ANLB
Aïn Nouissy / Noisy-les-Bains
Toute l'histoire d'un village d'Algérie
ENTRAIDE
par Norbert et Pierre Ségalas
Voici une histoire qui s’est passée en France au mois de mai 1990.
Le printemps s’étirait et l’été approchait à grand pas.
Les vignes étaient pleines de promesses, quand, au milieu d’une belle journée, le ciel se couvrit d’énormes nuages menaçants et ce fut la consternation…
Sur le tènement de Pinet (comme pour son fameux « Picpoul », vin blanc réputé pour accompagner les coquillages du bassin de Thau tout proche, entre autres), un terrible orage a détruit tout le vignoble.
A quatre heures de l’après-midi, la terre était recouverte d’une dizaine de centimètres de grêlons qui brillaient sous le soleil soudainement réapparu. Les vignes semblaient en plein hiver, sur les ceps il ne restait que des sarments verts dénudés, plus de feuilles… plus de grappes.
Aussitôt les conseillers agricoles font leurs diagnostics : « Il faut retailler en vert le plus possible. »
L’alarme est donnée dans tous les villages de l’Hérault et dans les départements limitrophes.
A Abeilhan, nous répondons à l’appel et le jour « J » nous voilà partis de bonne heure.
Nous sommes une vingtaine, Pierrot Ségalas vient avec moi dans la Renault 4L.
Il y a foule à Pinet, des voitures et des cars stationnent un peu partout. Nous sommes vite « embauchés » avec d’autres et nous suivons la propriétaire d’une campagne (une ferme) qui se situe entre Pinet et Mèze, à 5 kms de Pinet.
Nous sommes une cinquantaine à pied d’œuvre, tandis que la patronne, depuis sa voiture qu’elle ne quitte pas, nous indique d’un geste de la main les vignes à retailler.
Nous allons bon train, et à moitié de la rangée Pierrot me dit : « Tu vois la campagne au-dessus, dans les pins ?... C’est celle de Bébert Morin ! »
Je l’ignorais : « T déconnes ? Mais alors… qu’est-ce qu’on fout ici ? »
On se met d’accord, on finit « lo birat » (prononcez le « t » final, mot occitan pour désigner un « aller-retour ») et on décroche.
Nous rejoignons la 4L garée près des bâtiments et là nous apercevons un bénévole assoiffé qui fouine dans la ferme, cherchant probablement un point d’eau, les gens du lieu sont introuvables. Enfin il aperçoit quelqu’un, la patronne, et lui demande à boire, un verre d’eau suffira. Elle lui répond qu’à Pinet (en effet tous les propriétaires avaient aménagé un point de rencontre approvisionné en boissons et victuailles) il y a tout ce qu’il faut, à boire et à manger à notre intention, il n’y a qu’à s’y rendre. Le type est désappointé, car c’est trop loin, et retourne à la vigne sans pouvoir étancher sa soif… ça me fait aussitôt penser à l’histoire du verre d’eau que l’on nous a souvent reproché, mais je ne généralise pas pour autant, car heureusement on n’est pas tous pareils. Comme le disait San Antonio, « il y a les cons, les moins cons et les autres… c’est-à-dire les très cons ».
J’embraye, on traverse la nationale et au bout du chemin, la ferme de Bébert (Albert Morin) nous accueille à l’ombre de ses pins parasols. Nous embrassons son épouse, Germaine, toujours souriante et pleine de bonne humeur malgré tout. Elle quitte momentanément ses fourneaux pour nous orienter vers la vigne où se trouve Bébert, son mari, au milieu d’une vingtaine de volontaires.
La propriété terminée, Albert nous fait traverser la route pour aller aider son voisin, celui que nous avions quitté, Pierrot et moi, quelques heures plus tôt.
A midi, de retour à la ferme, une table dressée sous les pins nous attend avec de l’eau fraîche pour troubler l’anisette et le pastis, des vins cuits, des jus de fruits et la « kémia », enfin, tout ce qu’il faut pour rincer les gosiers asséchés. Certains étaient gênés et ne voulaient pas abuser de la situation. Je leur propose de rester car tout ceci est offert de bon cœur et fait partie du sens de l’hospitalité de la famille Morin.
L’apéro terminé, les volontaires vont rejoindre Pinet et les autres bénévoles pour une grillade monstre offerte par tous les sinistrés. Avec Pierrot, nous allions nous aussi prendre congé, mais Germaine nous invite si gentiment que nous ne pouvons refuser, et nous nous régalons d’une savoureuse paëlla.
Vers la fin du repas, on frappe à la porte, c’est Nénesse Morin (Ernest, frère d’Albert), il nous reconnait de suite : « … Les Ségalas »
Il est suivi de peu par Camitou Moullin et nous voilà, un petit groupe de Noiséens loin de leur pays, démêlant les souvenirs communs de leur cher village.
Bien entendu, arriva le moment de nous séparer pour reprendre nos soucis quotidiens en nous promettant de nous revoir sous de meilleurs hospices.
Heureusement que tous les ans nous avons l’occasion et la chance de nous retrouver. Si la santé nous le permet, n’hésitons pas à venir aux Retrouvailles, et même, faisons partager ces bons moments à nos enfants et petits-enfants qui s’en souviendront toute leur vie.
Nobert et Pierre Ségalas
(Source : Bulletin de liaison des Enfants de La Stidia et Noisy, n° 42, mars 2009)
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