Histoire avant 1848
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ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie

JOURS DE FETES

par Gilbert Lardeaux

Je demande l’indulgence du lecteur, s’il relève dans le récit suivant, écrit de mémoire, quelques omissions ou erreurs bien involontaires.

La saison estivale était en Oranie la période où « fleurissaient » dans la majorité des communes, les « fêtes de village » ou « fêtes des vendanges ».

Avant le conflit armé de 1939-1945, chacune des fêtes bénéficiait d’une notoriété particulière. La plus renommée, ou citée par le public, semblait être celle d’Arzew, en raison de son site en bord de mer, de sa situation géographique entre Oran et Mostaganem, de la proximité à l’est des grandes plages de Damesme et Saint-Leu, lieux de séjour de nombreux estivants, du triangle formé, à l’ouest, des agglomérations de Kléber, Renan, Sainte-Léonie. En outre le choix de la date du 15 août, point d’orgue des réjouissances de l’été et du commencement des vendanges dans le département, n’était pas étrangère au succès.

D’autres communes avaient aussi la cote, comme Saint-Cloud, Rio-Salado, Aïn-Témouchent, etc.

Pourtant, dans notre région, des bourgs comme G. Clémenceau, Rivoli, Fornaka ou Noisy-les-Bains n’avaient rien à envier aux villages précédemment cités, pour l’attrait de leurs festivités et les foules qu’ils arrivaient à déplacer.

La réussite d’un tel événement était le résultat du dynamisme du comité des fêtes chargé de l’organisation qui consacrait beaucoup de temps, de travail et d’imagination, pour innover et plaire, afin de rivaliser avec les autres agglomérations.

Pourtant, malgré le dévouement des personnes responsables, le rayonnement ou même l’existence de la fête restait assujettis au budget qui lui était consacré pour l’engagement d’un orchestre réputé, disponible ; l’organisation des manifestations et attractions, la décoration, les illuminations de la place et des grandes rues de la localité, l’emplacement et le fonctionnement de la fête foraine, etc.

A Noisy, quelques semaines avant la fête, l’aide effective de quelques personnes était sollicitée pour recueillir des fonds supplémentaires destinés à grossir la cagnotte.

Ainsi, notre mère était particulièrement heureuse de remettre son obole de participation à de charmantes jeunes filles chargées de cette mission.

Le déroulement de la fête du village de Noisy était généralement prévu dans la première quinzaine du mois d’août et durait trois jours et trois nuits, voire davantage.

La décoration de la cité comprenait l’installation de guirlandes électriques, de lampions, d’oriflammes dans les deux rues principales et sur la place publique où était dressée l’estrade de l’orchestre.

Les forains s’installaient dans les deux rues principales, à proximité de la place ; si mes souvenirs sont exacts, le feu d’artifice était tiré depuis le jardin de la mairie.

Les manifestations organisées pour ces trois jours, comprenaient : des courses cyclistes pour adultes et enfants (Rody Hernandez en remporta une en 1938 avec son vélo Terrot) ; un concours de boules de pétanque ; de cartes ; de tir à la carabine doté de nombreux lots (mon oncle Aristide Lardeaux, bon chasseur mais également habile tireur qui épaulait à gauche, remporta entre autres, trois prix : un fusil 16 mm, une carabine 9 mm, et une carabine 6 mm).

Vous voudrez bien m’excuser de ne pouvoir donner le nom des autres lauréats des différents concours, je ne dispose pas de toute l’information.

Nous allions au bal en famille, en emportant sous le bras nos sièges que nous disposions, en arrivant, autour de la piste de danse.

L’atmosphère du lieu alimentait les conversations et discussions de nos parents et amis qui commentaient les morceaux interprétés par l’orchestre, cherchaient à reconnaître les personnes présentes, appréciaient la beauté, l’harmonie ou le talent des couples de danseurs.

Le bal était pour notre grand-mère maternelle l’occasion d’évoquer les danses d’autrefois : polka, mazurka, scottish, fox-trot, valse, etc. Elle nous parlait aussi du quadrille des lanciers, la danse-reine que nos parents avaient appris à danser, eh oui…, avec les jeunes hommes et jeunes filles de Legrand et de Saint-Cloud d’où ils étaient respectivement natifs.

Mais nous étions maintenant à la fin des années 1930 et si les valses étaient toujours là, les paso-doble, rumbas, boléros, tangos, slow, enchantaient de plus en plus la jeunesse toujours avide de nouveautés.

Pour nous les gosses, l’attraction de la fête se situait plutôt ailleurs, vers les balançoires adossées au mur de l’épicerie de madame Reynaert, les manèges, la baraque du tir à la carabine, celle des pyramides de boîtes de conserves vides à abattre avec une pelote de chiffons, celle des tombolas à lots, celle des sucreries pâtisseries et confiseries… Nous épuisions alors rapidement notre petit pécule et nos forces à nous balader avec nos camarades de jeux.

Puis arrivait le moment crucial du feu d’artifice où, craintifs, admiratifs ou ébahis, nous regardions monter vers le ciel les fusées multicolores sifflantes et tonnantes, ces merveilles de la pyrotechnie. Les applaudissements de la foule ponctuaient la fin du merveilleux spectacle.

La nuit avançant, et notre père devant reprendre tôt son travail le lendemain matin, nous quittions à regret le bal et la fête, pour rejoindre notre domicile, en empruntant la rue pavoisée, sous une haie d’arcs lumineux jusqu’à hauteur des écoles. Au-delà, faute de supports suffisants, il n’y avait plus d’éclairage électrique, nous avancions alors jusqu’à la maison, accompagnés par la chorale stridente des grillons et sous un ciel admirablement étoilé.

Enfin couchés, par la fenêtre de la chambre laissée volontairement ouverte, nous parvenaient atténués, les derniers flons flons de la fête et nous nous endormions, les yeux encore pleins de fééries et le cœur rempli d’espérance pour de prochaines nouvelles fêtes !

Gilbert Lardeaux

(Source : Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 13, décembre 2001)



 

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