000 litres par 24 heures.

Cette eau est d’une limpidité parfaite ; elle se trouble à la longue par le contact de l’air, elle exhale l’odeur de l’acide sulfhydrique d’une manière très prononcée ; sa saveur est hépatique et salée ; sa température de 28° centigrades.

Elle ramène au bleu, mais très lentement, le papier de tournesol légèrement rougi par les acides ; elle brunit promptement une pièce d’argent, et elle communique une couleur noire à la poudre d’argent pur. Le nitrate d’argent, ainsi que l’acétate de plomb tribasique, y forment un précipité blanc grisâtre très volumineux.

Le chlorure du baryum lui fait éprouver un trouble léger.

L’ammoniaque n’altère pas sa transparence, mais les acides exaltent son odeur d’œufs pourris.

1 000 centimètres cubes de cette eau, évaporés avec les précautions habituelles, ont fourni un résidu qui, porté à la température de +120° centigrades, pesait 14g,665. Une température plus élevée n’a que faiblement modifié la couleur du résidu, mais elle a produit dans la masse saline décrépitation très vive.

Le dosage des principes fixes a été fait pat la méthode des pesées. Pour évaluer le poids du soufre, on a eu recours à la sulfhydrométrie : les expériences ont eu lieu chaque fois sur un demi-litre d’eau et ont été faites à la source même le 6 mars 1865. Pour éviter l’absorption d’une petite quantité d’iode par les sels alcalins, nous avons ajouté préalablement à l’eau quelques centigrammes de chlorure de baryum. Cette expérience a démontré que l’eau contenait par litre 0g,007641 de soufre à l’état de sulfure hydrique et de sulfure métallique.

Le tableau suivant fait connaître les principes contenus dans 1 000 centimètres cubes :

Acide sulfhydrique                        4g,196756, en poids 0g,006402 

Sulfure de calcium                         0g,0034

Carbonate de chaux                        0g,2120

Carbonate de magnésie                   0g,0630

Chlorure de sodium                      13g,9125

Chlorure de magnésium                  0g,1436

Chlorure de calcium                       0g,1802

Sulfate de chaux                            0g,2436

Alumine, oxyde de fer                    0g,0023

Silice                                            traces.

Matières organiques                       0g,0042

                Total                             4g,6650

La première remarque que suggère l'examen de ce tableau porte sur la proportion relativement considérable du chlorure de sodium. Elle est à peu près la moitié de celle que l’on trouve dans un égal volume d’eau de la Méditerranée.

En Algérie, l’eau minérale d’Hammam-Mélouane est la seule, à ma connaissance, qui renferme une quantité de chlorure de sodium encore plus élevée.

A côté du principe chloruré figure un deuxième agent minéralisateur non moins important, c’est l’élément sulfureux. Il est constitué par deux composés provenant de la réduction du sulfate de chaux sous l’influence des matières organiques, réduction qui s’opère dans le sein de la terre. L’eau d’Aïn-Nouissy possède donc deux principes prédominants ayant chacun une valeur thérapeutique reconnue. Ce double caractère, propre à une classe déterminée d’eaux minérales, lui assigne immédiatement un rang parmi les eaux chlorurées sodiques sulfureuses.

L’eau minérale qui, par sa composition, offre le plus d’analogie avec celle d’Aïn-Nouissy, est l’eau chlorurée sodique sulfureuse d’Uriage, dans le département de l’Isère. Les deux sources renferment à peu près la même quantité de matières salines : seulement les sulfates contenus dans la seconde sont remplacés dans la première par du chlorure de sodium. A Uriage, l’eau, naturellement tempérée, est échauffée par un procédé très simple. Pourquoi n’userait-on pas à Aïn-Nouissy du même artifice qui permettait d’élargir d’une façon notable le cadre des applications ? Si, à ses quantités actuelles, l'eau de cette localité joint plus tard une haute thermalité, elle sera employée avantageusement à l’extérieur, et elle produira, sans nul doute, des effets aussi salutaires que l’eau chlorurée sulfureuse d’Uriage.

J’ai dit plus haut que la source émettait des bulles de gaz. Le dégagement est intermittent et s’opère par les divers orifices d’où l’eau émerge. Désirant connaître la nature de ce gaz, j’en ai recueilli environ 300 centimètres cubes dans un flacon qui a été bouché hermétiquement. Le lendemain, après avoir constaté qu’il était incolore et inodore, j’en ai transvasé une certaine quantité dans un tube de verre gradué, placé sur du mercure, et j’ai fait passer dans le tube une solution concentrée de potasse ; le volume du gaz n’a pas diminué. Je me suis assuré d’ailleurs que ce gaz n’était que de l’azote.

M. Péhéaa, pharmacien aide-major de 1ère classe


 

(Source : Gazette médicale de l’Algérie, N° 1, 25 janvier 1866)
 

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