Histoire avant 1848
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Centenaire 1914-1918

ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

LA VIE AU VILLAGE AVEC PIERRE, PAUL, JACQUES ET LES AUTRES…

par Paulette LANGLOIS ANDRAUD

Le texte ci-après est extrait d’une longue lettre que m’avait adressée ma grand-tante Paulette Langlois, Mme Eugène Andraud, en 1977 à la suite d’un article évoquant Noisy-les-Bains que j’avais écrit pour « L’Echo de l’Oranie ». Souvent j’ai fait appel à sa mémoire, et sa dernière correspondance m’est parvenue en 1984 trois semaines avant sa mort. Née en 1903, elle était la dernière de notre famille à pouvoir évoquer encore l’autre siècle et les colons de 1848 dont elle avait connu certains dans son enfance. L’intérêt de son témoignage est de montrer comment on peut conserver tout simplement le souvenir de ceux qui nous ont précédés. Je lui devais bien ce clin d’œil.

Gérard Langlois

[…]

La famille Piot comptait parmi les premiers habitants de Noisy ; mes parents en parlaient encore longtemps après qu’ils aient disparus, tous morts ; cependant ils n’ont rien à voir avec Georges Piaut pâtissier boulanger, car ce dernier, originaire de la Métropole, est venu chez nous dans les années cinquante par son mariage avec la veuve d’André Lecigne, née Angèle Andraud.

Les Durbec étaient les parents de Joséphine Desgarniers, la mère de France.

Pour les Corbobesse, j’ignore le prénom du premier arrivé au village. Plus tard, Adolphe Corbobesse s’est marié avec Marie Ségalas, c’était les parents de Pierre et Joseph ; Maurice, le fils de ce dernier, a épousé Rose Muller, de Blad-Touaria, ce sont les parents du dernier Corbobesse resté à Noisy.

Desplanches était le nom de jeune fille de Mme Ferdinand Morin, née Henriette Desplanches, mère d’Eugène Morin qui était le maire du village pendant la dernière guerre.

T’avais-je parlé des Aldeguer ? Ils sont venus comme entrepreneurs de maçonnerie après la guerre de 14, dans les années 20.

M. Martinez père, qui fit longtemps du plâtre, s’occupa des carrières de pierre de taille. Ses deux fils, Joseph et Antoine ont fait la guerre de 14-18 ; Ulysse, fils de Joseph, fut blessé en Italie en 1943 et mourut des suites de ses blessures à Bari sur la mer Adriatique.

On comptait plusieurs veuves de gendarmes à différentes époques : Mme Dumas grand-mère de Camitou, Mme Maurel grand-mère de René Paralieu. Sans propriété, ou très peu, un petit jardin et une maison, elles n’en furent pas moins méritantes et élevèrent honnêtement leurs enfants ; leurs familles firent partie du village jusqu’à la fin puisque nous citons leurs petits-enfants travailleurs de la terre. Toutefois Mme Feldis, bien que veuve de gendarme aussi, avait une plus grande propriété venue des Moullin ; elle n’eut qu’un fils,  Victor, qui assura sa succession et même après sa mort la propriété Feldis prit de l’extension et tu sais l’aisance de tes tantes Blanche et Lydie. Mme Fraisse et sa sœur Irma Meilland, filles de gendarme, ont travaillé jusqu’à quelques années avant l’exode à conserver la propriété et le commerce de leur mère, née Corbobesse et fille des premiers colons de 1848. Toutes ces femmes ont œuvré à la prospérité du village.

Les Pain ont su faire fructifier leur bien. Victor Pain, le père, était maire de Noisy en 1903 et a signé mon acte de naissance. A la séparation de l’Eglise et de l’Etat le gouvernement laissant loisir aux maires des communes de France de continuer s’ils le voulaient de verser au clergé de leurs villes les quelques subsides qu’ils leur allouaient, M. Pain opta pour la continuation.

Tu peux citer les Savournin, Bonnel, Repelin, Mandron, Hernandez en t’informant de quelles régions ils étaient. Les Ségalas étaient Ariégeois.

On comptait aussi les Gallet, fils d’Anna Bois ; Mme Record, leur parente était née Eugénie Bois.

Tu devrais voir Robert Thurin, il te dirait quand sont venus de Suisse ses grand-parents. Son père, bon forgeron qui a formé quelques jeunes gens du village, était très arrangeant pour les colons quand arrivait l’échéance des factures ; il était en même temps propriétaire. Dans le même métier, depuis après la guerre de 14 jusqu’à la fin, il y avait les Roos et Castant ; dans les plus anciens, M. Pontarlier et son remplaçant M. Duboë.

M. Lafabrègue était tonnelier, M. Torrès et Thomas Martinez étaient bourreliers.

Dans les boulangers, M. Cazenave ; sa fille unique, Elise, a tenu la boulangerie presque jusqu’à l’exode ; sa veuve s’étair remariée avec M. Massa, un Italien qui parlait difficilement le français, honnête maçon qui a bâti bien des maisons du village. Ainsi, ajoutons qu’à notre départ il ne restait qu’une maison de colonisation, celle de Jean Mandron, vers chez ton grand-père Victor. Chacun en son temps et dans la mesure de ses moyens avait refait la sienne. Il y avait beaucoup de jolies maisons dans notre village.

Je reviens aux Durbec et Rabion, l’épouse du premier, dans les Parisiens de 1848. Comme profession à Paris ils plaçaient le mercure derrière les glaces ; ce sont les parents de Mme Desgarniers, la mère de France et Ferdinand.

M. Desgarniers était maire en 1910, il fut remplacé en 1912 par M. Félix Brun père qui fut tout de suite gêné par la guerre de 1914. C’était un homme de grande intelligence et de grande valeur avec de grandes idées. Pour le malheur de sa famille et de notre village il mourut hélas trop tôt en 1917. Son successeur aux affaires de la mairie fut son adjoint, ton arrière grand-père Henri Langlois, jusqu’à l’élection d’Hubert Hernandez.

Je crois que le premier maire, ou adjoint, d’Aïn-Nouissy fut l’oncle Edouard Regnoult, parrain de mon père et époux de Jenny Langlois. Lui ont succédé par la suite Jacques Morin le grand-père de Jacques Desgarniers, Jean Paralieu, peut-être Marius Moullin, M. Tuffière, Maître Thireau, etc..

Les Zammith étaient de petites gens. Le grand-père d’Héloïse, surnommé « Boudouma » par les Arabes, était un tributaire qui ravitaillait les douars en vendant des épices avec son bourricot.

En 1854 M. Chaboussy mourut à Nouissi en recommandant sa fille Nina à M. Lebarbier qui décéda à son tour et ce fut donc Mme Corbobesse, la grand-mère de Mme Fraisse qui éleva l’enfant. Nina Chaboussy épousa plus tard M. Gaubert, de Relizane, et sa fille Mme Praly, aussi de Relizane, était la mère de Mme Albert Jeaningros que nous avons connu comme négociant en vins à Mostaganem. M. Gaubert qui avait été mobilisé en même temps que tonton Eugène disait à ce dernier : « Moi aussi je suis de Noisy ».

L’arrière grand-père Clément était dans les premiers de Noisy avant d’aller à Fornaka.

M. André Hernandez a eu hôtel, restaurant et café de bonne renommée avant la guerre de 14 ; son épouse Julie Girard était fille de gendarme. Bien situé entre Perrégaux et Mostaganem car avec les voitures à cheval c’était un arrêt idéal pour le repas de midi. Plus bas il y avait la boulangerie buvette de M. Charles Soulevant où habitait Lucienne Repelin. Combien de temps a-t-il duré ce commerce ? Mme Végéhan, la belle-mère de Guy Dubuche pourrait te renseigner. Une autre boulangerie buvette celle de Mme Massa où habita Victor Pain devenu veuf ; plus tard devenue la maison d’Adrien Morin.

Jean Morin, le père du général, tenait une épicerie où plus tard était la cave avec une grande chambre pour le commerce des grains.

Mme Meilland et ses filles, Mme Fraisse et Irma, tenaient aussi un commerce d’épicerie en tous genres dans la maison où par la suite vivaient les familles Gomez, Pint, Torres, etc. En 1910 elles allaient installer ce même commerce où tu as connu le commerce Piaut.

Mme Lamoise, également, a tenu une épicerie où habitait Amédé, son fils, qui avait pris la succession jusqu’à la mort de Félix Dubuche.

Le café Garrigue fut ouvert vers 1930.

Jusqu’en 1910 où M. Torres s’installait comme bourrelier, les colons portaient leurs réparations de bourrellerie à Mostaganem : quand mon père était jeune c’était chez M. Bordas, et à l’époque de mon frère Henri c’était chez M. Ripoll.

Nous n’avons jamais eu de boucherie au village. Un ou deux bouchers ont tenté l’expérience mais ont échoué. Il n’empêche pas moins que nous étions bien ravitaillés à ce sujet car bouchers et charcutiers de Rivoli, Aboukir ou Mazagran venaient chaque jour de la semaine. Ajoutons à cela les jeudis et dimanches un marché très bien achalandé en moutons morts ou vifs ainsi qu’en beaux fruits et légumes frais de bonne qualité.

Nous avons eu un docteur et un pharmacien après la guere de 1945. Auparavant le médecin de colonisation puis le médecin communal de Rivoli venait une fois par semaine consulter dans une salle de la mairie pour soigner les indigents et les musulmans ou d’autres familles qui avaient besoin de lui. Nous étions à 16 km de Mostaganem où se trouvaient médecins de tous genres et cliniques chirurgicales ainsi qu’un hôpital mixte, civil et militaire.

Comme industrie il y avait l’exploitation de carrières de porphyre dont le poussier servait à recouvrie le goudron pour faire de belles routes. Egalement la briquetterie Bernal d’avant 1914 dont le fils continua jusqu’en 1962. Plâtre, chaux, pierres de taille étaient exploités sur adjudication. L’exploitation Grosjean de briques, tuiles et carreaux était la plus importante.

Il ne faut pas oublier la distillerie Robert Coste à l’entrée ouest du village.

Noisy était aussi doté d’un pont bascule communal, de moulins indigènes même dans les douars, aussi d’épiceries indigènes et de plusieurs lampos d’essence. Tout cela pour dire combien notre village était commerçant.

Enfin, à quatre kilomètres sur la route de Perrégaux, le camp d’aviation civil pour avions de tourisme fut utilisé par l’armée en 1940-1944.

Voilà ce qu’était Noisy avec toute cette activité et tous ces braves gens qui ont fait le village.

Paulette Langlois Andraud (+1984)



 

(Ce texte a également été publié dans le Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 10, mars 2001)




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