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Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

LA POUPEE

OU « LA KHASHMA »

par Norbert Ségalas

Année scolaire 1946-1947, je n’avais pas encore cinq ans, les fêtes de fin d’année approchaient. Mlle Trélacoste, notre institutrice, nous demande ce que l’on désire pour Noël. En effet, la mairie a décidé d’offrir un cadeau aux tous petits.

C’est l’effervescence dans la classe, la maîtresse nous calme et commence à interroger les élèves sur leur choix, en partant du fond de la classe, pendant que, derrière le bureau, Armande Corbobesse note scrupuleusement les réponses.

Je suis au premier rang, je ne me souviens plus à côté de qui, mais ce que je sais, c’est qu’à la petite table à ma droite, il y a Sylvie Badin ; elle est excitée comme une puce et pivote sans arrêt sur ses fesses pour questionner à droite et à gauche.

Elle se penche vers moi : « Et toi Norbert, qu’est-ce que tu vas demander ? »

Du tac au tac j’y réponds : « Une poupée »

Elle est surprise, je rigole et replonge dans mes hésitations.

Mon tour arrive, trop vite, je n’ai pas encore décidé.

Mlle Trélacoste me demande : « Et toi, Norbert, qu’est-ce que tu veux ? »

Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche.

« M’dame, il veut une poupée ». C’est Sylvie qui la ramène.

Après une seconde d’hésitation, un énorme sourire illumine le visage de la maîtresse, je vois les commissures de ses lèvres rejoindre ses oreilles.

« C’est vrai, Norbairrrrrr ? »

Elle crie comme si elle venait de gagner à la Loterie nationale. Ecrasé par le bonheur qui l’irradie, j’acquiesce confusément de la tête.

C’est vrai que j’avais dit cela à Sylvie, mais c’était pour rigoler. Instinctivement je rentre ma tête dans les épaules, prêt à subir les risées et les sarcasmes des copains ; mais rien… il ne se passe rien ; ils n’ont rien entendu, ils sont tous en train de rêver, ils fantasment tous sur leur futur cadeau.

Je m’apprêtais à demander un pistolet ou une auto, mais trop tard, mon voisin était déjà interrogé.

Quelques années plus tard, je demandais à ma mère qu’est-ce que c’était que cette poupée magnifiquement habillée qui trônait sur son lit.

Elle me répondit : « C’est le cadeau que la municipalité t’a offert quand tu étais petit. » Et hochant la tête : « Ils ont dû se tromper ! »

Quelle khachma !

Norbert Ségalas
 

(Source : Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 16, septembre 2002)

 

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