Histoire avant 1848
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Vie des Communautés
Centenaire 1914-1918

Le 07/08/2009

MARIAGES : CE QU'IL NOUS RESTE DES TRADITIONS.

Poèmes, rituel du henné, visites au marabout... de Mostaganem, à Souk Ahras, les cérémonies de mariage ont beaucoup évolué. Selon les familles, les moyens et le temps, chacun tente de garder le meilleur des traditions. Et leur esprit.

-Islan ou le mariage ouargli Islan, le mariage ouargli dure quinze jours, chaque jour porte le nom d’un plat ou d’une tradition. Les festivités sont actuellement réduites de moitié, les jeunes voulant s’affranchir du poids des coutumes. Mais pour beaucoup, Islan est beau et valorisant, fêté dans la joie et la pure tradition avec quelques touches de modernité ou ingrédients importés. L’esprit d’Islan est toujours là avec son lot de regroupements familiaux, préparatifs bruyants, ziara des marabouts, gastronomie, costumes traditionnels, takouka et rebbakhi (chant et danse traditionnels) et hommage aux plus âgés. Samedi : jour du henné. Séance de hammam pour la mariée ses sœurs, ses copines et ses cousines. La future épouse est lavée, épilée et parfumée à l’eau de rose et à la poudre de girofle. La cérémonie du henné se déroule le soir en présence de la délégation féminine de la famille du fiancé. Après un dîner composé de soupe, tadjine, salades et fruits, la mariée entre en scène vêtue de rose pour ce rituel accompli par la belle-mère. Dimanche : jour d’iouzene d’aoune. Au menu : plat de céréales, viande et tripes ainsi que des fèves cuites à l’eau. La mariée est vêtue d’une malehfa et parée d’or pour la journée. Après la prière du A’assr, la ziara de Sidi Abdelkader avec les copines. Lundi : jour du dayifouhane où on roule l’encens. C’est le grand jour pour la mariée ouarglie. Tôt le matin, elle visite Sidi Barajal. De retour, elle porte le haouli noir qui est le must des costumes traditionnels. Ses tantes roulent l’encens nuptial et les invitées sont conviées à un couscous royal puis à une séance de b’nadir animée par une troupe féminine traditionnelle. Mardi : jour de taknift tadount, une sorte de m’hadjeb richement farcie dont une partie est envoyée chez le mari. La mariée porte le haouli vert et parée de bijoux en argent. Elle visite Sidi Ouhssane l’après-midi, y jette trois cailloux puis revient en courant chez ses parents. Mercredi : jour d’assenser. La mariée est conviée par ses oncles et tantes maternelles. Le matin, elle se rend avec son fiancé à Sidi Belkheir pour une prière au mausolée puis elle se rend soit chez son hôte ou hôtesse ou chez ses parents, s’il y a cotisation pour l’organisation de la cérémonie. On lui offre des vêtements et des cadeaux utiles à son foyer. L’après-midi est consacrée à la Tessdira, défilé de tenues d’apparat. Côté marié, c’est le jour du grand couscous puis soirée de chants traditionnels masculins. Jeudi : jour de Sidi Abdelkader et Tidegaline, soit de la belle-famille. Grand couscous pour les femmes des deux familles et spécialement celle de la mariée accueillie en hôte de marque. C’est le grand jour du marié qui sort en costume traditionnel sur un cheval blanc, fait la tournée du ksar et va avec ses amis à la ziara de Sidi Abdelkader. Deuxième séance de bnadir ou chants féminins. Le soir, c’est la nuit de noces. Vendredi : jour du sbah et de taknift tazdat ou roggag, que la famille de la mariée prépare pour le déjeuner des mariés et de la belle-famille. Le marié accomplit l’ikram avec ses amis à la palmeraie pour ramener des fleurs et un cœur de palmier à son épouse. Un méchoui est préparé avec une part pour la mariée qui porte le haouli grenat. Samedi-dimanche-lundi : trois jours de hedjba : isolement des nouveaux mariés. Chouchoutés, ils reçoivent des visites à des heures précises. Là, ils reçoivent les repas et les cadeaux de la famille. Le lundi soir, le marié accomplit le okbal sobiane, un vœu de mariage pour les jeunes de la famille. Il va embrasser la tête des anciens de sa famille qui lui offrent de l’argent et des bijoux. Mardi : jour du khroudj ou fin de la hedjba par une cérémonie de thé et de danse chez la belle famille.
- Kabylie : henné, poèmes et idhebalen Par ces temps de disette, convoler en justes noces avec sa douce moitié devient un véritable casse-tête pour les personnes en âge de se marier. En Kabylie, il faut en moyenne 10 à 15 millions de centimes (meubles et frais de fête) pour se marier. La cérémonie religieuse, qui se charge de sceller les liens du mariage avec la dot, précède tout le cérémonial du mariage. Un repas est servi aux invités des deux familles. Les frais du repas sont partagés entre les deux parties pour l’achat de la viande, de la semoule, de l’huile. Le tuteur du nouveau marié dépose une belle somme d’argent sur la table. La bienséance veut que le père de la mariée (ou le tuteur) en ramasse juste une partie pour porter chance à sa fille. C’est le soir que commence la fête chez le nouveau marié avec la cérémonie du henné. Les femmes, réparties en deux groupes, chantent les poèmes du terroir en hommage au nouveau marié. On demande le silence pour laisser place à un homme qui récite plusieurs poèmes décrivant avec humour la réalité de la famille kabyle. A la fin, le poète s’empare de tous les œufs offerts par la famille sous les applaudissements des convives. Puis tout le monde se retrouve sur la grande place du village où est organisée la grande soirée de chants et de danses, un ourar (bal) animé par des chanteurs amateurs ou professionnels, parfois remplacés par la troupe des idhebalen qui interprètent d’autres airs de musique à la trompette et au tambour et ce, jusqu’aux aurores. Le lendemain, dans l’après-midi, on va chercher la mariée de chez-elle. Coups de klaxons tonitruants, décibels tapageurs d’une méga chaîne hi-fi, youyous stridents des femmes en robes blanches décolletées… s’il existait un festival des cortèges nuptiaux, la palme d’or aurait sans doute été attribuée à Bouzeguène, où l’on compte une forte communauté émigrée. Des voitures, dernier cri, toutes ceinturées par des ornements de fleurs, enjoliveurs compris. Avant de poser le premier pied dans sa nouvelle résidence, la mariée doit boire dans un pot en verre que lui offre sa belle-mère et balancer de ses mains, à tous vents, un mélange d’œufs, de bonbons, de gâteaux... Le soir, la fête s’achève par un dîner offert à tous les villageois. Le lendemain du mariage, un repas est préparé pour la mariée et sa famille. Elle reçoit ensuite la visite de la famille, de son mari et des gens du village venus lui apporter des cadeaux et le plus souvent de l’argent. C’est là que les invités et les parents de la mariée quitteront la maison et laisseront la jeune épouse chez-elle.
- A Oran, 14 000 mariés en une seule année ! Avec une moyenne de 50 mariages par jour de 9h à 16h durant le seul mois de juillet dernier par les services de l’état civil d’Oran, le début de l’été jusqu’à la première quinzaine d’août sont les deux mois de la saison estivale les plus sollicités pour les mariages. Pour la seule année 2008, 14 000 actes de mariage ont été établis uniquement à Oran soit un millier de plus par rapport à 2007 ! Pour cette année, et devant le nombre de réservations déjà enregistrées pour ce mois d’août et surtout celui d’octobre prochain juste après la période du mois de Ramadhan, le cap des 15 000 actes sera largement dépassé. Parlant de chiffres et malgré les prix exorbitants allant de 6,10 ou 30 millions de centimes (repas non prévus) soit pour la demi ou la journée entière avec un DJ en prime, la trentaine de salles implantées à El Bahia affichent déjà complet jusqu’au 18 août prochain. Certains gérants de salles ont déjà des options de réservations payantes pour la première semaine du mois d’octobre. La tendance de cette année pour le cortége nuptial ? L’exigence est de la limousine, à la calèche grandement décorée. Une grande virée dès 21h à travers les grandes artères de la ville est prévue avec passage obligé sur le grand boulevard du 19 Mars surnommé pour l’occasion -Le boulevard des Amours. A bord d’une limousine, il faut prévoir 1 million de centimes pour une heure et le parcours de la ville avec la traditionnelle halte au niveau du mausolée de Sidi El Houari, avant d’arriver à la salle des fêtes. Pour la calèche, la facture est moins salée. Pour un trajet de 200 m, à proximité de la salle des fêtes ou de la maison parentale, il faut compter 500 000 centimes avec, bien sûr, un baroud sur un fond musical exécuté par une troupe de karkabou. En plus du prix du mariage -plus de 20 millions centimes uniquement pour une soirée d’organisation- il faut ajouter la dot et le trousseau de la mariée, eux seuls sont estimés à environ 50 autres millions de centimes- bijoux et ameublement compris. Aujourd’hui, certains parents n’hésitent pas à recourir, devant les dépenses faramineuses, au mariage traditionnel. Ils organisent les noces de leur progéniture sur la terrasse de leur villa ou à proximité de l’entrée de leur domicile dans une grande tente aménagée (après demande d’autorisationdélivrée soit par la sûreté urbaine ou le secteur urbain.
- A Souk Ahras, entre tradition et endettement Célébré avec faste et tintamarre, le mariage est de plus en plus coûteux à Souk-Ahras et dans la majorité des autres villes de l’est algérien, où rien ne semble prévoir la rupture avec le «m’as-tu vu» et les «qu’en dira-t-on». De la dot au trousseau de la mariée, des achats les uns plus onéreux que les autres, l’heureux prétendant à l’hyménée va inéluctablement, après le coup de grâce chez le bijoutier, vers l’endettement. Il doit faire preuve dans tous les cas d’une connaissance profonde des besoins de la mariée et, surtout, faire preuve d’aisance devant les invités sous peine de subir les foudres des mauvaises langues qui peuvent atteindre le couple à n’importe quel moment de leur vie prénuptiale. Ariss el ghelba (mari de misère), Ares gueddou-gueddou (un mariage juste-juste)… sont autant de mots courants pour alimenter les commérages des convives qui restent à l’affût du moindre indice de frugalité ou de disette pour s’acharner sur l’une ou l’autre famille. La fête proprement dite est accompagnée de rituels, de coutumes variant d’un temps à un autre et d’un groupe social à un autre. Ce qui était de rigueur autrefois est facultatif aujourd’hui. Les atours que la mariée portait impérativement la nuit où le mariage devait être consommé et le port du burnous du père ou du grand père par son mari ont totalement disparu au profit de la robe de mariée et du costume universel. Seules quelques familles conservatrices en font une obligation dans le but de perpétuer la tradition. Des femmes en carats et autres, harnachées pour la circonstance, défilent et dansent pendant toute la journée au rythme du disc-jockey, une « machine à musique» qui a ravi la vedette aux ancestrales fkirettes (chanteuses traditionnelles qui animaient les fêtes familiales). La cuisine citadine tombée en disgrâce y est ressuscitée et les mets du terroir, les uns plus succulents que les autres, sont préparés en présence de cuisinières professionnelles. Du côté des hommes, les troupes de malouf,de chaâbi ou de raï animent la soirée jusqu’au petit matin. Les boissons alcoolisées, totalement disparues des mœurs souk-ahrassiennes pendant les fêtes familiales, sont servies en toute discrétion, à la demande de l’invité. Pour une majorité frappée de plein fouet par une disette chronique qui sévit à Souk-Ahras, les couples partent dans un semblant voyage de noces, juste après un passage furtif à la mairie. Pour d’autres encore, le tout est résumé en une walima (rencontre-dîner) où l’on évoque les supplices du tombeau (aadheb el-kabr) et le châtiment réservé au fornicateur (oukoubet el-fassek). Point de musique ou de signe de joie.
- A Sétif, on préfère les salles des fêtes Autrefois, le mariage sétifien durait sept jours et sept nuits, célébré le vendredi uniquement. Les temps modernes ont bousculé les us et coutumes des gens de la capitale des Hauts-Plateaux qui ne trouvent désormais aucun inconvénient à faire la fête en semaine. Pour ne pas abîmer les meubles de la demeure familiale et se débarrasser le plus rapidement possible de certains encombrants convives, on opte le plus souvent pour les onéreuses salles des fêtes, de plus en plus nombreuses. Même si la dot (en argent, effets vestimentaires, bijoux et autres accessoires) existe toujours, de nombreuses familles sétifiennes n’exigent désormais que le dinar symbolique et surtout el hanna pour leur progéniture (la quiétude et le bonheur). Le voile d’antan a cédé la place à la robe de mariée. Les cérémonies suivant la nuit des noces ne sont plus d’actualité. Néanmoins les robes traditionnelles ont toujours la côte, tout comme la berboucha (couscous) et la chorba frik, qui n’ont pas pu être déclassés par les tajines
- A Constantine, la fête commence le jour de la "demande" Dans le temps, différents protocoles et longues procédures étaient liés à la cérémonie de mariage. La première donc, appelée chaoufa consiste à rendre visite (exclusivement les femmes de la proche famille du futur marié) à la future mariée, histoire de la voir et d’apprécier ses qualités physiques, s’assurer au passage qu’elle n’a pas de défauts par l’entremise d’une matrone qui ira jusqu’à tâter certaines parties de son corps… Etape suivante, si entre-temps on ne s’était pas ravisé sur le choix de la fille, la demande officielle se faisait, d’un côté par les femmes à la mère de l’élue, et de l’autre par les hommes qui s’adressaient au père de celle-ci avec les négociations d’usage autour de la dot, un cadeau (bijou en or), en plus d’un petit plateau de confiserie. Une coutume consistait à voiler la promise en même temps que quatre ou cinq de ses amies était aussi de mise pour tromper l’assistance et dérider l’atmosphère. La personne qui trouvait la mariée de ses quatre compagnes avait alors un cadeau. Le jour de la noce, des fleurs, des dattes et des bonbons étaient lancés à la cantonade. Les invités étaient également copieusement arrosés d’eau de fleur d’oranger pour «susciter la chance". Arrivée dans la maison de son époux, la mariée est accueillie avec un pain rond fait maison et un bouquet de persil qu’on lui met dans son giron : promesse de prospérité. La nuit de noce concernait tout le monde. L'honneur des deux familles( et des voisins) était en jeu, aussi ils attendaient fébrilement que soit consommé le mariage, preuve à l’appui (la chemise de nuit maculée de sang). De nos jours, ces choses ont disparu. On se passe des entremetteuses, et la fête est d’ores et déjà entamée le jour même de la demande en mariage, qui fait aussi office de fiançailles. Les orchestres sont bannis, remplacés par les disc-jockeys. Un pied dans le monde moderne et l’autre dans un passé révolu.
- Rituels maraboutiques à Mostaganem Distante d’un peu plus d’1 kilomètre de Mostaganem, sa grande sœur, la cité de Mazagran, là où se trouve le mausolée de Sidi Belkacem, devient la destination obligée de tous les cortèges nuptiaux. Hiver comme été, le pieux marabout constitue un passage obligé et sa «baraka» est requise par tous les noceurs du coin. Si bien qu’en saison estivale, la route qui y mène se transforme en un sinueux encombrement sonore. Parfois, l’affluence est telle que la mariée, qui doit y entrer pieds nus comme le veut la tradition, doit faire un sacré bout de chemin pour parvenir à ses fins. Car il ne viendrait à l’esprit de personne de contourner ce mausolée perché sur un mamelon et dominant une mer que les ondulations d’un vent d’est rendent encore plus attrayante. Même durant la soirée, les visiteurs ne manquent pas. Car ici, ce sont également les maris qui doivent se soumettre au rituel. Même s’ils le font avec moins de tapage, le cortège étant alors réduit à sa plus simple expression, la visite du mausolée est requise pour tous. A l’autre bout de la ville, plage de Kharrouba celle que fréquentaient les familles urbaines de Tigditt, plus proche, trône fièrement Sidi Mejdoub, qui partage avec son lointain compère de Mazagran, cet honneur séculaire de pouvoir donner sa baraka, toute marine, à toute nouvelle union. Ce n’est qu’une fois ces rituels accomplis que les heureux élus peuvent enfin se retrouver. Il est vrai que depuis un certain temps, sans doute avec l’arrivée de nouvelles populations venues d’ailleurs, il arrive que des couples fassent la visite ensemble. Ce qui ne dispense pas le mari de revenir, le soir, seul, auprès de Sidi Belkacem. Cette visite des mausolées, fort nombreux dans la région, n’est pas spécifique à Mostaganem. A Mesra, il y a Sidi Bendhiba qui surplombe l’opulente cité. A Sidi Lakhdar, c’est le marabout éponyme, le grand poète et guerrier du Dahra qui est sollicité. Partout ailleurs, à Aïn Tédelès, Aïn Nouissy, Bouguirat, Sirat, Oued El Kheir, Tazgaït, Ouled Boughalem, Beni Ifren, Khadra, Hadjadj, là où les saints de la région apportent calme et sérénité, les cortèges nuptiaux se relaient sans discontinuer. Surtout qu’avec l’émergence des salles des fêtes et la disparition des soirées familiales animées par les maîtres du chaâbi, la date du mariage dépend du bon vouloir des propriétaires de ces salles. Les mélodies langoureuses de Maâzouz Bouadjad ou de Habib Bettahar ont cédé, face à des Dj de plus en plus inventifs et de plus en plus exigeants. Même les visites rituelles aux marabouts sont souvent émaillées de carambolages, voire souvent d’accidents provoqués par la stupidité des automobilistes.

Yacine Alim, Kamel Beniaiche, Houria Alioua, Lies Adli, A. Djafri, Tegguer Kaddour
 

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