Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

Le 18/08/2007

PHÉNOMÈNE DE L'IMMIGRATION CLANDESTINE EN MÉDITERRANÉE.

Le «génie» des passeurs

L'engouement que prend le phénomène de l'immigration clandestine semble s'accompagner d'une réelle capacité d'adaptation chez les passeurs qui, non satisfaits de l'usage du GPS et de bateaux de plus en plus rapides et surtout de plus en plus grands — afin de transporter le plus grand nombre de harraga par passage —, viennent de passer à la vitesse supérieure par la multiplication des points de départ.

Mostaganem. De notre correspondant La moindre crique, le moindre rocher accessible peut servir de lieu de ralliement. Mais parfois, la météo, qui semblait au départ clémente, peut jouer de mauvais tours. C'est la conclusion qui vient de suite à l'esprit suite à la prise que l'on peut qualifier de miraculeuse que vient d'effectuer, de manière tout à fait inopinée, un marin pêcheur originaire de Aïn Nouissy. Possédant en propre une frêle embarcation en polyéthylène, dotée d'un moteur de faible puissance, ce grand amoureux de la grande bleue qui ne résista pas à l'envie d'échanger son métier d'agriculteur qu'il pratiquait avec rigueur et professionnalisme contre celui d'artisan pêcheur. Malgré les aléas du métier, que la concurrence déloyale et illégale des gros chalutiers rendra de plus en plus précaire, il continua à sortir en mer malgré ces nombreux avatars. Jusqu'à ce dernier week-end de la mi-août, tout allait pour le mieux. En effet, ce jour-là, alors qu'il remontait parcimonieusement ses filets de type trémaille posés la veille, notre valeureux manuel aura la surprise de sa vie. Non loin de sa frêle embarcation, dérivant au grès du courant, une véritable image insolite s'offrait à son regard. Attaché en chapelet par une corde, cinq jerrycans d'une contenance de 30 litres chacun se laissaient ballotter au grès des vagues. Flottant entre deux eaux, en raison de la plus faible densité du carburant dont ils étaient lestés, les bidons s'en allaient lentement vers le rivage. Ayant de suite compris l'origine de la cargaison, l'infatigable pêcheur aura de la peine à la remorquer jusqu'au rivage de Stidia, où un petit abri de fortune sert de port d'attache à une trentaine de petits métiers. Arrivé à terre, il ira droit vers le poste de gendarmerie où il fera part de son insolite prise. Les gendarmes prendront possession des bidons et de leur précieux liquide. A priori, il pourrait s'agir d'un stock de réserve qui était à bord d'une embarcation qui aurait chaviré au large. En effet, lundi dernier, 11 harraga qui avaient pris le départ depuis Kristel se seront échoués sains et saufs sur la plage de Chaïbia. Alertés, les gendarmes auront réussi à en appréhender 6, les 5 autres se sont évanouis dans la luxuriante forêt qui borde la plage. D'où ils peuvent aisément se confondre avec les nombreux vacanciers qui fréquentent assidûment ce coin paradisiaque. Depuis bientôt une année, les départs à partir du golfe d'Arzew et de la pointe de l'Aiguille se font de plus en plus nombreux. Le pilote d'un groupe qui avait pris le large depuis l'îlot de Stidia, jeudi dernier, aura donné de ses nouvelles à sa famille. Selon une source fiable, la traversée aura duré pas moins de 18h. Ce jeune, qui aura réussi cette traversée sans encombre, était connu à Stidia pour être un marin pêcheur chevronné. Les multiples tentatives avortées, grâce à une surveillance étoffée des côtes mostaganémoises depuis Sidi Mansour jusqu'à Sidi Abdelkader, au niveau du cap Kramis, ne peuvent malheureusement cacher la triste réalité que vient de rappeler avec force arguments Kamel Belabed, le porte- parole du collectif de familles d'immigrants clandestins (cf. El Watan du 13 août 2007), c'est au moins 30 jeunes Algériens qui tentent quotidiennement l'aventure. Sachant qu'une traversée se monnaye entre 70 000 et 150 000 DA, il y a de quoi attirer cette faune sans scrupule qui tente de créer de véritables couloirs de passage entre l'Espagne à l'Ouest et l'Italie à l'Est. Ce n'est point sans raisons que la flottille de pêche artisanale fait l'objet de toutes les sollicitudes. Ce genre de trafic qui peut s'avérer mortel pour la jeunesse est très lucratif pour les trafiquants sans vergogne. La moindre accalmie sur le plan météorologique est mise à profit pour faire quitter le pays à des jeunes désœuvrés et désabusés.

Yacine Alim

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