Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB

Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


 

C’ETAIT MES PLUS BELLES ANNEES A NOISY

par Fernand Moullin

A quatre ans, je fréquentais la classe de Mme Coste (plus tard devenue Mme Garrigues). Je prétendais être le fiancé de Mlle Irma (Corbobesse), la femme de service.

Puis au cours préparatoire M. Dahoui m’apprenait à lire et à écrire avec le syllabaire Langlois et le livre de lecture Jeannot et Jeannette. Chaque matin, le tableau indiquait la leçon du jour, chaque phrase écrite d’une craie de couleur différente.

Ensuite je rejoignis la grande classe du certificat d’étude de M. Georges Létard. Il y avait là mes camarades Hervé Castant, alain Bayle, Gégène Langlois, Evelyne Létard, Tanou Sanchez, Hamida Amara et Félix Sanchez, mon meilleur copain depuis que la maîtresse, Mlle Coste, l’avait installé près de moi lors de son arrivée d’Espagne alors qu’il avait quatre ans.

J’ai souvenir du jour où M. Létard nous apprenait l’arrivée vers midi du 2ème régiment de tirailleurs de Mostaganem, de retour des manœuvres de Bedeau. Le maître nous range deux par deux sur le trottoir bordant la route de Perrégaux. Les soldats entrent au village accompagnés de leur fanfare, le mouflon bien décoré en tête. Nous suivons le défilé en marchant au pas jusqu’au stade. Pour la nuit, les tentes sont montées jusqu’au lendemain, jour de départ pour Mostaganem.

Grâce à l’événement nous sommes dispensés de classe. Cela nous permet d’assister sur la grande place au concert de musique militaire. Une grande table est installée pour accueillir les autorités : M ; le maire Eugène Morin, son adjoint M. Charlou Ségalas, les conseillers municipaux, le colonel et les officiers en grande tenue, le chef de gendarmerie et les gendarmes, le caïd Mechta et ses chaouches, les gardes chapêtres Victor et Abdellah, M. Pasquet receveur des postes, M. l’abbé Marcel Podesta et la population nombreuse.

J’ai quatorze ans lorsque, le 8 novembre 1942, le débarquement américain a changé les choses : c’est le retour du chocolat, du chewing-gum et d’une meilleure table. Toutes ces petites autos m’émerveillent, elles viennent de partout ; les jeeps sont pour moi plutôt des jouets que des engins de guerre. Ce nouveau matériel équipe aussi notre armée d’Afrique et nos jeunes soldats noiséens que j’ai vu passer dans notre village à bords de leurs chars (tanks) américains : Constant Gallet, Edgar Hernandez, René Paralieu, qui vont rejoindre la côte oranaise pour l’embarquement puis le débarquement du 15 août 1944 en Provence.

Le patronage nous offrait plusieurs activités dont le cinéma tous les dimanches avec les incontournables films de Charlot et Billembois. Il y avait deux grandes cours, en haut pour les filles, en bas pour les garçons, où nous avions chacun un petit carré de jardin. Nous nous partagions le pas de géant avec les filles à tour de rôle. Pendant les vacances d’été M. le curé nous faisait faire des devoirs sous les faux poivriers, nos encriers scellés avec du plâtre dans des boîtes de conserve pour ne pas les renverser.

Nous étions d’abord louveteaux (chef Fernand Virion), puis scouts. Je faisais partie de la patrouille du cerf (chef Norbert Castant) ; la 2ème patrouille, les hirondelles, était menée par Mimilette Morin. Nous allions soit à la mer, soit à la montagne, au Sable Rouge où nous cuisinions un bon riz au lait et apprenions notre chant scout : « Va scout de France… ». Parfois Michel Camus entrait dans l’église avec son âne offert par M. François Herrero.

C’est à peu près à cette époque que nos pilotes faisaient voler leurs petits avions. Roland Morin survolait souvent notre village et les écoles au grand désespoir des gendarmes. Quant à M. Arpad Fodor, il m’a donné le baptême de l’air un dimanche matin de printemps ; nous avons fait deux fois le tour du village à basse altitude, puis en final un piqué sur nos deux habitations car nous étions voisins, et avons rejoint la piste d’atterrissage à Ouillis.

Souvenez-vous de nos valeureux footballeurs : goal le grand Jeannot Aldeguer avec sa casquette ; les deux arrières Gégène Reynaert et Goyo, avec eux rien ne passait. Les demis, les plus âgés mais les plus vaillants : Jacques Mas, Emilien Heinrich et Yves Marty. Les ailiers Berrachem et Bouziane, de vrais chevaux de course. Les inters, malins et calculateurs, Riri Langlois et Roger Desgarniers. Le très fin avant-centre redouté de nos adversaires, René Torrès.

La stidia, Rivoli et Fornaka craignaient toujours notre équipe. Nous avions de très bons remplaçants : Roland Morin, Georges Végéhan, Gabriel Feldis, P’tit Lou Castant, Bébert Pareilleux… tout ce monde était mené par le président Gaby Brun, vice-président Dédé vMorin, trésorier Jean Mandron, secrétaire et arbitre Aimé Lamoise.

Ce comité était également dirigeant du boulodrome situé route d’Aboukir. Combien de concours avons-nous gagnés ! avec les tireurs Antoine Andraud, Gaby Morin, Riri Antiq, Dédé Andraud, Gilbert Morin, Jules Roos, et les pointeurs hors classe comme Thomas Martinez, Maurice Antiq, Serges Ségala, Christian Morin, Lucien Savournin, Hervé et Roger Castant, Jules et René Paralieu, Jacques Mas, Fernand et Mimir Moullin, et le docteur Hervé Camusat distributeur de cacahuètes.

L’équipe de foot rajeunie se défendait admirablement avec le goal Jules Roos, Kader, Norbert Castant, Gilbert Morin, Mimir et Gaby Moullin, Robert Heinrich, les Viscaïno, etc.

N’oublions pas nos fins joueurs de cartes : Auguste Batin, Dédé Andraud, Bébert Zammith, Fernand Moullin père, M. Henri Feyt, M. Henri Reynaud, M. Louis Castant, Maurice et Riri Antiq. Les champions au poker Rémi Morin et Jacques Mas. Ceux du jacquet, Jean Mandron et Louisou Savournin. Pour la belote citons les tricheurs, René Paralieu et Riri Langlois ; les plus forts, Hervé Castant et moi-même, François Viscaïno et Belahouel.

C’est là en 1948-1949 que j’ouvre une parenthèse pour mon année de régiment au 2ème chasseurs d’Afrique à Mascara et Tlemcen, en compagnie de Jules Roos et Alfred Lopez.

Nous allions souvent à la mer de La Stidia. Jacques Mas, Rémi Morin, Thomas Martinez, Maurice Antiq, Mohamed (Sépia) étaient de véritables spécialistes de la pèche aux sépias et aux oursins. Pour mes copains et moi, c’était l’occasion d’un excellent casse-croûte au bord de l’eau, la bouteille au frais, les oursins et le saucisson.

Comme chasseurs nous avions les champions de tir au perdreau et lapin : Riri Langlois, Gilbert Behing, Gaby Brun, Alfred Lopez, Norbert Castant, Auguste Badin…

Parlons maintenant de nos merveilleuses fêtes de village, 1947, 49, 49, 54, avec les décors prétigieux du moulin, du bateau, du phare, du canard… nous fêtions la fin des vendanges par un grand bal. Nous faisions de même pour Pâques où le lundi nous rejoignions la forêt de la Macta pour déguster la paëlla, le pastis et la mouna.

N’oublions pas ce petit bal sympa animé par Bébert Moullin, sa batterie et son phonographe. Les jeunes filles : Armande Corbobesse, Madeleine Reynaert, Missette Moullin, Gaby Langlois, Sylviane Morin, Reine Moullin, Eliane Morin, Lucienne Repelin, Odette Carillo, Christiane Heinrich, Régine Garrigues, Dédée Langlois, étaient nos meilleures danseuses.

Ces bals et fêtes attiraient beaucoup de monde de Mostaganem et des villages alentours. L’orchestre « Bébert and his boys » (prononcer Bébert andisboï… avec l’accent) avec M. Courroy à la trompette, Bébert à la batterie, M. Ségura au bandonéon, et Fernand le clarinettiste.

Vous souvenez-vous de la petite bourrellerie de Thomas (Martinez) ? C’était à qui y raconterait la dernière blague salée. Et de la cantine de Clément ? Tout le monde le dimanche soir s’y réunissait pour commenter les résultats des matchs de foot, sous l’œil averti de Maurice Langlois, supporter acharné de l’ISM. Etait toujours présent aux conversations l’éternel jeune et curieux Dodolphe.

Les jeudis étaient jour de marché, très animé. Les maquignons indigènes bruyants, les bouchers dénichant les meilleurs moutons, les chefs de famille à l’affût du plus beau gigot d’agneau, les fruits et légumes bio avant la lettre à profusion.

En hiver, avec les copains, nous chassions les canards à la Saline. Le dimanche après-midi nous allions au cinéma à Mostaganem et terminions la journée au bal à Saint-Jules. A cette époque nous circulions en carriole tirée par notre bel alezan Pompon ou à bicyclette. Plus tard nous empruntions la Citroën de mon père, bolide atteignant facilement le 80 km/h.

Souvent je revois ces fêtes, ces sorties, ces plaisirs et cette bonne vie. J’ai certainement oublié des faits et des noms qu’il aurait fallu mentionner, mail il y a si longtemps…

Je termine ma bafouille par la phrase de Pascal Sevran : « on était… bien ! »

Fernand Moullin

(Source : Le Lien, bulletin des Enfants de La Stidia et Noisy-les-Bains, n° 53, décembre 2011)

 

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