Histoire avant 1848
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Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie


 

IL Y A QUATRE-VINGTS ANS A NOISY-LES-BAINS

par Gérard Langlois

Souvent j’avais entendu évoquer « La farce du cuvier » par mon oncle Fernand Moullin qui moquait un peu sa mère à ce sujet. En fait, l’évocation se limitait au titre de cette fable et à préciser que ma grand-mère y avait tenu un rôle avec succès. Je n’en savais pas plus mais ce titre s’était gravé dans ma mémoire sans que je sache pourquoi. Puis un jour, bien longtemps après et bien loin de Noisy, en dépouillant les journaux dont les articles allaient constituer « La Gazette de Noisy-les-Bains », je suis tombé sur un article paru le 24 janvier 1924 dans L’Echo d’Oran relatant une soirée théâtrale au village à l’occasion de laquelle on avait joué cette fameuse « Farce du cuvier ». Les noms de tous les acteurs de la soirée, en l’occurrence des actrices, étaient énumérés et parmi eux le nom de Clémentine Morin, ma grand-mère. C’était incroyable et d’autant plus émouvant que je lisais ces lignes à la Bibliothèque nationale, un lieu solennel de la République qui conservait pour toujours le nom de ma modeste grand-mère. Par la suite, en classant des photographies de famille, parmi des photos de groupes divers je retrouvai deux groupes de jeunes filles qui attirèrent mon attention et me firent aussitôt penser à l’article de L’Echo d’Oran. Il s’agissait bien des photos prises à l’occasion de cette mémorable soirée.

Quatre-vingts ans après cet « événement culturel » il me semble amusant de réunir pour vous le compte rendu de la soirée et les portraits de ces actrices d’un soir.

UNE SACREE SOIREE

« Noisy-les-Bains – La soirée du 19 janvier 1924, organisée au profit de la jeune société de musique L’Avant-Garde, fut un régal et un succès.

Si vaste que soit la salle des fêtes, elle est comble dès l’ouverture des bureaux, et après un brillant pas redoublé, le rideau se levait sur un coquet intérieur breton dans lequel Mlles Clémentine Morin, épouse fidèle et amante éplorée, Marthe Moullin, bon vieil époux compatissant, et Jeanne Bonnel, amant fidèle et tristement déçu, jouèrent admirablement la fine et poignante saynète de Theuret, « Jean-Marie »1. Le plus bel éloge que nous puissions adresser à ces jeunes et charmantes actrices est tout entier dans le silence recueilli de près de cinq cents personnes et les larmes qui coulèrent de leurs yeux.

Il fallut tout le talent de fine diseuse de Mlle Boudon, dans son monologue Je vais me marier, pour dissiper la profonde émotion ressentie et ramener le sourire sur toutes les lèvres.

La tristesse se changea complètement en gaieté et en fou-rire dans Le Misanthrope et l’Auvergnat2, où Mlles Henriette Boudon, soubrette délurée, Paulette Langlois, misanthrope aigri mais amoureux quand même, Fernande Moullin, robuste et gai porteur d’eau et Auvergnat à la loyauté simple et à brusque franchise, Jeanne Bonnel, sélect sapeur amateur de courses, Louisette Hernandez, sa coquette femme, et les rusés domestiques Clémentine Morin et Marthe Moullin, se taillèrent un succès enviable, partagé par Mlle L. Capelle.

La troisième partie, avec un nouveau monologue, Le fiancié audacieux3, nouveau succès de Mlle Boudon, un vibrant solo de M. Harmelle qui charma l’auditoire et enfin la délicieuse comédie La farce du cuvier4, enlevée avec autant de brio que d’humour par Mlles Marthe Moullin, Clémentine Morin et Paulette Langlois, fut le triomphe final. Aussi les applaudissements répétés et les conversations échangées pendant le bal animé qui suivit, prouvèrent tout le plaisir ressenti par les spectateurs.

Jolie et agréable soirée qui laissera chez tous un souvenir. Félicitons sans réserve nos musiciens qui surent faire apprécier leurs progrès dans de nombreux morceaux brillamment exécutés et recueillirent avec leur chef dévoué et infatigable, M. Durand, des applaudissements mérités ; toutes nos charmantes actrices, aussi à l’aise sur la scène que de véritables professionnelles ; les amis mostaganémois, toujours prêts à rendre service ; Mlles Moullin et Clarisse Langlois, dont la grâce et l’amabilité surent rendre fructueuse la recette du plateau ; tous ceux enfin qui ont bien voulu apporter leur concours à l’organisation de cette soirée et le public lui-même qui, par son exactitude, son silence, son attention recueillie, rendit facile l’exécution de tout le programme. »

Gérard Langlois

1-Jean-Marie est une pièce écrite en 1871 par Jean Thieuret (1833-1907)

2-Le Misantrope et l’Auvergnat, pièce écrite en 1852 par Eugène Labiche (1815-1888)

3-Impossible de trouver l’auteur de ce Fiancé audacieux

4-La farce du cuvier est une œuvre anonyme du XVème siècle

(Source : Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 21, décembre 2003 ; L'Echo d'Oran daté 24 janvier 1924 / La Gazette de Noisy-les-Bains, tome II ; archives privées)



 

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