Histoire avant 1848
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ANLB

Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


 

LE GADIN

par Norbert Ségalas

Depuis que mon père m’avait acheté une Vespa 150 cm3 en novembre 1959, cet engin m’a permis de m’éveiller doucement en bousculant ma timidité maladive, les complexes de mon âge (l’âge c… disaient les « vieux ») et en me socialisant petit à petit.

Après avoir fait un bon rodage, le scooter me le rendait bien grâce à sa bonne fiabilité.

Comme beaucoup de Noiséens de ma génération possédaient un scooter ou une moto, on se regroupait pour faire quelques virées.

Tout allait pour le mieux quand un jour en montant la cote de Noisy, en face de la briqueterie Bernal, le moteur hoquette et s’arrête ! m… ! Je fais demi-tour et redescends, embraye pour voir, il redémarre… Ah !!! Allez donc savoir pourquoi, il marchait mais des fois, quand j’accélérais ou grimpais une côte, il s’étouffait… J’en parlais aux copains : c’est la bougie… c’est la bobine… c’est le carbu… et. Il y avait autant d’avis que de copains, et moi je me bouffais d’angoisse à me débattre contre ce coup du sort, démontant et remontant toutes les pièces du moteur. Comme ça marchait de temps en temps sur de petits trajets, je montais au village et si ça s’arrêtait je rentrais à la maison en roue libre.

Une fois qu’on était en train de discuter, assis sur l’appui d’une fenêtre de Sergeou Ségalas tenu alors par Maurice Corbobesse, Gaby Moullin me demande le scooter. Je lui donne les clés et le voilà parti vers la côte de Mosta. Quand il revient, il me dit : « j’ai trouvé la panne ! ». Et il m’explique que la vis qui tient le bloc compact des commandes de phare, code et arrêt du moteur, s’est desserrée à cause des vibrations. Le bloc n’étant plus fixé reculait et touchait la mise à la masse et, bien entendu, arrêtait le moteur.

C’était pas plus compliqué que ça, et bien des mécanos vous le diront, sur un moteur il n’y a pas plus vicieux qu’une panne électrique.

Nous allons directement chez Gaby. Son atelier est d’une propreté et d’un ordre étonnants. Au-dessus du tableau à outils il y a deux devises, écrites blanc sur noir, qui confirment l’état des lieux. L’une dit « Chaque chose à sa place, et chaque place à sa chose ». Je ne me souviens plus de la deuxième. Cet atelier reflétait bien le caractère de Gaby : réfléchi, calme, méticuleux et bien d’autres qualités.

En deux coups de tournevis l’affaire était réglée, le moteur ronronnait et moi j’étais fou de joie.

-On va l’essayer ?

-Jusqu’à la gare ?

-D’accord !

Et nous voilà partis avec Gaby sur sa moto et Roger Morin sur son scooter.

Juste avant l’embranchement pour Fornaka, à gauche, puis le chemin de la « Sulfureuse », à droite, ivre de joie je mets « toute la gomme » (la poignée dans le coin, comme on dit maintenant). La Vespa bondit comme un mustang à qui l’on a retiré ses entraves, la vitesse grimpe rapidement à 80 km/h. pour avoir moins de prise au vent je me couche sur l’engin et je passe sur le tan-sad. Alors là, voilà ce qu’il ne faut pas faire ! Dans le mouvement, mes cuisses accrochent les bords de la selle qui est évasée, le déséquilibre s’installe aussitôt, le scooter donne deux coups de cul, à droite et à gauche, et c’est l’envol. Je me retrouve allongé sur le ventre à faire de l’aquaplaning, sauf qu’à la place de l’eau c’est le bitume qui m’arrache la peau des avants bras. Vingt mètres plus loin le scooter, couché sur l’aile côté moteur, joue à la toupie. Je le regarde tourner jusqu’à ce qu’il s’arrête, en fin de course, la force d’inertie n’agissant plus, le guidon tourne et le phare éclate en rencontrant le sol.

Derrière moi, Gaby et Roger qui ont tout vu, les pieds à terre de part et d’autre de leurs engins arrêtés, la main sur la bouche sont effarés et stupéfaits. On rentre à la maison, je crâne mais je n’en mène pas large.

Après quelques semaines de gazes humides et de soins mineurs tout est rentré dans l’ordre.

Maintenant, je me méfie toujours quand ça va trop bien car j’ai toujours peur qu’une « cagade » me tombe sur le coin de la gu… figure.

Norbert Ségalas

(Source : Le Lien, bulletin des Enfants de La Stidia et Noisy-les-Bains, n° 52, septembre 2011)

 

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