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ANLB

Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


A LA STIDIA

par « Touriste »

Mes affaires m’appelant dimanche dernier dans ce village où la légende veut que les registres de l’état-civil mentionnent beaucoup plus de baptêmes… que de mariages. Heureux pays !

Retenu à déjeuner par un de ces braves colons du bled, mon amphytrion ne voulut pas me laisser repartir sans m’avoir fait visiter la plage, mot prononcé par lui avec une certaine fierté.

On sort le cheval de l’écurie, j’aide même à atteler et en avant pour la fameuse plage.

J’avoue que je restais estomaqué en constatant la présence de près de quatre cents personnes dont une centaine de baigneurs. Mon colon triomphait. On se serait crû à La Salamandre un jour de mouna. De la joie partout. Des véhicules de toutes sortes, les brancards en l’air, avec une toile quelconque y attachée, abritaient des familles nombreuses qui se livraient aux douceurs du camping. Des relents de bonne cuisine s’échappaient des fourneaux improvisés. Les hommes jouaient aux boules ou aux cartes, les enfants piaillaient, d’aucuns se querellaient un peu, alors que d’autres beaucoup plus grands ne se querellaient pas du tout… bien au contraire.

Et la trempette… ! Très pur, ce spectacle. Arrière les costumes compliqués avec broderies et monogrammes sur les savates… Le vieux peignoir ou le jupon qui ballonne à la mise à l’eau, le corsage trop vieux pour être raccommodé et qui laisse échapper un peu de nudité blonde ou brune… Là, pas de pause, on n’a pas de honte de crier si l’eau vous surprend un peu, ni de rire si on en a envie ou si le cousin sournois vous saisit la jambe pour compromettre votre équilibre.

Je ne regrettais pas d’être descendu. Pour augmenter encore mon étonnement, mon cicérone m’emmena prendre un bock bien glacé dans une grande baraque qui n’est que provisoirement la buvette de la plage et sera par la suite transformée en café restaurant dans un immeuble que l’on construit en face.

Mis en joie par la gaieté communicative des consommateurs, presque tous des villages voisins, je demandais à l’accorte blondinette qui faisait le service de nous donner deux nouveaux bocks, qu’elle nous apporta aussi glacés que les premiers.

Venez donc, je vais vous énumérer les nouvelles constructions, me dit mon ami, et le long de la route il me montre de jolis chalets, pas très luxueux mais confortables, bien exposés avec de vastes pièces comme il les faut au bord de la mer. Ici c’est l’administrateur de Relizane, plus loin un propriétaire de Perrégaux, ensuite un fonctionnaire de Mascara, d’autres et d’autres encore. Et comme je ne pouvais dissimuler mon étonnement : « Oh, ce n’est rien ! Voyez-vous, là-bas, en contrebas de la route, 50 lots de 3 ares chacun ont été vendus à des propriétaires de Rivoli qui n’ont pas fait construire cette année, faute de maçons ; et là-haut, toute la falaise a été adjugée à des gens de Mascara qui vont s’y installer l’an prochain.

J’émettais, sans conviction, un léger doute. Mais comme il me conviait à venir le voir l’été prochain j’acceptais, me promettant bien de prolonger, alors, mon séjour d’au moins une semaine.

Tous mes compliments à M. Darius, qui est le maire débrouillard par excellence et qui a compris que si un lièvre est nécessaire pour faire un civet, une plage est indispensable pour créer une station balnéaire.

« Touriste »

 

[NDLR, cet article trouve sa place ici car de tous temps les Noiséens se sont baignés sur cette place. Voir aussi l'article sur le même sujet en 1960]
 

(Source : Journal "L'Indépendant", de Mostaganem, daté 28 juillet 1912)

 

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